Pourquoi investir dans le secteur de la longévité, après vos succès dans le numérique et la fintech?
Ce qui m’anime en tant qu’entrepreneur, c’est de me confronter à des sujets d’avenir. J’ai fondé ma première entreprise internet à 19 ans, sans savoir programmer, puis me suis intéressé très tôt au bitcoin. La longévité m’intrigue depuis 2009, après une rencontre avec Aubrey de Grey, une figure majeure du domaine. Aujourd’hui, après dix ans dans le secteur du web et dix ans dans la crypto, la longévité est devenue mon nouveau champ d’action. Je ne suis ni médecin ni biologiste, mais passionné par l’idée d’aider les gens à vivre plus longtemps, en meilleure santé.
Comment est né Maximon?
En 2020, après avoir vendu Crypto Finance Group, mon associé Tobias Reichmuth et moi avons voulu nous lancer dans un nouveau défi. La longévité nous est apparue comme la prochaine méga-tendance. Maximon n’est pas un simple fonds d’investissement. Nous cofondons chaque entreprise avec des experts, souvent des scientifiques ou des médecins. Nous investissons jusqu’à 10 millions de francs par projet et sommes donc très impliqués tant financièrement qu’opérationnellement.
Quels segments vous semblent les plus prometteurs?
Il faut distinguer deux grands axes. D’un côté, il y a tout ce qui concerne les biotechnologies, qui requièrent des essais cliniques et des investissements très importants qui se comptent souvent en dizaines ou centaines de millions de francs. Le second grand pilier du marché de la longévité concerne ce que l’on peut résumer par des solutions «prêtes à l’emploi», qui touchent notamment au bien-être, à la nutrition et à la santé numérique. Ce sont des domaines où les produits et services existent déjà ou sont rapidement développables, et dont l’efficacité peut être prouvée scientifiquement. Chez Maximon, nous faisons tout sauf de la biotech.
Quelles sont les start-up dans lesquelles Maximon a investi?
Nous avons investi à ce jour près de 30 millions de francs dans cinq entreprises, dont deux ne sont pas encore publiques. Parmi nos projets phares, il y a Avea, une entreprise basée au Tessin qui développe des compléments alimentaires, avec des produits brevetés développés en collaboration avec un professeur de l’EPFZ. Elle compte aujourd’hui environ 40 collaborateurs et se développe très bien, notamment en Asie où elle réalise plus de la moitié de son chiffre d’affaires. Il y a aussi Ayun, une clinique de longévité ouverte durant l’été 2024 à Zurich, qui propose des soins médicaux régulés, accessibles à un public plus large que les cliniques de luxe. Elle cible les actifs urbains plutôt que les ultra-riches.
Sur quels critères sélectionnez-vous les projets?
Il y en a trois principaux: la validité scientifique, le potentiel de revenus rapides et la «scalabilité». Nous ne voulons pas vendre de la poudre de perlimpinpin. Nous cherchons des modèles reproductibles à grande échelle, susceptibles de générer un retour sur investissement à court ou à moyen terme.
Comment distinguer les initiatives sérieuses de celles plus discutables?
Nous attachons une grande importance à la crédibilité scientifique. Nous collaborons ainsi systématiquement avec des scientifiques et des médecins reconnus. Dans nos entreprises, un tiers des effectifs vient de la recherche ou de la médecine. Nous nous assurons aussi que nos produits peuvent faire l’objet d’études cliniques pour prouver leur efficacité réelle.
Combien de temps faut-il pour développer ces projets?
C’est assez variable. Certains durent plus de trois ans avant leur mise sur le marché, tandis que d’autres ont lancé leurs premiers produits en six mois. L’avantage de ne pas faire de biotech, c’est que nous pouvons viser des résultats commerciaux dans des délais plus courts.
Quel rôle la Suisse peut-elle jouer dans ce marché?
La Suisse bénéficie d’instituts de recherche de pointe, d’une industrie pharmaceutique avec une longue tradition, de capital disponible et d’une image forte à l’international, notamment dans le médical. Le label Swissmedic et le «Swiss made» sont reconnus mondialement, ce qui facilite une internationalisation rapide.
Et les faiblesses du hub suisse?
Le manque de prise de risque et de capital pour les idées audacieuses. En comparaison avec les Etats-Unis, le soutien aux projets visionnaires reste timide. Et à l’échelle européenne, l’environnement réglementaire ou politique n’est pas toujours propice à l’innovation.
Certains voient la longévité comme un privilège pour les riches. Comment répondez-vous à cette critique?
Ce n’est pas complètement faux. Historiquement, les nouvelles innovations ont d’abord été accessibles aux plus riches, comme l’automobile ou l’ordinateur personnel. Mais beaucoup de pratiques bénéfiques pour la longévité, par exemple marcher davantage, réduire la consommation de sucre ou d’alcool, sont à la portée de tout le monde. Et notre objectif, avec une clinique comme Ayun, est précisément de rendre plus accessibles des traitements autrefois réservés aux ultra-riches.
Où voyez-vous ce marché dans dix ans?
Les deux à cinq prochaines années vont être cruciales. Grâce aux données et aux capteurs, on va pouvoir mieux mesurer ce qui fonctionne réellement. L’avenir appartient à des services et des produits fondés sur des preuves. On va aussi voir apparaître des médicaments spécifiquement conçus pour ralentir le vieillissement, comme l’Ozempic l’a été pour la perte de poids. C’est un champ immense qui reste encore largement à explorer.
Et pour Maximon?
Nous nous concentrons pour l’instant sur nos cinq entreprises. Certains nous disent que nous sommes encore trop tôt et nous voulons montrer que l’on peut créer des entreprises à succès à long terme. Nous prévoyons de lancer un deuxième fonds l’année prochaine, où nous pourrons développer de nouvelles entreprises. Nous organisons aussi des événements comme la Longevity Investors Conference, dont la prochaine édition aura lieu en septembre à Gstaad, pour réunir chercheurs et investisseurs. Il est essentiel de créer des plateformes où la science et le capital peuvent se rencontrer pour faire avancer le secteur.
Et personnellement, appliquez-vous certaines routines ou des principes issus de la longévité?
Je ne suis pas un biohackeur obsessionnel, mais je m’inspire bien sûr de ce que j’apprends au quotidien. Certaines pratiques simples font déjà une grande différence. J’évite le sucre, je fais environ 12 000 pas par jour, je m’efforce d’optimiser mon sommeil et de gérer mon stress. J’utilise également des suppléments ciblés et je participe régulièrement à des thérapies comme l’oxygénothérapie dans notre clinique. Cependant, je crois aussi en l’importance du plaisir immédiat. Il ne s’agit pas seulement de vivre plus longtemps, mais de vivre mieux.