La recherche et le développement ainsi que la mise en œuvre des exigences réglementaires maintiennent les entreprises en alerte, et ce dans pratiquement tous les secteurs. Que diriez-vous donc d’une coopération intersectorielle ponctuelle et spécifique à certaines entreprises? Par exemple entre des sociétés de technologie médicale et des producteurs alimentaires? Ceux-ci pourraient s’associer pour exploiter des synergies, notamment dans le domaine de la production de «viande artificielle».
Ce qui semble relever de la science-fiction peut avoir du sens. Dans le domaine de la technologie médicale, par exemple, des recherches sont menées sur la fabrication de reins, de foies, de muscles cardiaques, de peau artificiels, etc. De plus, les exigences réglementaires et techniques sont similaires à celles qui s’appliquent à la viande cellulaire dans l’industrie agricole et alimentaire (c’est-à-dire la viande cultivée en laboratoire sans qu’aucun animal ne doive être sacrifié). Un échange dans ce secteur pourrait profiter aux deux industries. Sur le plan juridique, tous les aliments qui peuvent être commercialisés dans l’UE conformément au règlement sur les nouveaux aliments sont en principe également «commercialisables» en Suisse. Les aliments génétiquement modifiés font exception. L’industrie des technologies médicales pourrait ici apporter son savoir-faire.
«Grâce à notre spécialité, les nanofibres, nous sommes en contact avec de nombreux secteurs différents, et je trouve les projets de recherche communs toujours très enrichissants, déclare Christian Adlhart, professeur à la Haute Ecole des sciences appliquées de Zurich (ZHAW) et responsable du groupe spécialisé Matériaux fonctionnels et nanotechnologie. Beaucoup de choses sont possibles; nos nanofibres, par exemple, ressemblent aux fibres de collagène de la matrice extracellulaire, ce qui suscite un vif intérêt pour leur utilisation comme matériaux de support pour les cultures tissulaires en 3D.» Il était donc logique de lancer une coopération, en partant du principe que les cellules animales se comportent de manière similaire aux cellules humaines.
De nombreuses possibilités de coopération existent entre les producteurs de viande cultivée et les entreprises de technologie médicale. Cela se fait déjà, en particulier dans les sociétés qui développent des produits biopharmaceutiques, des thérapies géniques et des thérapies cellulaires.
Vaste champ de coopération
Richard Alldread, directeur technique chez The Cultured Hub à Kemptthal, près de Winterthour, voit également de nombreuses possibilités de coopération entre les producteurs de viande cultivée et les entreprises de technologie médicale. Cela se fait déjà, en particulier dans les sociétés qui développent des produits biopharmaceutiques, des thérapies géniques et des thérapies cellulaires. «La technologie permettant de cultiver des cellules de mammifères en grandes cultures pour la production de viande cultivée a été largement reprise de l’industrie biopharmaceutique et adaptée aux besoins de l’agriculture cellulaire», explique-t-il.
«Il existe donc un vaste champ de coopération pour améliorer les équipements, les méthodes et les technologies nécessaires à une culture et une manipulation fiables des cellules.» Richard Alldread est convaincu que la coopération présente un avantage majeur pour l’industrie médicale, car ce type de développements communs aura probablement un impact positif considérable sur les coûts.
Mais les deux secteurs industriels ont des intérêts économiques très différents. Traditionnellement, la technologie de culture cellulaire est utilisée dans le domaine médical pour produire des traitements très coûteux et à forte marge bénéficiaire, qui ne sont accessibles qu’à un nombre relativement restreint de patients, tandis que l’industrie alimentaire a besoin de produits bon marché pour le marché de masse. «Les volumes de production et les structures de coûts de l’industrie alimentaire et de la technologie médicale sont d’ordres de grandeur diamétralement opposés», relève Christian Adlhart.
Je suis optimiste quant au fait que nous mangerons bientôt de la viande cultivée.
Christian Adlhart, professeur à la ZHAW
Dans le domaine alimentaire, une valeur ajoutée nutritionnelle est également souhaitée. «Personnellement, je suis optimiste quant au fait que nous mangerons bientôt de la viande cultivée et que celle-ci conquerra le marché de masse dès que son coût sera inférieur à celui de la viande animale», ajoute-t-il. The Cultured Hub pourrait contribuer à la réalisation de cet objectif. Derrière cette joint-venture se trouvent Migros, Givaudan et le groupe Bühler. Les partenaires mettent à profit leur expérience collective dans les domaines de la transformation alimentaire, du développement de produits, de la production, du marketing et de la commercialisation pour aider les entreprises à combler le fossé en matière de mise à l’échelle grâce à The Cultured Hub.
Avantages en termes de coûts
Richard Alldread souligne néanmoins que la nécessité de réduire les coûts dans le secteur de la santé et de rendre les traitements plus accessibles est désormais une évidence partagée par tous. La collaboration pour le développement de technologies améliorées qui répondent aux besoins des deux secteurs devrait apporter des avantages financiers considérables à l’industrie médicale, tandis que l’industrie de la culture cellulaire bénéficiera des nombreuses années de recherche déjà menées dans le domaine médical.
Le benchmarking latéral, c’est-à-dire la comparaison de solutions à des problèmes rencontrés dans des entreprises, des produits et des services extérieurs à sa propre industrie, pourrait être développé pour déboucher sur une coopération latérale. Mais le manque de capital-risque, combiné à une législation protégeant les acquis, constitue un obstacle majeur pour les entreprises innovantes, et pas seulement dans le secteur alimentaire.