La pneumonie tue un enfant toutes les 30 secondes dans le monde. Cette statistique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est à l’origine du développement du pneumoscope, un stéthoscope numérique intelligent, par le médecin des HUG Alain Gervaix et son équipe. «C’est en discutant avec mes enfants que l’idée m’est venue, explique le pédiatre infectiologue. Ils m’ont parlé de l’application Shazam, qui reconnaît une musique. On a alors développé un outil capable d’identifier le son des poumons et de donner un diagnostic sur la gravité de l’infection.»

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Les agents de santé dans les zones reculées ne sont pas formés pour reconnaître le son d’une maladie des poumons. Onescope combine un stéthoscope numérique avec un oxymètre de pouls et un thermomètre dans un petit boîtier connecté à un smartphone. «Cette solution de télémédecine permet une première évaluation et indique si un patient doit se déplacer, parfois à pied sur des dizaines de kilomètres, ou s’il peut être traité sur place par un agent de santé», poursuit-il. Asthme, covid et bronchopneumopathie, tuberculose affectent des centaines de millions de personnes chaque année dans le monde. L’impact du diagnostic est donc central.

Onescope a enregistré plus de 250 000 cycles respiratoires pendant quatre ans entre les HUG, l’Hôpital du Valais et le Centre hospitalier de Rennaz notamment. Aujourd’hui, le travail de recensement continue en République démocratique du Congo et au Mozambique. Cette collecte de données a permis de développer, grâce à l’IA, un modèle reconnaissant les sons. Ce travail d’intelligence acoustique a été mené en parallèle avec Rocket Science à Zurich. L’agence de design industriel Multiple, à La Chaux-de-Fonds, a créé le boîtier miniature. Deux brevets ont été déposés pour ce pneumoscope, dont une vingtaine de prototypes sont en test dans le monde.

Marquage européen

Fondée officiellement il y a à peine un an, la start-up genevoise compte six collaborateurs, dont trois travaillent à côté. C’est le cas d’Alain Gervaix, CEO et médecin aux HUG. Le projet a levé 3 millions de francs au total entre Innosuisse, l’Etat de Genève, différentes fondations et des prix tels que Future of Health Grant porté par l’assureur CSS.

«Nous sommes en attente du marquage européen (CE) pour la fin de l’année. La FDA suivra pour obtenir le feu vert aux Etats-Unis», note-t-il, ajoutant que la concurrence existe à l’étranger mais se borne à une seule analyse alors que le pneumoscope s’attaque à l’ensemble des maladies pulmonaires. En Suisse, on connaît la start-up Virtuosis AI, une application de télémédecine primée. «Sa technologie est différente, car elle travaille sur la voix du patient et non sur les bruits internes des poumons.»

La start-up a déjà reçu des demandes pour l’analyse à distance des sons du cœur d’une personne ou d’un fœtus. «En cas d’hypoxie par exemple, cela permettrait de savoir, sans déplacer la femme enceinte, s’il faut prévoir une césarienne anticipée. Onescope se développera continuellement, comme un iPhone, couvrant ainsi diverses problématiques médicales», ajoute Alain Gervaix.

Un pédiatre fait-il aussi un bon entrepreneur? «Trop souvent j’ai vu des collègues avec des idées géniales restant dans un placard. Si on veut sauver des vies, il faut aller au-delà du proof of concept et mettre le produit sur le marché. Pour cela, je me suis associé à des spécialistes en microtechnique, en finance et en marketing. Calculer la rentabilité est loin de mon expertise, mais je ne suis pas naïf: c’est le rôle d’un investisseur.»