Le marché mondial de la longévité, qui atteindra 600 milliards de dollars d’ici à 2028  selon les estimations, représente un eldorado financier pour une nouvelle génération d’entrepreneurs fortunés, prêts à tout pour repousser les limites du vieillissement. La tendance a été popularisée par des figures iconoclastes du monde tech. Bryan Johnson, le milliardaire américain devenu cobaye de ses propres expériences anti-âge, a même inspiré un documentaire Netflix. L’approche fait des émules. Plus près de nous, le Bâlois Tobias Reichmuth s’est lui aussi fixé un objectif de longévité ambitieux: vivre en bonne santé jusqu’à 120 ans. Serial entrepreneur, il a notamment fondé la clinique Ayun à Zurich en 2024.

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Partout en Suisse, la médecine anti-âge gagne du terrain avec des professionnels de la santé qui prônent des changements comportementaux préventifs. L’objectif: revitaliser les cellules pour les rendre plus performantes et résistantes afin de permettre au corps et à l’esprit de préserver leur vitalité malgré le temps qui passe. L’enjeu est colossal. D’ici à 2055, le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans augmentera de 50%, selon l’Office fédéral de la statistique. Or les coûts de santé explosent chez les aînés.

Face à ce défi, le secteur s’organise. A Meyrin (GE), l’Hôpital de La Tour accueillera bientôt le Campus Santé, un site réunissant de grandes entreprises, des start-up, des laboratoires et des espaces de formation, entièrement dédié à la longévité et à l’autonomie. Budget: près de 1 milliard de francs, financé intégralement par des fonds privés. La fin des travaux est prévue pour 2028. «Face au vieillissement global, le système de santé doit changer de paradigme: passer d’une médecine centrée sur la maladie à une médecine centrée sur la prévention», explique Benoît Dubuis, président de l’Académie suisse des sciences techniques et coresponsable du projet du campus genevois. Tradition d’excellence en soins personnalisés, industrie medtech de pointe, écosystème biotech florissant, liens étroits entre hôpitaux et start-up innovantes et population au pouvoir d’achat élevé, le pays fait valoir ses atouts pour ne pas rater le virage de la longévité.

Un succès qui en dit long

La Suisse s’impose comme un pôle stratégique de l’innovation en longévité, portée par un écosystème unique. Des start-up y explorent de nouvelles frontières pour ralentir le vieillissement, prédire les risques liés à l’âge ou régénérer les fonctions biologiques. Ce dynamisme est stimulé par des fonds spécialisés comme +ND Capital, cofondé par Patrick Aebischer, ancien président de l’EPFL, qui investit dans des technologies de rupture en sciences de la vie. A la croisée de la biotechnologie, de la recherche fondamentale et de l’entrepreneuriat, la Suisse offre un terreau fertile où le progrès des connaissances alimente une médecine préventive de pointe.

Des compléments alimentaires pour mieux vivre

Avea

Cette société tessinoise développe des produits agissant sur la production d’énergie, la réparation de l’ADN ou la lutte contre le stress oxydant.

© Avea

L’entreprise Avea développe des compléments alimentaires conçus pour ralentir les mécanismes biologiques du vieillissement. «Notre approche repose sur une ligne de produits qui soutient les fonctions cellulaires essentielles, en agissant sur des processus comme la production d’énergie, la réparation de l’ADN ou la lutte contre le stress oxydant, explique Sophie Chabloz, cofondatrice et directrice scientifique d’Avea.

L’approche se veut rigoureuse sur le plan scientifique. «Nous investissons activement dans la recherche, avec des études précliniques sur modèles biologiques, des études d’observation humaine, ainsi que des études clients régulières. Nous collaborons par ailleurs avec des instituts tiers pour valider l’efficacité de nos produits. En parallèle, nous travaillons en lien étroit avec des experts en longévité et des institutions académiques de référence.»

L’entreprise a notamment mis au point un ingrédient breveté, Colgevity, pour optimiser la production de collagène. Les études in vitro indiquent une stimulation de la production du collagène jusqu’à quatre fois supérieure à celle du collagène standard.

