Il s’est d’abord formé comme physiothérapeute à la HES-SO Valais-Wallis avant de créer, en 2001, la société Medbase et de suivre en parallèle des études d’économie d’entreprise. A la suite du rachat de l’entreprise par Migros, Marcel Napierala, 48 ans, s’est imposé comme l’un des, voire le Monsieur Santé du groupe. En intrapreneur, tient-il à préciser. Il a pu, dès l’arrivée de Fabrice Zumbrunnen à la direction générale, compter sur son soutien et convaincre ses collègues de faire de la santé l’un des quatre piliers de l’entreprise. Une stratégie validée par les organes décisionnels du groupe en 2021.

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La santé est-elle pour Migros un marché comme un autre?

La santé fait partie de l’ADN de Migros. Mais ce n’est pas pour nous un marché comme les autres. Il est d’ailleurs constitué de plusieurs parties: la prévention, les soins médicaux de base, la médecine dentaire, la réhabilitation, la prise en charge des personnes âgées... En développant Medbase et une approche intégrée de la santé, nous avons l’ambition de faire vivre cette promesse d’engagement en faveur de la santé. C’est une face de la médaille.

Et l’autre?

C’est un marché particulier, mais ça reste un marché. Nous devons démontrer que nous sommes capables d’être rentables dans un domaine, les soins de base et la médecine ambulatoire, où les marges restent basses. D’ailleurs, nous faisons des bénéfices dans tous les domaines où nous sommes actifs. Mais nous ne visons pas à maximiser le profit. Nous cherchons un résultat d’exploitation équilibré.

C’est-à-dire?

Entre 5 et 8%. A titre de comparaison, les cliniques privées, par exemple, ont des objectifs qui se situent entre 10 et 15%. Pour pouvoir payer des salaires corrects, pour développer la formation continue et pour pouvoir investir dans l’innovation, comme avec le projet Compassana, nous nous devons d’être profitables.

Lors d’une interview récente, Fabrice Zumbrunnen, le CEO sortant de Migros, nous disait qu’en développant ses activités dans la santé le groupe allait contribuer à stabiliser la hausse des coûts et donc à lutter contre l’îlot de cherté suisse. Comment exactement?

D’abord, nous contribuons à maintenir et à développer les soins de base dans un contexte où la Suisse manque cruellement de généralistes. Et cela, grâce à notre réseau de centres médicaux et de pharmacies. La médecine ambulatoire est sous pression. Si nous perdons ce que j’appelle le premier kilomètre de notre système de santé, les coûts vont augmenter de plus belle.

La maîtrise des coûts passe d’abord par la réduction du volume des prestations…

La réponse, c’est le managed care. Nous visons à délivrer des prestations de haute qualité dans les soins de base tout en limitant les coûts inutiles et donc en jouant le rôle de gate keeper.

Par exemple?

La prescription de médicaments. Notre objectif, c’est 70% de génériques, pas moins. Autre exemple, le recours à des spécialistes comme les gastroentérologues, les cardiologues, les orthopédistes… Notre approche: examiner en profondeur la pertinence d’y envoyer nos patients ou pas. Nous disposons d’une dizaine d’indicateurs de performances qui visent à optimiser au maximum le volume de prestations sans nuire à la qualité de la prise en charge.

Existe-t-il des directives Medbase?

Nous ne prétendons pas dire à nos médecins comment exercer leur métier. Leur liberté thérapeutique est à 100% garantie. En revanche, nous produisons des guidelines au sein de nos comités de qualité composés de médecins, de pharmaciens et d’autres professionnels de la santé pour optimiser nos processus. Une collaboration étroite avec les caisses maladie, qui proposent de plus en plus de modèles de primes alternatives est, elle aussi, essentielle pour stabiliser, voire réduire les coûts pour le système. Et les charges pour les assurés.

Il est toujours tentant de pousser à la consommation…

Migros n’a pas pour mission de maximiser le profit, je le répète. Dans la médecine de premier recours, la demande est de toute façon bien plus grande que l’offre, contrairement à ce qui se passe dans certaines spécialités. Et nous n’avons pas assez de médecins généralistes pour y répondre. Dans certains centres, nous devons même refuser de nouveaux patients. Ce qui me désole.

Et la tentation de sélectionner les bons risques?

Notre patientèle est constituée à 80-85% de malades chroniques (diabète, maladies cardiovasculaires, cancers…), comme dans la moyenne des organisations de soins. Parce que nous avons un historique de physio et une forte offre en médecine du sport chez Med-base, on entend parfois dire que nos patients sont presque par définition en bonne forme physique. C’est une légende.

La santé, chez Migros, ce n’est pas que la médecine de base…

C’est justement ce qui fait notre force auprès des patients, mais aussi en termes économiques. La médecine de base est très réglementée. Dans la pharmacie, 40% du marché est libre. Pour la médecine dentaire, c’est près de 95%. Nous pouvons ainsi jouer sur plusieurs tableaux et équilibrer nos risques.

Le groupe Migros peut-il révolutionner la santé de même que, à l’époque, Gottlieb Duttweiler a réinventé le commerce de détail?

La santé représente en Suisse des dépenses annuelles de l’ordre de 83 milliards de francs. Migros fait actuellement dans ce domaine un chiffre d’affaires de 1,35 milliard de francs environ. Et même si nous doublons ou triplons ce montant dans les cinq à dix ans à venir, il serait présomptueux de parler de révolution.

Vous êtes le numéro un de la médecine ambulatoire et le numéro deux de la pharmacie. Certains experts craignent que vous puissiez représenter un jour un risque systémique, voire occuper une position de monopole…

Regardez les chiffres, ils parlent d’eux-mêmes. Cela dit, nous avons conscience des responsabilités qui vont de pair avec notre engagement croissant dans la santé. Nous sommes convaincus que Migros, avec Medbase et en collaboration avec d’autres acteurs, peut contribuer à une évolution salutaire d’un système en crise.

Migros a beaucoup investi dans les clubs de fitness. Mais la prévention, c’est aussi une alimentation saine. En faites-vous assez?

Je ne suis pas le patron de l’ensemble du groupe. Permettez donc une certaine retenue. Ce que j’observe, c’est que le groupe prend des initiatives qui vont dans le bon sens par rapport au sucre et au sel, par exemple, ou avec l’introduction générale du Nutri-Score. Mais les changements ne se font pas du jour au lendemain. Ce qui rend d’autant plus utiles les efforts de sensibilisation et de conseil en matière de santé consentis par la plateforme iMpuls, l’Ecole-club Migros et la presse Migros.

La santé est un axe stratégique pour le groupe. Pourquoi ne pas utiliser la marque Migros?

Medbase, Digitec Galaxus ou Denner sont né hors du groupe et ont gardé leur propre identité au sein de Migros. Et même si nous partageons les valeurs fondatrices de Migros, nous amenons des savoir-faire et des manières de procéder spécifiques. L’important, pour les patients-clients, ce n’est pas la marque, mais notre capacité à répondre à leurs besoins.

Migros, le nouveau géant de la santé

Le distributeur est aujourd'hui numéro un de la médecine ambulatoire et un poids lourd dans la pharmacie les soins dentaires et les fitness. Pour le bien du patient? Réponse dans notre grand dossier:

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Alain Jeannet