On a parfois tendance à l’oublier, mais beaucoup de sportifs d’élite sont aussi des entrepreneurs qui gèrent au quotidien leur équipe, négocient des budgets, définissent des stratégies, organisent leur planning ou valident des contenus. Au-delà de leurs performances sportives, ils doivent garder du temps - et de l’énergie - pour s’occuper de la petite entreprise qui s’est progressivement constituée autour d’eux et développer diverses compétences managériales.

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Cette double casquette était bien résumée dans un post récemment publié par le tennisman français Gaël Monfils, domicilié depuis plusieurs années dans le canton de Vaud et qui totalise près de 21 millions de dollars de gains en tournois: «Vous pensez peut-être que mon métier principal, c’est tennisman. En fait, je suis chef d’entreprise», indiquait-il. Dans sa discipline, être sportif professionnel représente un vrai travail collectif. A ses côtés, il dénombre pas moins de douze collaborateurs: deux entraîneurs, un préparateur physique, un préparateur mental, un physiothérapeute, un community manager, un graphiste, un monteur vidéo, deux conseillères éditoriales, un agent et un assistant. 

Une situation qui le fait se sentir comme le patron d'une petite PME, bien que, dans son cas, ce sont ses employés qui lui donnent des ordres, fixent ses objectifs et évaluent ses performances… «J'ai le pied sur l'accélérateur, mais c’est mon équipe qui a les mains sur le volant. On se nourrit mutuellement.»

Conférences pour des entreprises

Pour la snowboardeuse lausannoise Géraldine Fasnacht, également adepte de base jump et de vol en wingsuit, cette double fonction s’est naturellement développée au fil des ans. Lorsqu’elle a commencé les compétitions de freeride, il n’y avait pas de fédération et aucune aide. «J’ai tout d’abord mis de l’argent de côté pour réussir à réaliser ma première saison à haut niveau. Lorsque j’ai gagné l’Xtreme de Verbier en 2002, j’ai décroché mes premiers partenaires. Au début, j’ai fait confiance à un manager qui m’a tout volé. J’ai donc décidé de monter mon entreprise et de tout faire toute seule.»

Aujourd’hui, elle dispose d’un nouveau manager et d’une assistante qui l’aident à traiter les demandes de conférences, les contrats, les compétitions et les médias sociaux. Selon le projet, il peut lui arriver d’engager jusqu’à une quinzaine de collaborateurs, de mandater d’autres sociétés et de collaborer avec des sponsors. Par exemple, elle vient de sortir son dernier film, baptisé «Line&Air», qui commence sa tournée sur les festivals de montagnes et à la télévision, en partenariat avec la marque californienne The North Face.

«Je fais également beaucoup de conférences sur la gestion du risque et comment réussir à aller au bout de ses rêves.» Elle compte une quinzaine de sponsors et partenaires, dont Longines, ainsi qu’une vingtaine d'entreprises clientes pour lesquelles elle organise des conférences et des événements, telles que Pictet, Google ou Nestlé.

Deux fonctions intimement liées

Pour le pilote de moto vaudois Mat Rebeaud, les deux fonctions sont intimement liées. «D’un côté, je suis l’athlète et de l’autre, avec RMF Concept, je suis l’organisateur de la partie motocross freestyle sur des événements. La difficulté réside plutôt du côté sportif que de devoir gérer ces deux aspects. Je dois être capable de rester à 100% concentré sur ce que je fais, avec la pression que peut ressentir un organisateur. Il faut alors mettre des barrières claires et être capable de jongler entre les deux fonctions, sans que cela n’impacte ma performance.»

Il ne dispose pas officiellement d’employés au sein de son entreprise, mais peut compter sur un soutien familial sans faille. «Mon père m’aide dans la gestion du matériel et de la logistique et mon épouse gère l’administratif, ainsi que mes sautes d’humeur!» Concernant les athlètes, il engage des pilotes en fonction de l’événement, selon les demandes du client.

