Avec le vieillissement de la population, les offres en matière d’appareils acoustiques ne cessent de se développer ces dernières années. Selon un rapport récent de la Surveillance des prix, ce marché croît au niveau mondial à un taux de 4 à 6% par an et cette hausse de la demande ne devrait pas s’essouffler à l’avenir. Cependant, malgré cette effervescence, les prix, en Suisse, restent indiscutablement hauts en comparaison internationale.

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Des tarifs élevés

«Les prix des aides auditives en Suisse sont plus élevés que dans d’autres pays européens», confirme le surveillant des prix, Stefan Meierhans. Le pays enregistre une forte concentration du marché des appareils auditifs, avec trois grands fabricants, Sonova, WDH et WS Audiology, détenant chacun environ 25% de parts de marché. En outre, la branche est gérée exclusivement par le secteur privé. Or, selon Stefan Meierhans, une politique d’achats publics, à travers des appels d’offres, permettrait de réduire les prix de manière considérable. Un approvisionnement centralisé (comme au Danemark et au Royaume-Uni) s’avérerait beaucoup moins coûteux que la vente individuelle aux commerces spécialisés. «De plus, les personnes porteuses d’un appareil auditif sont trop peu informées et pas assez sensibilisées aux prix», ajoute-t-il.

Les tarifs des appareils auditifs, ainsi que ceux des services liés, varient très fortement entre les différents points de vente. Bien que les principaux composants soient fabriqués en série et que les coûts de production soient estimés entre 80 et 160 francs, le prix de vente d’un appareil auditif en Suisse varie actuellement entre 430 francs pour un appareil d’entrée de gamme et 5100 francs pour des modèles haut de gamme.

Basé à Stäfa (ZH), le groupe Sonova est actif dans une centaine de pays. Il propose plusieurs marques (Phonak, Unitron, Sennheiser, Advanced Bionics) et distribue aussi bien des appareils auditifs que des implants cochléaires et des solutions de communication sans fil. Luca Mastroberardino, responsable pour le pays, relève que les prix des appareils auditifs perçus par les consommateurs en Suisse ne sont pas fixés par les fabricants, mais par les magasins de détail. Il estime par ailleurs qu’il existe en Suisse une «grande concurrence en termes de prix», avec de nombreuses offres différentes pour un même produit. «Les consommateurs peuvent même acheter des appareils auditifs en ligne ou en pharmacie, ce qui n’est pas possible dans la plupart des autres pays européens.»

Une offre pléthorique

De son côté, Misenso est venu étoffer l’offre du groupe Migros en matière de santé en 2020. Ce spécialiste de l’optique et de l’acoustique offre aujourd’hui ses services dans 24 magasins du géant de la distribution, sous la forme de «shop-in-shop», c’est-à-dire dans des boutiques directement intégrées au supermarché. A la fin de l’année dernière, la marque disposait de 15 magasins et employait plus d’une centaine de collaborateurs.

Pour sa part, l’entreprise italienne Amplifon exploite en Suisse une centaine de magasins spécialisés et emploie 300 personnes. «D’une manière générale, le marché suisse connaît une croissance de 2 à 4% par an», souligne le responsable, Christian Rutishauser, qui ajoute qu’il s’agit d’un marché «très libéralisé», où les prix des prestations et des appareils auditifs «doivent être indiqués séparément» et où il existe «des offres de prix pour tous les budgets». En ce qui concerne le niveau élevé des tarifs, il rejoint l’une des observations de Monsieur Prix, ayant trait aux préférences des utilisateurs helvétiques. «De nombreux clients suisses exigent des solutions haut de gamme. C’est la raison pour laquelle il se vend plus d’appareils à prix élevé en Suisse que dans d’autres pays.»

