«L’exemption de la taxe CO2 représente plusieurs dizaines de milliers de francs. Rater le délai a des conséquences coûteuses.» Pour éviter de telles répercussions financières sur son activité, le fabricant de matériaux isolants Swisspor bénéficie d’un accompagnement de l’Agence de l’énergie pour l’économie (AEnEC) depuis 2006. Créée àla fin des année 1990, cette association à but non lucratif est le fruit d’une initiative des grandes faîtières économiques (Economiesuisse, Usam, Société suisse des entrepreneurs…) et énergétiques (associations des électriciens, des gaziers, etc.). Faisant l’objet d’un partenariat public-privé avec la Confédération, ses outils, notamment la convention d’objectifs, sont donc reconnus par les autorités fédérales et cantonales.

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L'exemple des Swisspor

Chez Swisspor, les six sites de production que compte l’entreprise en Suisse sont concernés et ont établi une convention d’objectifs différente, «car chaque usine a ses spécificités», commente Jacques Esseiva, le directeur technique de Swisspor Romandie. «Cela permet vraiment de fixer des mesures ciblées, concrètes et adaptées à la situation.»

L’entreprise de 550 employés, dont 96 en Suisse romande, a considérablement amélioré sa récupération de chaleur. Par exemple, dans l’une de ses usines de Châtel-Saint-Denis où est fabriqué du polyuréthane, quasiment toute la chaleur du processus est récupérée, ce qui permet de ne plus utiliser de gaz, ni pour chauffer le bâtiment, ni pour les machines.

Faire des économies d’énergie n’est pas seulement une réponse à l’urgence climatique et à l’augmentation des coûts, c’est aussi une obligation légale pour une entreprise. Tous les cantons suisses, à l’exception du Valais, exigent des «grands consommateurs» (les entreprises consommant plus de 500 000 KWh par an) qu’ils s’engagent dans des mesures d’efficience énergétique et de diminution de leurs émissions de CO2, en minimisant la part d’énergie d’origine fossile. Cet engagement se matérialise par une convention d’objectifs. S’ils sont atteints, l’entreprise peut potentiellement demander à être remboursée de la taxe CO2 et/ou du supplément réseau. La taxe sur le CO2 s’élevant actuellement à 120 francs par tonne de CO2 émise, il s’agit d’une ligne de budget non négligeable pour une PME.

Plus de 4000 entreprises 

Jusqu’ici, l’AEnEC a accompagné 4256 entreprises sur l’ensemble du territoire national et dans tous les secteurs. Une centaine de conseillers – issus de bureaux d’ingénieurs partenaires – assurent ces accompagnements. «Ces conseillers sont occupés à un tiers ou à la moitié de leur temps de travail pour l’AEnEC, précise Martin Kernen, le responsable de l’agence pour la Suisse romande. Ils peuvent donc travailler en parallèle sur d’autres projets, nourrissant ainsi leur expertise de terrain.»

La mission commence par un bilan de la situation. Le conseiller se rend dans les locaux de l’entreprise, visite les installations, se fait expliquer les processus par un spécialiste de la production. Une liste de mesures à mettre en œuvre est ensuite établie de manière conjointe. L’entreprise devra réaliser ces mesures dans un délai de dix ans. L’agence spécialisée intervient annuellement pour du monitoring, en identifiant les succès et les limites à la réalisation des objectifs fixés. La Confédération et les cantons vérifient périodiquement si les objectifs annoncés sont bien mis en œuvre.

Des gains judicieux pour Camille Bloch

A Courtelary (BE), l’entreprise Chocolats Camille Bloch a fait appel aux compétences de l’AEnEC en 2014. «En tant qu’entreprise familiale, nous avons la chance de pouvoir penser nos actions sur le long terme et travaillons depuis de nombreuses années à notre efficience énergétique», explique Jean Kernen, directeur industriel de la PME. «Nous poursuivons deux objectifs: la diminution de la consommation d’énergie et l’augmentation de la part d’énergie renouvelable.»

<p>Le chocolatier Camille Bloch, qui emploie 180 personnes pour un chiffre d’affaires annuel de 60 millions de francs, travaille avec l’AEnEC depuis 2014.<br /><br /></p>

Le chocolatier Camille Bloch, qui emploie 180 personnes pour un chiffre d’affaires annuel de 60 millions de francs, travaille avec l’AEnEC depuis 2014.
 

© DR

Le travail mené avec l’agence spécialisée n’a pas amené de changements radicaux, mais a permis d’affiner des processus et d’obtenir des gains judicieux. L’isolation de conduites chaudes, la rénovation de bâtiments ou encore l’utilisation d’énergie solaire et hydraulique ont notamment permis une réduction de 75% de la consommation de mazout sur les quatre dernières années et une baisse de 77% des émissions de CO2 sur les vingt dernières années.

A Zoug, le cimentier Holcim travaille avec l’AEnEC depuis 2013. «Nous avons sollicité l’expertise de l’agence en vue d’améliorer notre efficacité énergétique et pour être accompagnés dans la déclaration de nos émissions de CO2 au registre suisse des échanges de quotas d’émission», explique Lorenzo Silvani, spécialiste Energie chez Holcim Suisse. Un audit énergétique sur les 18 sites industriels de l’entreprise a débouché sur une série de mesures concrètes. «Nos gravières sont labellisées pour leurs efforts en matière de réduction de notre consommation énergétique et de nos émissions de CO2.»

Coût progressif

Pour Jacques Esseiva, directeur technique de Swisspor Romandie, «une des forces de l’AEnEC, c’est qu’avec son expertise elle peut tout de suite identifier les mesures qui apporteront beaucoup et sont rentables. Et puis, elle nous aide sur les plans législatif et administratif, nous rappelant que tel rapport doit être envoyé dans tel délai. Ce soutien est rassurant.»

L’accompagnement a cependant un coût, progressif en fonction des frais énergétiques de l’entreprise. Pour une facture de 50 000 francs par an, une PME devra débourser 2400 francs la première année et 1500 les années suivantes (ou 3200 pour la première année et 2300 pour les suivantes si l’accompagnement est couplé à une exemption de la taxe sur le CO2). Mais ces coûts sont en principe remboursés par les économies obtenues par les mesures d’optimisation énergétique.

«Cette démarche a vraiment pour but d’aboutir à une amélioration de la compétitivité de l’entreprise, insiste Martin Kernen. Il faut qu’avec les mesures préconisées elle puisse devenir moins dépendante des prix fluctuants de l’énergie et mieux préparée pour l’avenir.» L’AEnEC propose également un programme qui répond à une optique de plus long terme, celle de la décarbonation de l’entreprise, pour arriver à un fonctionnement zéro carbone.

L’AEnEC collabore avec tous les types d’entreprise. Mais les petites structures auront peut-être de la difficulté à rémunérer un conseiller sur l’année. «Ils peuvent s’adresser à l’organisme PEIK, créé par SuisseEnergie, qui propose des prestations similaires aux nôtres mais qui permet de toucher des subventions pour la première visite, suggère Martin Kernen.»

 

SR
Stéphanie de Roguin