Bonjour,
Trois potes se filmant en wakeboard se retrouvent dix ans plus tard à produire la campagne de pub de Nuii en Australie avec la superstar Jason Momoa. Une histoire bluffante, celle de Toast.
Tiphaine Bühler
Lors d’un tournage en Australie, Antoine Janssens, cofondateur de Toast, en pleine discussion avec l’acteur d’«Aquaman» Jason Momoa (à droite).
ToastPublicité
Pourquoi Toast? «Parce que la société est née après une soirée arrosée au bord du lac de Neuchâtel», lance le CEO, Robin Vaneberg. Il a alors 21 ans, ses cofondateurs Antoine Janssens et Florian Fatton, 22 et 23 ans. Le premier a grandi avec une caméra dans les mains, le deuxième est passionné de photographie. Amis d’enfance sur l’eau, sur la neige et sur la terre, ils glissent et ont faim d’expériences. La faim, un terme qui revient sans cesse dans la bouche de Robin, le plus jeune, qui a interrompu ses études de commerce à la HE-ARC pour se lancer à 100% dans l’entrepreneuriat.
Ça a commencé par de petits films pour des connaissances, puis des peintres, des couvreurs, des sous-traitants horlogers. Il y a ensuite eu Scott, le premier gros contrat, une campagne avec Nino Schurter, le multiple champion du monde de VTT. «Scott est notre plus vieux client, avant même que Toast ne soit officiellement créée. Aujourd’hui, pour leur campagne sur les vélos urbains, on les a amenés à New York. Antoine vit désormais aux Etats-Unis et s’occupe de promouvoir les marques suisses et européennes sur le marché américain. Il connaît les codes, et inversement pour les sociétés américaines qui souhaitent s’implanter en Europe.»
Avant de s’ouvrir à l’international, Toast Studios a dû trouver son chemin. La structure a été fondée en 2013 avec 20 000 francs empruntés à des connaissances contre le remboursement et un souper un an plus tard. Le repas a été savoureux. «On a frappé à toutes les portes et on s’est pris beaucoup de râteaux, sourit Robin Vaneberg. Je me souviens d’un rendez-vous chez une grande maison horlogère de La Chaux-de-Fonds. A peine arrivé, le directeur marketing nous a demandé combien de temps ça allait prendre. Là, tu dois ravaler ta fierté et commencer ton pitch. Pour la petite histoire, huit ans plus tard, ils nous ont rappelés. On a travaillé pour eux, mais le paiement a été difficile. On les a poursuivis et on a gagné. Dans les deux cas, ça a été des expériences hyper-formatrices.»
Il y a aussi eu les débuts avec les drones et la création, pour les shootings aériens, de Toast Air, une structure en marge de Toast. C’était très nouveau et la législation pour les drones était balbutiante. Le pilote était un ami en transition, aujourd’hui il a monté sa propre société et est un partenaire solide. Ce mode de développement est désormais la marque de fabrique de Toast. «Nous sommes devenus peu à peu une plateforme qui accompagne les jeunes réalisateurs en devenir. On a créé un réseau en Suisse et à l’international dont nous bénéficions pleinement», observe-t-il.
Publicité
A cette période également, ils sont contactés par le chanteur Bastian Baker pour son clip Leaving Tomorrow. Les images sont tournées à l’île de Peilz, à Villeneuve, sous la tempête. «Je l’ai recroisé récemment lors de sa tournée solo en Suisse. On était comme des potes qui se sont perdus de vue. Nos carrières ont grandi en parallèle», note-t-il.
De plus en plus, Toast se fait connaître pour ses films outdoor. Le sport et la nature ne sont jamais très loin. Il y a six ans, la directrice marketing de la marque de glaces australienne Nuii les contacte via Instagram. Elle veut les rencontrer pour s’implanter en Europe. L’histoire commence par de petits projets. Elle se poursuit par un tournage en Australie avec l’acteur d’Aquaman Jason Momoa. La start-up neuchâteloise se retrouve à gérer 40 personnes en Australie, une production les pieds dans le sable.