Chaque année, sa société propose en Suisse plusieurs shows clé en main. Cela va de la mise en place du set-up à la constitution du plateau des pilotes et, bien sûr, l’animation du spectacle avec speaker et musique. «Comme tout entrepreneur, il s’agit aussi de faire la promotion de mon activité, de répondre aux demandes de devis et de négociation avec la clientèle.»

Durant une saison, il participe en tant qu'athlète a une vingtaine d’événement en Suisse et en Europe. Il organise entre cinq et dix shows par année, principalement en Suisse. Le prix de départ facturé au client pour un spectacle est de 10 000 francs et varie ensuite en fonction du nombre de pilotes ou de la durée. Quant aux audiences, elles peuvent aller de 200 employés pour des événements d’entreprise à 43 000 spectateurs, par exemple dans le cadre d’un événement qui s’est tenu en mars à Berne.

A l’avenir, le natif de Payerne (VD), qui compte 240 000 followers sur Facebook, souhaite continuer à promouvoir son sport en touchant un public plus large, grâce notamment à la moto électrique, avec laquelle il roule depuis plusieurs années maintenant. «Cela ouvre la porte à des lieux inaccessibles, comme des domaines skiables, où une moto thermique n’aurait pas été autorisée en raison des désagréments qu’elle engendre en termes de bruit ou d'émissions de gaz.» 

Déléguer des tâches de gestion

Bien sûr, l'importance de l’entourage d’un athlète dépend directement de ses ressources financières, qu’elles viennent de sa famille ou de sponsors, et de son niveau sportif: s’il a les moyens de payer un salaire, il prendra dans un premier temps un coach, puis un préparateur physique, un manager, une attachée de presse, un coordinateur de voyages, etc.

Afin de concilier au mieux leur vie sportive, professionnelle ou scolaire, certains athlètes choisissent de déléguer plusieurs tâches de gestion ou de recherche de partenaires à des structures spécialisées. C’est notamment le cas de la skieuse freestyle fribourgeoise Mathilde Gremaud, récente championne du monde de ski slopestyle, représentée par l’agence vaudoise Swiss Talent Project, qui s’occupent d’une douzaine de jeunes talents locaux.

Penser d'abord aux performances

François Fragnière est aujourd’hui président de la Sport management school à Lausanne. Ancien joueur de tennis semi-professionnel, il a également été durant dix ans le coach de son ex-femme Manuela Maleeva, qui a remporté une vingtaine de tournois WTA dans les années 1980-1990. «Pour un athlète, l'important est de s’entourer de personnes qui s'intéressent vraiment à lui, qui le mette au centre. Souvent, les managers pensent surtout à gagner de l’argent. Or, le sportif risque d’oublier que sans performances, il perd sa valeur marchande.»

La règle numéro un consiste à ne pas oublier que le rôle principal de l’athlète est de rester compétitif. Sans résultats, son image ne sert à rien. Il s’agit donc de faire la part des choses et de trouver un bon équilibre, tout au long de son parcours professionnel, quitte à davantage penser à l’argent en deuxième partie de carrière. 

Les exemples d’athlètes s’étant perdus dans le sport business sont nombreux. Des joueuses de tennis comme la Canadienne Eugenie Bouchard (6,7 millions de dollars de gains en tournoi) ou la Russe Anna Kournikova (3,6 millions) ont certes réussi à très bien gagner leur vie, notamment en raison de contrats mirobolants avec diverses marques. Mais, selon François Fragnière, si leur entourage les avait mieux conseillées, «elles auraient sans doute pu connaître une carrière sportive plus fructueuse et ajouter ainsi un zéro à leur compte en banque».

Un millier d’espoirs suisses soutenus

Avec 9,1 millions de francs par an, l'Aide sportive soutient quelque 1050 espoirs sportifs helvétiques. Les fonds sont reversés directement sous forme de contributions d’encouragement, de parrainages et de distinctions à des athlètes issus de 76 spécialités sportives. Située à Ittigen (BE), la fondation récolte ses fonds grâce à des dons, des contributions de sympathisants, des actions caritatives, des partenariats avec la Société du Sport-Toto, des entreprises et d’autres fondations. Plus d’infos: sporthilfe.ch.

William Türler
William Türler