Les rôles sont clairement répartis: l'industrie pharmaceutique suisse est le bouc émissaire. En raison de ses importants excédents d'exportation, Donald Trump a imposé à toute la Suisse des droits de douane à l'importation de 39%.
Le patron de Breitling, Georges Kern, estime donc que la Suisse est «otage de l'industrie pharmaceutique», comme il l'a déclaré à la NZZ. Elle devrait désormais baisser volontairement ses prix afin d'apaiser le président américain. D'autant plus que les produits pharmaceutiques sont exemptés de droits de douane pour la Suisse.
Les droits de douane et les prix sont deux problèmes distincts
Dans le débat politique intérieur, ces deux questions sont désormais mélangées: celle des prix des médicaments aux États-Unis et celle des droits de douane. Or, elles doivent être considérées séparément.
L'UE a par exemple conclu un accord douanier avec Donald Trump qui prévoit des droits de douane à l'importation de 15%, y compris pour les produits pharmaceutiques. Une baisse des prix des médicaments aux États-Unis ne fait pas partie de l'accord. On ne sait pas non plus si les États-Unis ont établi un lien dans les négociations avec la Suisse entre une baisse des droits de douane pour la Suisse et une baisse des prix par Roche et Novartis.
Donald Trump met néanmoins l'industrie pharmaceutique sous pression: il exige des prix plus bas de tous les fournisseurs et menace l'industrie de nouveaux droits de douane. «L'ensemble du secteur est menacé par de nouveaux droits de douane américains, pas seulement les fournisseurs suisses», souligne Stephan Mumenthaler, directeur général de Scienceindustries, l'association de l'industrie des sciences de la vie.
En effet, en avril, le gouvernement américain a lancé une enquête dite «Section 232». Celle-ci vise à déterminer si le faible niveau de fabrication des médicaments aux États-Unis constitue une menace pour la sécurité nationale. Afin d'inciter l'industrie à produire davantage aux États-Unis, Donald Trump a menacé à plusieurs reprises le secteur de droits de douane, la dernière fois en début de semaine. Sur la chaîne américaine CNBC, il a annoncé un premier «droit de douane élevé» sur les produits pharmaceutiques, qui devrait augmenter chaque année et pourrait finalement atteindre 250%.
Des droits de douane de 10 à 15% attendus sur les produits pharmaceutiques
Stephan Mumenthaler s'attend à ce que le gouvernement américain présente les résultats de son enquête «Section 232» en août. Les représentants de l'industrie américaine tablent alors sur des droits de douane initiaux de 10 à 15% sur les importations de produits pharmaceutiques. Face aux menaces répétées de Donald Trump, des entreprises pharmaceutiques telles que Roche et Novartis, mais aussi des entreprises américaines telles que Johnson & Johnson et Eli Lilly ont déjà annoncé de nouveaux investissements aux États-Unis. Roche a annoncé à elle seule 50 milliards de dollars d'investissements aux États-Unis, Novartis 23 milliards de dollars.
Donald Trump devrait néanmoins imposer des droits de douane sectoriels sur les produits pharmaceutiques, car les investissements de l'industrie ne lui suffisent pas. Les représentants de l'industrie espèrent que le gouvernement américain accordera au moins des allègements douaniers aux entreprises qui investissent massivement aux États-Unis. C'est également l'approche choisie par le constructeur automobile allemand Audi: selon Handelsblatt, il prévoit de construire une nouvelle usine aux États-Unis et négocie dans ce contexte avec le gouvernement américain pour obtenir des allègements douaniers.
Donald Trump n'a guère de marge de manœuvre en matière de prix
Le deuxième point de discorde entre Donald Trump et l'industrie pharmaceutique concerne les prix élevés des médicaments aux États-Unis. Le 31 juillet, le président américain a écrit une lettre aux dirigeants de 17 grandes entreprises pharmaceutiques dans laquelle il exige que les groupes proposent leurs produits aux États-Unis selon le principe de la nation la plus favorisée, c'est-à-dire au prix le plus bas pratiqué par un fournisseur dans un autre pays industrialisé. Donald Trump a donné aux entreprises jusqu'au 29 septembre pour se plier à ses exigences, faute de quoi le gouvernement «utilisera tous les moyens à sa disposition», a-t-il menacé.
La Bourse et les représentants du secteur ont toutefois réagi avec calme. En effet, Donald Trump avait déjà fixé en mai un ultimatum de seulement trente jours à l'industrie pharmaceutique sur la question des prix. Ce délai s'était écoulé sans conséquence. Les analystes de la banque américaine Citi soulignent ainsi que le président américain n'a que des pouvoirs limités en matière de fixation des prix des médicaments. S'il souhaite modifier le système en profondeur, il doit changer la législation et faire adopter les modifications par le Parlement.
Selon un lobbyiste américain, le gouvernement pourrait tout au plus tester, de son propre chef, certains projets pilotes de nouvelle tarification pour des principes actifs individuels auprès des assureurs maladie publics Medicare et Medicaid, mais rien de plus.
Comment les entreprises réagissent à la lettre de Donald Trump
Le secteur sait toutefois qu'il ne peut pas simplement ignorer les exigences de Donald Trump. Avant même la réception de la lettre, le directeur général de Roche, Thomas Schinecker, avait déclaré fin juillet que le groupe menait des discussions sur la question des prix. Un moyen de réduire les prix jusqu'à 50% pourrait consister à contourner les intermédiaires dans la distribution, à savoir les «Pharma Benefit Managers».
Ces derniers négocient, pour le compte des assureurs maladie ou des employeurs, quels médicaments seront effectivement remboursés et à quels prix. Une grande partie des rabais accordés par le secteur serait absorbée par ces PBM. Cette proposition n'est toutefois pas tout à fait nouvelle, et on peut douter qu'elle suffise à Donald Trump.
Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.