«Quand il y a de grandes stars, le client est toujours plus stressé que ceux qui réalisent. Antoine avait mis son t-shirt de la fondation Coral Gardeners avec laquelle on a aussi travaillé. Jason l’a immédiatement repéré et le lien s’est fait autour de la conservation des océans», se souvient Robin Vaneberg. Toast a tourné avec bien d’autres célébrités: Antoine Griezmann à Madrid, Jennifer Lawrence à Londres, Stan Wawrinka, Marco Odermatt, Mikaela Shiffrin ou encore lors du concert de Lady Gaga à Rio pour la bière Corona, en duo avec Mike Horn et Cyril Despres en Mongolie. Le côté institutionnel n’est pas en reste avec JPMorgan Chase Bank, la plus grande banque du monde. Le Petit Poucet neuchâtelois rêve grand et ça marche.
Publicité
De la rencontre avec Nuii découlent les campagnes pour Häagen-Dazs et Extrême. «Toast est devenue experte en glaces», plaisante le fondateur. L’une de leurs plus grosses productions s’est déroulée aux Etats-Unis avec 60 personnes à superviser, de la création artistique à la réalisation, un monde différent également sur le plan contractuel. Pour les accompagner dans ces démarches, Toast a engagé l’ancien chef de la publicité d’Omega Gilles Sandoz.
Alors, comment négocie-t-on avec de telles marques? «La plupart du temps, le client arrive avec un budget et une idée. On est très transparents sur nos prix et nos mandats vont de quelques milliers de francs à des montants proches des 7 chiffres. A nous de leur expliquer qu’on peut réaliser leur souhait, qu’on est hyper-motivés, mais qu’on a besoin de ressources et d’un budget différent pour y arriver», explique Robin Vaneberg. Il ajoute que leur agence se situe entre le divertissement et l’art et que cela se paie. Pour être prête à négocier, l’équipe de Toast se challenge mutuellement pour savoir où baisser les prix et quelle solution B apporter.
Près de 80% de leurs contrats se font à l’étranger, pour des marques suisses et étrangères. Pourtant, la start-up de huit personnes, dont deux aux Etats-Unis, reste basée à Neuchâtel. «Toast a changé de sites de travail en ville, en fonction des besoins de la société et de l’évolution de nos métiers. Par exemple, nous n’avons plus l’utilité d’un studio photo. Mais nous restons très attachés à Neuchâtel», signale l’ancien président du Ski nautique club Neuchâtel.
Publicité
A présent, les trois potes de l’époque ont passé la trentaine et travaillent toujours ensemble. Rien ou presque n’a entamé leur faim. «J’ai deux enfants désormais, Antoine est le parrain de mon aînée et je vais courir avec Florian à midi pour préparer un trail. On va lancer cette année Around Communication pour aider les sociétés à mieux valoriser leurs contenus visuels», glisse-t-il, insatiable. Le secret de cette union sacrée? Laisser son associé développer ses rêves. C’est le cas d’Antoine, installé aux Etats-Unis, et de Robin, qui, en plus de Toast, a racheté Discover Earth, une plateforme Instagram lancée par deux Nyonnais et qu’il fait grandir.
Né et scolarisé à Madagascar jusqu’à ses 10 ans, Robin Vaneberg a racheté il y a deux ans la plateforme communautaire Discover Earth. En montrant la beauté de la nature sur Instagram, il souhaite reconnecter l’humain à celle-ci, aux différentes cultures et aux océans. En deux ans, le nombre d’abonnés a doublé, passant à près de 7 millions. «Nous aimerions être le petit frère de Nat Geo (National Geographic, ndlr). Le message est écologique, mais pas activiste, précise-t-il. J’ai eu la chance de vivre et de voyager dans de nombreux pays. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Il est difficile de vouloir protéger quelque chose qu’on ne connaît pas, d’où l’importance de ces publications.» Dona Bertarelli est notamment mentor du projet suivi de très près par l’Unesco et l’ONU.
Publicité