Vous savez que j’adore les néologismes, barbarismes, anglicismes et acronymes en tout genre. Alors le «nold», c’est pour moi! Ouiii, cela concerne les 45 à 65 ans, et «nold» est une contraction de never old, à savoir «jamais vieux». J’essaie d’expliquer depuis un moment (mais pas grand monde n’écoute, à dire vrai) une évolution qui va avoir des répercussions importantes sur les plans démographique, sociétal, générationnel, amoureux, médiatique, professionnel et tout ce que vous voulez: les vieux d’aujourd’hui ne sont pas les vieux d’hier.

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Ce n’est pas juste parce que je suis une vieille d’aujourd’hui et que je ne veux pas ressembler à une vieille d’hier, hein. Encore que. Je me souviens que quand ma grand-mère arrivait de Tchéquie pour une visite dans les années 1980, nous lui commandions des tabliers à fleurs et des pantoufles dans le catalogue Veillon (aaah le catalogue Veillon!) pour qu’elle puisse faire des knödels maison sans se salir et regarder la télé bien au chaud; j’avoue que ce n’est pas exactement le programme que je visualise pour mes prochaines années.

Car en 2024 c’est quoi, la réalité? Mamie a fait les 400 coups en 1968, elle a écouté du rock, fait l’amour sans préservatif pendant la parenthèse enchantée, avec la pilule et sans le sida, elle a fumé de la beuh, elle a connu un peu beaucoup passionnément pas mal d’hommes avant son mariage et probablement quelques-uns pendant, peut-être même des femmes, elle a bossé comme une dingue, gagné et dépensé son argent, porté des minijupes et des Dr. Martens, voyagé dans le monde entier sac au dos, manifesté contre les centrales nucléaires et pour l’avortement, elle a couru des marathons et en court peut-être encore, elle possède désormais le dernier smartphone, s’éclate sur son vélo électrique, vient de se faire des tatouages old school très colorés et très visibles, a décidé de divorcer à 65 ans et de s’inscrire sur un site de rencontres pour seniors, elle fait du crossfit et du botox sans complexe, elle ne regarde pas Drucker ou Morisod mais Grace et Frankie sur Netflix, elle s’occupe volontiers de ses petits-enfants mais elle aime bien les rendre, elle aime rire de tout, en se disant qu’on se marrait quand même mieux avant. Papi idem, si ce n’est qu’au lieu de la pilule d’ecsta qu’il achetait sous le manteau dans les rave parties des années 1990, il prend désormais du Sildénafil pour ce que vous savez. C’est caricatural, ce que je dis? Bien sûr. Mais pas si faux. Et assez bien résumé par ce mot de «nold».

Dans cette tranche d’âge des 45-65 ans, selon un sondage de mai 2023, ils sont 8 sur 10 à ne pas se reconnaître dans les standards générationnels qu’on leur inflige. C’est comme en météo avec la température: il y a l’âge réel et l’âge ressenti. Ils sont agacés d’être qualifiés de seniors, que ce soit au boulot, dans le sport ou au cinéma. Alors quel rapport avec le monde du travail, me direz-vous? Eh bien, trrrès intéressant, justement. Car dans quelle situation sommes-nous? Avec une génération nombreuse qui va prendre sa retraite. Une relève démographique insuffisante. Des tensions pour recruter dans certains domaines. Alors qu’il y a des armées de quinquagénaires bourrés d’expérience et d’énergie sur le carreau parce que l’on continue à penser dans les entreprises que les vieux sont chers, lents et non digitaux.

Vous me voyez venir, pââ? Selon une étude de McKinsey parue il y a un an, la réintégration des personnes de 60 ans et plus dans le circuit professionnel d’une manière ou d’une autre représente un potentiel économique mondial de 6,2 trillions de dollars. Je ne sais même pas ce que c’est qu’un trillion, ça fait même longtemps que je n’ai pas vu un billet de 1000, mais j’imagine que ça doit faire beaucoup de zéros. C’est peut-être ça, la solution cynique contre l’âgisme et la discrimination des vieux au boulot, se rendre compte que l’âge d’or de l’économie grise est devant nous.

Accessoirement, dans un monde techno-déprimant et aseptisé par l’intelligence artificielle, avoir dans une équipe intergénérationnelle la mamie de tout à l’heure, humaine, qui a tout vu et tout vécu, passionnée par un job qu’elle continue à pratiquer à temps partiel par plaisir, à sa manière et sans qu’on lui reproche sa ringardise, aurait quelque chose de super rassurant pour les générations futures. Qui verraient que cela peut être cool de vieillir au boulot et même cool de vieillir tout court.