L’un des défis à résoudre concerne le format des compléments. «Nous nous engageons à utiliser des dosages qui ont démontré une efficacité dans les études cliniques, tout en combinant plusieurs ingrédients actifs de manière synergique, précise Sophie Chabloz. Mais cela se heurte souvent à des contraintes physiques: la taille des gélules et le nombre que les gens sont prêts à prendre quotidiennement. Nous essayons de limiter chaque produit à deux gélules par jour.»

Basée au Tessin, la société compte aujourd’hui environ 40 collaborateurs et connaît une forte croissance, en particulier en Asie. «C’est un marché avec un grand potentiel, notamment parce que le label «Swiss made» y est particulièrement valorisé.»

Reprogrammer le vieillissement

Epiterna

Fondée à l’Unil, cette start-up a montré qu’il est possible d’inverser certains marqueurs du vieillissement cellulaire sans perturber l’identité des cellules.

© Epiterna

Fondée en 2022 par Kevin Perez et Alejandro Ocampo à l’Université de Lausanne, Epiterna se spécialise dans le développement de thérapies visant à ralentir le vieillissement. Son CEO, Alejandro Ocampo, a été l’un des premiers à démontrer comment la reprogrammation épigénétique peut prolonger la durée de vie des souris. Cette découverte scientifique a marqué une étape importante dans la recherche sur la longévité, en montrant qu’il est possible d’inverser certains marqueurs du vieillissement cellulaire sans perturber l’identité des cellules.

La start-up ambitionne de prolonger la durée de vie en bonne santé grâce à des traitements aussi simples à prescrire que des médicaments classiques, qui agissent au niveau moléculaire et cellulaire, plus accessibles que les thérapies complexes. Epiterna utilise une plateforme de criblage à haut débit, qui permet d’identifier des molécules actives sur des cibles biologiques, via des essais automatisés et rapides. Cette technologie permet d’évaluer l’effet de milliers de composés sur des modèles animaux et cellulaires en un temps record, tout en réduisant les coûts de développement. L’objectif final est d’identifier des médicaments à petites molécules, des composés chimiques de faible poids moléculaire qui peuvent être synthétisés ou dérivés de sources naturelles.

En août 2023, Epiterna a levé 10 millions d’euros auprès de Prima Materia, la société d’investissement créée par Daniel Ek, fondateur de Spotify, et l’entrepreneur Shakil Khan. Ce financement permet à l’entreprise d’accélérer ses recherches et de préparer des essais cliniques. L’arrivée de ces investisseurs prestigieux témoigne de la crédibilité scientifique d’Epiterna, mais aussi du potentiel économique des biotechnologies du vieillissement.

Rajeunir les cellules pour prévenir les maladies

Vandria cherche à freiner le vieillissement cellulaire, et elle y parvient. La start-up lausannoise a levé près de 28 millions de francs depuis sa création, en 2021, dont 10 millions en 2024 pour lancer un essai clinique de phase 1 sur des volontaires en bonne santé. Ses chercheurs ont développé une approche innovante visant à rajeunir les mitochondries, considérées comme les «centrales énergétiques» des cellules. La recette: des composés capables d’aider les mitochondries à mieux se régénérer après la division cellulaire, afin de ralentir leur perte de vitalité au fil du temps. Toutes les molécules développées par Vandria sont de nouvelles entités chimiques, inspirées d’une molécule, l’urolithine A, présente dans la nature.

La molécule testée actuellement en essais cliniques, baptisée VNA-318, agit sur les cellules du système nerveux central. Le composé pourrait freiner les effets de maladies neurodégénératives comme l’alzheimer ou le parkinson, dont la fréquence augmente avec le vieillissement de la population. «Les résultats des essais précliniques ont été très encourageants. Nous espérons donc pouvoir commercialiser la molécule d’ici à quelques années», explique Klaus Dugi, directeur général de Vandria. En parallèle, la start-up développe d’autres molécules ciblant la dégénérescence musculaire, hépatique et pulmonaire.

L’entreprise emploie aujourd’hui 11 personnes. Le projet est né de l’impulsion de trois cofondateurs, dont Patrick Aebischer, ancien président de l’EPFL, qui siège toujours au conseil d’administration. Vandria bénéficie du soutien de +ND Capital, de la Hevolution Foundation et du family office Dolby Family Ventures. Un deuxième tour de financement (série B) est en préparation pour financer les essais d’efficacité.