Gjosa, un drôle de nom – qui signifie «jaillir» ou «geyser» en islandais – pour une sacrée PME! La société biennoise s’est spécialisée dans les technologies intelligentes permettant d’économiser la consommation d’eau. Un enjeu majeur à l’heure où l’accès à l’eau est une problématique mondiale (lire encadré). Distinguée il y a peu par la Fondation Solar Impulse, qui a répertorié un millier de «solutions propres et rentables à la crise environnementale», Gjosa suscite avec ses innovations un fort intérêt depuis ses premiers jours d’existence, en 2016.

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Pas étonnant lorsque l’on sait que le cofondateur de la jeune pousse n’est autre que l’un des créateurs de la célébrissime montre Swatch dans les années 1980, Elmar Mock, inventeur dans l’âme qui se consacre aujourd’hui à des projets et à des sociétés innovants. En début d’année, Gjosa vient de franchir un cap important. Déjà partenaire technologique et industriel depuis quelques années, le groupe de cosmétique français L’Oréal est entré dans le capital de Gjosa, de façon minoritaire mais fortement engagée, au travers de son fonds de capital-investissement. Mais comment ces deux acteurs, si différents de par leur taille, leurs activités et leur structure, se sont-ils trouvé des intérêts communs?

De Createc à Gjosa

Tout est parti d’un… pommeau de douche. Gjosa a en effet élaboré une technologie permettant de réduire de 65% à 80% les besoins en eau et en énergie. Alors qu’une douche moyenne nécessite 13 litres d’eau par minute en Suisse, le pommeau de douche de Gjosa réduit sa consommation à environ 4,5 litres par minute! «Nous proposons une nouvelle expérience de douche avec une économie d’eau et d’énergie sans précédent. Un jet de petites gouttes homogènes en taille et à haute vitesse, avec une excellente mouillabilité, procure un sentiment d’abondance. Il s’agit d’une nouvelle approche aux soins du corps liés à l’utilisation de l’eau», explique le CEO et cofondateur Luc Amgwerd.

Elmar Mock, serial inventeur

«Deux jets à 150 km/h se mélangent dans le pommeau, qui agit comme un accélérateur de particules d’eau.»

 

Le géant français, poids lourd dans le domaine capillaire, s’est immédiatement intéressé au savoir-faire de Gjosa. Les contacts avec L’Oréal ont alors eu lieu étape par étape, en conjuguant les expertises des spécialistes de pointe en économie d’eau avec celles des professionnels en cosmétique, en particulier dans le rinçage des shampoings, résume le CEO. La start-up biennoise a ensuite développé deux produits majeurs: son fameux pommeau et, en parallèle, une douche pour coiffeurs.

Le pommeau de douche de Gjosa s’avère des plus prometteurs, voire révolutionnaire. «Nous utilisons la vitesse de l’eau. Deux jets à 150 km/h se mélangent dans le pommeau, qui agit comme un accélérateur de particules d’eau, de 200 à 300 microns. Celles-ci sont dispersées sur la personne à 60 km/h, sous forme de gouttelettes très fines», commente Elmar Mock dans le communiqué de l’entreprise.

Ce dernier, après avoir quitté l’horlogerie en 1986, a fondé à Bienne sa propre société d’ingénierie et d’innovation, appelée Createc. Devenue ensuite Creaholic, elle a depuis développé plus de 1000 projets et donné naissance à 250 familles de brevets. L’une des technologies de Gjosa a été ainsi incubée par Creaholic. Conscient du potentiel extraordinaire dans le monde d’une douche économe, l’inventeur a lancé avec trois autres cofondateurs (Luc Amgwerd, Amin Abdulla et Vincent Willemin) la société Gjosa en 2016 afin de concrétiser ce projet. Les actionnaires sont suisses et de différentes nationalités.

Grandes ambitions dans la «beauty tech»

Du côté du mastodonte L’Oréal – un chiffre d’affaires de 29,87 milliards d’euros en 2019 et 88 000 collaborateurs dans le monde –, les ambitions sont grandes en matière de «beauty tech». En janvier, au CES 2021, le groupe français a dévoilé le L’Oréal Water Saver, fruit de ses recherches avec Gjosa. Le système permet une réduction de 80% de la consommation d’eau grâce au pommeau de douche à faible débit qui fractionne le flux d’eau tout en accélérant la vitesse des gouttelettes. Le tout associé aux produits capillaires directement incorporés dans l’eau et appliqués au moyen du pommeau.

Déjà disponible dans certains salons de coiffure à New York et à Paris, le dispositif va être déployé entre 2021 et 2022 et devrait être installé dans des milliers de salons d’ici à quelques années, «ce qui permettra de réaliser des économies pouvant atteindre près de 4 milliards de litres d’eau par an», selon L’Oréal, qui précise que le dispositif destiné aux particuliers sera lancé ultérieurement.

L’Oréal Water Saver. Présenté au CES 2021, ce système incorpore les produits capillaires dans l’eau et économise 80% d’eau.

Et quelles sont les prochaines étapes pour la société de Bienne, qui emploie 15 personnes? «Nous allons nous focaliser sur la qualité de nos solutions et nous assurer que le rythme de production est bien tenu. Nos trois unités, douche/sanitaire, cosmétique et recherche et développement, vont continuer à croître», détaille le CEO. Gjosa est actuellement présente sur différents marchés professionnels (hôtels, hôpitaux, salles de sport, écoles, etc.) qui pourront ainsi réaliser des économies significatives en eau et en énergie. La société biennoise s’intéresse aussi de près au marché immobilier et résidentiel dans des régions où la diminution de la consommation d’eau est une nécessité impérative, notamment en Asie et au Moyen-Orient. Luc Amgwerd tient à préciser aussi que toutes les technologies sont montées en Suisse, notamment avec des PME partenaires high-tech. Il se dit «doublement heureux des derniers dénouements, car c’est une réussite dans la volonté de préserver l’eau, une action vertueuse et valorisante. Enfin, j’apprécie la confiance d’un groupe comme L’Oréal qui veut lier son destin au nôtre.»


Un destin en lettres d’or

On peut facilement imaginer que le destin de Gjosa va s’écrire en lettres d’or. Il faut en effet rappeler que l’accès à l’eau est une problématique croissante dans le monde. La consommation mondiale d’eau augmente deux fois plus vite que la population et, selon l’ONU, en 2025, deux tiers de la population mondiale pourrait vivre dans des conditions de «stress hydrique». «Chez L’Oréal, notre ambition est d’offrir le meilleur d’une beauté respectueuse de l’environnement et d’être le champion de la «beauty tech». En combinant les innovations uniques de Gjosa relatives à la maitrise de la consommation de l’eau et les connaissances pointues de L’Oréal en matière de rituels de beauté, de technologies et de personnalisation, nous inventons ensemble de nouvelles expériences de beauté tout en protégeant cette ressource si recherchée et si précieuse qu’est l’eau», déclare Barbara Lavernos, directrice générale de la recherche de L’Oréal.