Un équivalent d’OpenAI basé en Suisse, plus transparent et davantage ciblé sur les PME, voilà, en résumé, le projet de Hestia.ai. Lancée à Genève en 2021 par le mathématicien belge Paul-Olivier Dehaye, qui avait joué un rôle moteur dans les révélations du scandale Cambridge Analytica, la start-up vient de finaliser sa propre solution logicielle, baptisée Argo. «Dans un sens, nous proposons plus de fonctionnalités qu’OpenAI, avec la garantie de rester dans une infrastructure suisse», résume le CEO.

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Connu pour son travail ayant permis la divulgation de l’affaire de siphonnage de données qui a secoué Facebook et influencé l’élection présidentielle américaine de 2016, ainsi que le vote du Brexit, Paul-Olivier Dehaye a pu attirer en deux phases des dons importants pour lancer son projet. Le premier émanait d’une fondation du créateur d’eBay, Pierre Omidyar, qui a permis de construire l’association genevoise PersonalData.IO, active dans la protection des données personnelles. Le deuxième a été octroyé par le Fonds pionnier Migros. Il a permis à l’activité naissante d’aller plus loin dans sa dimension collective. «Au début, nous n’arrivions pas à trouver un business model autour des données personnelles. Nous avons fait pivoter nos activités pour élargir le champ aux données en général, notamment en provenance d’entreprises. De plus, nous ne nous sommes plus concentrés uniquement sur la protection, mais également sur la valorisation de celles-ci.» L’idée centrale consiste à savoir ce que l’on peut concrètement faire avec le potentiel de ces données.

Ce travail de pivot a coïncidé avec l’explosion de l’IA générative dans le débat public. «Aujourd’hui, chacun fait ses expériences de son côté, il y a très peu de mécanismes de collaboration. J’y vois une forme de capture. A l’autre extrémité, on dispose d’une vue beaucoup plus globale.» Le mathématicien pointe un autre problème: «La logique actuelle est que, pour faire mieux, il faut de plus grands modèles et donc plus d’investissements. Ce n’est pas une voie pérenne. En plus des coûts exorbitants, notamment en termes écologiques, plus de données signifie des données de moins bonne qualité.» Selon lui, on se trouve au contraire dans un contexte où le «small is beautiful».

Partant de ces constats, l’équipe, constituée aujourd’hui de cinq personnes, a élaboré sa propre solution. D’une certaine manière, elle réplique OpenAI, dont la technologie n’est pas brevetable. Le client peut choisir son modèle – ChatGPT n’est qu’une possibilité parmi d’autres options open source –, y ajouter ses documents ou les attacher à un répertoire partagé. L’un des clients de la société, un think thank genevois, peut par exemple customiser des chatbots pour des régions du monde spécifiques. Un autre, actif dans l’accompagnement d’athlètes, utilise ce système pour rendre ses bases documentaires plus efficaces. Afin de se rapprocher du vivier d’étudiants de l’EPFL, la start-up est aujourd’hui établie à Lausanne. Elle dégage un revenu annuel d’environ 500 000 francs, mais ne compte pas en rester là.

 
William Türler
William Türler