Les Suisses adoptent un mode de vie plus sain. En vingt ans, la part des fumeurs a chuté de 30,5% à 23,9%, tandis que la consommation d’alcool est passée de 10 à 8 litres par habitant et par an. Parallèlement, plus de 78% de la population pratique désormais suffisamment de sport, contre 67% au début du millénaire. Cette dynamique touche surtout les jeunes: en 2024, près de 682 000 enfants et adolescents ont participé à des camps de sport, soit 130 000 de plus qu’en 2014. Une évolution d’autant plus pertinente que «l’essentiel des maladies chroniques sont liées au mode de vie», rappelle Michael Gaille, médecin anesthésiste spécialisé en longévité. Les quatre piliers – renoncement au tabac, consommation modérée d’alcool, sport et alimentation équilibrée – sont accessibles au plus grand nombre.

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Pour Marion Braizaz, sociologue à l’Unité de sociologie visuelle de l’Université de Genève, cette évolution est le prolongement d’une tendance commencée au siècle dernier. «Avant le XXe siècle, une des représentations dominantes du corps était celle de l’inné, du don. Aujourd’hui, le corps est davantage pensé comme le résultat d’un travail, d’un projet, et il est devenu un support identitaire. On est tenu pour responsable de son corps et l’on cherche à montrer qu’on en a le contrôle. En parallèle, on a assisté au siècle dernier à l’avènement de la médicalisation de la société, qui fait de la santé une valeur cardinale du mode de vie contemporain.»

La chercheuse observe que cette tendance s’étend désormais bien au-delà des soins traditionnels: «L’intervention médicale est devenue légitime dans beaucoup de domaines où cela ne l’était pas précédemment. On le voit avec l’ampleur de la pharmacologisation, des étudiants prennent par exemple des stimulants pour renforcer leurs capacités cognitives au moment des examens.» Les réseaux sociaux ont amplifié ce phénomène. «Avec la démocratisation de la photographie puis l’hyper-exposition sur les réseaux sociaux, les individus sont obligés de réfléchir à la manière dont ils se présentent aux autres et donc à leur apparence», observe la sociologue.

L’esthétique devient donc un enjeu majeur. Les implants capillaires séduisent notamment les hommes, dont un tiers souffre d’alopécie à 30 ans et la moitié à 50 ans. Les cliniques spécialisées se multiplient partout en Suisse, avec des tarifs oscillant entre 5000 et 20 000 francs par opération. «L’esthétique et la longévité sont deux aspects imbriqués. Aucun traitement de la peau ne prolongera la durée de vie. Mais lorsqu’on vit plus longtemps, on le fait dans une enveloppe corporelle que beaucoup cherchent à soigner pour préserver la qualité de leurs interactions sociales», estime le Dr Thierry Dauvillaire, fondateur de la Clinique ReGeneva à Meyrin (GE).

Les femmes représentent généralement 80 à 90% de la clientèle des centres de soins esthétiques. A Marly (FR), l’entrepreneuse Gina Clément, coiffeuse de formation et de métier, a ouvert en 2024 sa clinique Vitacosmic, proposant une approche holistique mêlant soins capillaires et esthétiques. L’idée a émergé d’un constat: «Beaucoup de mes clientes me demandaient une approche plus globale, avec le traitement en surface par la coiffure et un traitement en profondeur contre la chute des cheveux.»

Dans sa clinique, cette femme de 31 ans collabore avec deux médecins généralistes et une dermatologue-cosmétologue pour prendre en charge entre 15 et 20 personnes par jour. Elle propose notamment des injections de PRF pour prévenir la chute des cheveux et des soins esthétiques sur tout le corps avec des injections de principes actifs. Sa clientèle, principalement féminine et multigénérationnelle (25-65 ans), se concentre sur la tranche 45-55 ans. «Beaucoup de femmes d’âge moyen aspirent à s’offrir un traitement esthétique pour vivre mieux dans leur peau et bien vieillir. Mais certaines veulent commencer même plus tôt, parfois dès 25 ans. Dans la médecine esthétique, les soins préventifs sont importants.» Mais Gina Clément reste vigilante face aux demandes de certaines clientes. «Il arrive que des personnes en détresse psychologique apparente nous demandent une intervention pour aller mieux. Dans ce cas, nous préférons donner un délai de réflexion d’une quinzaine de jours. Jusqu’ici, toutes ces personnes se sont finalement désistées.»