«C’est un domaine d’activité si nouveau que les mots pour le décrire n’existent pas encore», explique Fred Jordan, cofondateur de la start-up lausannoise Final-Spark. Pour l’heure, on utilise biocomputing, intelligence organoïde ou ordinateur vivant… Le principe? Construire de nouvelles machines en utilisant des neurones vivants dérivés de la peau humaine. Il s’agit de créer des entités capables de penser comme un être humain, de générer de nouvelles idées et de nouveaux concepts. Et non pas, comme l’IA actuelle, de simuler la pensée humaine, grâce à des statistiques avancées et à des neurones artificiels.

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Après avoir obtenu un doctorat en traitement du signal à l’EPFL, Fred Jordan crée, avec son compagnon de laboratoire Martin Kutter, la société Alpvision, active dans la lutte contre la contrefaçon. Elle emploie aujourd’hui 18 personnes et protège plus de 30 milliards de produits par an. Ce sont ces revenus qui financent les recherches menées par l’équipe de six personnes travaillant au sein de Final-Spark, que les deux associés ont fondée à Vevey (VD) en 2014.

«Nous voulions nous lancer dans un projet plus ambitieux, qui pourrait faire la différence en termes de recherche fondamentale sur l’IA», explique Fred Jordan. Après avoir essayé des milliers d’algorithmes, ils arrivent à la conclusion que la meilleure solution consiste à construire un nouveau type de matériel. Ils testent alors diverses méthodes liées à des modèles d’intelligence artificielle, tels que les réseaux neuronaux in silico ou la programmation génétique.

Aujourd’hui, seules deux autres sociétés travaillent dans ce domaine: Cortical Labs en Australie et Koniku aux Etats-Unis. FinalSpark a testé plus de 10 000 neurones, reliés à des fils électriques utilisés pour le calcul. «Nous multiplions et différencions des neurones humains, nous les connectons sous la forme d’une petite boule, puis nous discutons avec elle grâce à des électrodes», résume le cofondateur.

Des scientifiques du monde entier tentent actuellement de les programmer à distance. L’évolution est visible en direct sur le site de la start-up, qui détient trois brevets, a investi 1 million de francs dans ses activités et collecté 12 téraoctets de données. Le défi principal consiste à apprendre à un neurone humain à traiter exactement l’information souhaitée. Le système fonctionne grâce à des stimulations chimiques ou électriques. Si l’objectif est atteint, la voie vers des ordinateurs biologiques remplaçant leurs ancêtres en silicium sera ouverte.

Les modèles d’IA traditionnels sont très énergivores et peuvent devenir d’importants émetteurs de CO2. Les ordinateurs «vivants» pourraient consommer jusqu’à 1 million de fois moins d’énergie. Le potentiel est si énorme que les personnes qui travaillent dans ce domaine sont incapables d’anticiper toutes les applications possibles. En termes de levées de fonds, les deux fondateurs ont discuté avec une quarantaine d’investisseurs. Leur objectif est de lever rapidement 50 millions de francs.

William Türler
William Türler