De son côté, l’entreprise aux racines autrichiennes Neuroth est active en Suisse depuis une vingtaine d’années. C’est aujourd’hui l’un de ses principaux marchés. Elle compte plus de 80 centres auditifs (pour quelque 250 employés), dont une quinzaine ont été ouverts depuis un peu plus d’une année. De nombreux autres devraient venir s’ajouter à la liste prochainement. «En termes de chiffre d’affaires, notre croissance en Suisse l’an dernier avoisinait les 25%», indique le CEO, Lukas Schinko, qui estime que réduire un appareillage auditif à son seul prix est trop simpliste: «Chaque appareil auditif est assorti d’un cahier des charges personnel. A chaque client correspond une offre adaptée. Il s’agit d’un produit high-tech, qui exige une adaptation minutieuse pour pouvoir fournir une performance maximale et donc un résultat optimal.»

Des actions pour freiner la hausse des prix

Cela semble également être l’avis du Conseil fédéral. Ce dernier propose de rejeter le postulat de la conseillère nationale Valérie Piller Carrard (PS/FR), qui demande notamment de revoir le système actuel de remboursement par l’AVS/AI et d’étudier de nouvelles pistes pour faire baisser rapidement les prix. Le gouvernement souhaite reconsidérer et clarifier la question des nouveaux moyens auxiliaires apparus sur le marché grâce aux progrès techniques, qui font l’objet de conflits récurrents entre les assurés et l’assurance invalidité ou l’assurance accidents. Certaines de ces nouveautés pourraient, en effet, rendre les personnes concernées plus indépendantes. Par ailleurs, pour éviter les prix surfaits, il conviendrait, selon le Conseil fédéral, de mettre en place un système analogue à celui des médicaments, où les prix sont fixés en fonction de la plus-value pour l’assuré.

Afin de freiner l’augmentation des coûts, une nouvelle méthode de remboursement a été introduite en 2011. Le système tarifaire a été remplacé par un système forfaitaire, selon lequel les assurés de l’AI et de l’AVS reçoivent une contribution fixe pour l’achat d’un appareil de qualité d’un modèle simple et adéquat, ainsi que pour les adaptations et la maintenance par un spécialiste. Pour l’AI, le forfait s’élève à 840 francs pour un appareillage monaural et à 1650 francs pour un appareillage binaural, tous les six ans (sauf besoin). Pour l’AVS, le montant est respectivement de 630 et 1237,50 francs tous les cinq ans.

Dans son rapport, la Surveillance des prix indique que ce changement de système visait à renforcer le pouvoir décisionnel des assurés, accroître la concurrence et, ainsi, faire baisser les prix des appareils auditifs et des services. Cependant, malgré quelques résultats positifs (la concurrence a légèrement progressé et le prix moyen d’un appareil a diminué), en comparaison internationale, les prix des appareils auditifs en Suisse se sont maintenus à un niveau élevé.

Notons pour finir que diverses assurances maladie complémentaires proposent également des contributions pour la fourniture d’appareils acoustiques. En outre, les assurés ont la possibilité d’acheter un appareil auditif à l’étranger et de se faire rembourser par l’AVS et l’AI, pour autant que le modèle soit admis selon la liste de l’Office fédéral des assurances sociales. Mais seulement 3% environ des assurés achètent aujourd’hui leur appareil auditif dans d’autres pays.

Près de 8% de la population concernée

Selon les résultats de l’étude EuroTrak 2018, 7,7% de la population suisse souffre d’une perte auditive. La déficience auditive concerne surtout les personnes âgées de 65 ans et plus. Pour ce qui est du taux d’adaptation, c’est-à- dire le nombre de personnes qui traitent ce problème, la Suisse détient la troisième position avec 44%, après le Danemark (53%) et le Royaume-Uni (48%). La Suisse arrive en tête avec 82% de porteurs d’appareils auditifs pour les deux oreilles. Enfin, ce sont les Helvètes qui portent leur appareil auditif le plus longtemps chaque jour, soit 9,8 heures.

William Türler
William Türler