Un Suisse sur cinq sera à la retraite d’ici à 2040. Quelles sont les attentes de ce public voué à prendre toujours plus d’ampleur?

Les seniors représentent un marché extrêmement diversifié, aux attentes hétérogènes. Cette catégorie de la population montre une volonté toujours plus marquée de bénéficier de solutions qui favorisent son autonomie, dans tous les domaines de sa vie. Qu’il s’agisse de logements, de soins, de technologies ou de loisirs, les aînés seront toujours plus nombreux à vouloir choisir par et pour eux-mêmes, le plus longtemps possible. Les entreprises doivent anticiper ce besoin, qui continuera d’augmenter ces prochaines années, et adapter leurs offres.

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Quels sont les éléments essentiels à considérer afin de proposer des solutions pertinentes?

Il s’agit d’accompagner le processus de vieillissement grâce à des services et à des produits adaptés et modulables, sans être stigmatisant. Les entreprises doivent veiller à la manière de nommer et de présenter leurs offres. Le but consiste à rester le plus inclusif possible, en évitant de mettre en avant des aspects liés à une certaine fragilité par exemple. Le Conseil d’Etat du canton de Vaud a changé l’appellation de logement protégé en logement adapté avec accompagnement (LADA). Les transports publics suisses font également la distinction entre seniors – représentés jusqu’alors avec une canne – et personnes à mobilité réduite. On peut aussi penser aux voyages organisés dans le secteur du tourisme. Au lieu de créer un programme «spécial seniors», mieux vaut imaginer une thématique générale comme «spa et montagne», qui réponde aux besoins de ce public, sans exclure néanmoins d’autres types de clients.

De quelle manière le Senior-lab peut-il les accompagner?

Le Senior-lab compte aujourd’hui sur une communauté de plus de 200 seniors en Suisse romande, qui évalue des produits avant leur mise sur le marché. En fonction de leurs retours, la plateforme émet ensuite des suggestions d’adaptation aux entreprises.

Nous avons par exemple accompagné une entreprise, qui a mis au point une solution de téléassistance en cas de chute qui se base sur l’analyse de la consommation énergétique. Afin d’évaluer la pertinence de ce service, nous avons réalisé des focus groups avec les seniors et leurs proches, puis fait un test sur le terrain, en organisant des entretiens d’évaluation réguliers afin d’obtenir les retours d’expérience des seniors. Résultat: le service s’est révélé souhaitable, car il n’était pas stigmatisant – on n’a pas d’objet à porter sur soi et il n’y a pas de modifications visibles à faire dans le logement. Il a néanmoins fallu l’adapter, car il se basait sur un préjugé qui veut que tous les seniors aient un rythme de vie extrêmement routinier. D’où la nécessité de prévoir la possibilité de personnaliser le système ou de le désactiver de manière indépendante, ce qui n’était pas prévu au départ.

Quels secteurs bénéficieront le plus de cette évolution de la société?

Globalement tous. Les acteurs de l’immobilier, de la santé, du social et des technologies auront un grand rôle à jouer dans le développement de solutions innovantes, notamment en matière de maintien à domicile. Par exemple, à l’avenir, les modèles d’habitat devront être conçus en intégrant des outils de téléassistance ou des systèmes de monitorage et d’alerte dont le design devra rester discret pour éviter toute stigmatisation. La demande en matière de soins à domicile ou à distance va aussi augmenter. Afin de développer la télémédecine ou un suivi connecté des maladies chroniques, les secteurs de la santé et de la technologie mais également du design, de l’économie et de l’ingénierie seront amenés à collaborer toujours plus étroitement.

La fortune des baby-boomers

  • 18 milliards de francs En Suisse, environ 18 milliards de francs suisses d’actifs gérés par des banques seront légués en 2024. La majeure partie de cette fortune est celle laissée par les baby-boomers, selon l’étude d’Ernst & Young publiée en mai 2024. Le géant de l’audit parle même du «plus grand transfert de fortune de l’histoire financière mondiale». Dans le monde, le montant d’élève à 3000 milliards de dollars américains légués en 2024. Et la tendance se renforce: en 2023 déjà, la majorité des milliardaires l’étaient devenus par héritage.
  • Garder les clients L’enjeu pour les banques consiste à garder ces nouveaux clients héritiers. En Suisse, les plus de 65 ans détiennent plus de 30% de leurs actifs dans des établissements financiers. «Compte tenu du volume des héritages, il sera décisif pour les gestionnaires de fortune de conserver ces clients, déclare Olaf Toepfer, fondateur et directeur du Global Center for Wealth Management d’EY dans l’étude. Remplacer cette activité par de nouveaux clients représentera un défi de taille, notamment pour les banques privées établies.» L’étude pointe notamment l’importance de comprendre les attentes des femmes et des nouvelles générations.
  • Les nouveaux fortunés En 2016, le baby-boomer médian était 13 fois plus riche que le millénial moyen, selon une enquête de la Réserve fédérale des Etats-Unis. La tranche d’âge des 65 ans et plus bénéficie en effet d’une situation financière particulièrement appréciable. En 2015, la fortune nette des seniors s’élevait à 49% de l’ensemble de la fortune des Vaudois, selon le rapport de prospection du canton. Il y a aussi davantage d’individus aisés parmi les plus de 65 ans: 14% des ménages retraités déclarent une fortune brute supérieure au million de francs, contre 5% des ménages actifs. Les retraités sont ainsi en moyenne six fois plus riches.
  • Précarité  La catégorie démographique des seniors enregistre aussi de grandes disparités. Presque 300 000 seniors vivent avec moins de 2500 francs par mois dans le pays, selon Pro Senectute. La précarité touche surtout les femmes étrangères qui n’ont pas fait d’études et qui vivent seules.