Javier Bello Ruiz, 35 ans
Cofondateur et CEO d’Imverse, Lausanne

Digital Shapers 2020 Creatives Javier Bello Imverse

Javier Bello Ruiz (à gauche) construit des avatars réalistes à partir d'enregistrements vidéo. 

© ©Stéphanie Liphardt

Alors que tout l’univers du métavers repose sur des avatars, leur conception demande beaucoup de temps aux développeurs. Pour résoudre ce problème, Javier Bello Ruiz a lancé la start-up Imverse, qui s’occupe d’automatiser le processus. Fondée en 2017 avec Robin Mange, la firme travaille sur un logiciel qui crée des avatars réalistes à partir d’enregistrements vidéo. La technologie d’Imverse peut enregistrer, créer et diffuser simultanément plusieurs hologrammes pour des applications de téléprésence, le tout en direct et en 3D. Imverse collabore avec de grands acteurs de l’industrie, comme Microsoft et Logitech, tout en revendiquant son indépendance en matière de système et de matériel informatique. «Notre vision est de définir une image 3D qui façonne l’avenir du graphisme, comme l’a fait le format MP4 pour les vidéos», explique Javier Bello Ruiz. Avec ce projet, l’entrepreneur vient de lever 4,8 millions de francs de capital-risque. Le grand fabricant de lunettes de réalité virtuelle HTC fait partie des investisseurs.


Pascal Bérard, 34 ans
Directeur d’Avatar AI Nvidia, Zurich

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Pascal Bérard a vendu cette année son entreprise de développement à Nvidia.

Lorsque Pascal Bérard découvre un nouveau film, il ne peut s’empêcher de scruter l’écran pour identifier les séquences réalisées en images de synthèse. C’est que ce Bernois d’origine est un professionnel du secteur. Pendant son doctorat à l’EPFZ, l’informaticien a travaillé au centre de recherche zurichois de Disney. Grâce à son savoir-faire, il a permis au géant américain du divertissement de rendre les yeux des personnages animés aussi humains que possible. 

Son doctorat en poche, Pascal Bérard fonde en 2018 l’entreprise Animatico, avec deux camarades d’études de l’EPFZ. La start-up zurichoise développe des avatars inter-actifs, c’est-à-dire des images logicielles d’apparence humaine, notamment pour le voyagiste Hotelplan. Depuis cette année, Animatico appartient à la compagnie américaine Nvidia. Pascal Bérard est devenu Director Avatar AI du groupe technologique coté au Nasdaq, pour qui les avatars jouent un rôle stratégique. La firme ambitionne de créer un monde numérique appelé «omniverse», un équivalent du métavers. Pascal Bérard ne peut pas encore révéler grand-chose sur son nouveau rôle chez Nvidia. Tout ce que l’on saura, c’est que sa mission n’a pas changé: «Mon rôle est toujours de donner aux nouvelles technologies des émotions et un visage humains.»


Laetitia Bochud, 45 ans
Directrice de Virtual Switzerland, Genève

Laetitia Bochud met en relation la communauté XR avec des entreprises et fait avancer le secteur.

© Keren Bisaz

Lorsque les frontières entre la réalité et le monde virtuel s’estompent, Laetitia Bochud n’est jamais très loin. Depuis plusieurs années, cette passionnée contribue au développement de la réalité étendue (XR), une branche encore jeune mais très florissante. «J’ai eu la chance d’entrer dans ce domaine alors qu’il n’en était qu’à ses débuts.» Elle a ainsi pu accompagner l’essor de cette technologie et se lier avec la communauté XR suisse à mesure qu’elle se constituait. Dans son cercle, Laetitia Bochud est souvent décrite comme une facilitatrice. Elle met en relation la communauté XR avec les entreprises du secteur et encourage les projets. En tant que présidente de l’association XR4Europe, elle a lancé le programme Impulse, qui soutient les initiatives XR. Elle est aussi l’ambassadrice de Women In Immersive Tech (WIIT). L’engagement auprès de la relève lui tient également à cœur. «Cette année, nous avons lancé le programme Young Talent Booster, qui s’adresse aux étudiants en médias immersifs et inter-actifs», se réjouit-elle.

Laetitia Bochud est convaincue que la réalité étendue est promise à un grand avenir. «La technologie évolue rapidement. Elle doit s’imposer comme l’une des pierres angulaires du métavers, dont on parle tant.» Selon l’experte, la XR apporte de nouvelles possibilités dans ce contexte. La réalité et la simulation peuvent se combiner de manière multisensorielle afin de plonger les utilisateurs dans le monde numérique de manière visuelle, acoustique et olfactive.


Ulrich Götz, 51 ans
Head of Game Design Program, Haute Ecole des Arts de Zurich, Zurich

Ulrich Götz est l’un des maîtres d’œuvre en matière de serious gamîng.

C’est une réalité méconnue. Le jeu vidéo est le plus gros business dans le domaine du divertissement, loin devant le cinéma. Au niveau mondial, son industrie réalise un chiffre d’affaires plus important que ceux de Hollywood et de Bollywood réunis. De nos jours, les jeux étendent toujours davantage leur champ d’application. Certains produits aident les personnes âgées souffrant de difficultés cognitives. D’autres soutiennent les enfants ayant des problèmes de motricité dans leur rééducation. Les projets les plus ambitieux doivent permettre aux paraplégiques de commander, au moyen d’interfaces cerveau-corps, des appareils qu’ils ne pourraient pas utiliser autrement. L’un des maîtres d’œuvre du serious gaming est Ulrich Götz.

Cet expert est professeur de game design à la Haute Ecole des arts de Zurich depuis 2004. Il a effectué une grande percée en 2014 lorsque, grâce à sa technologie, des tétraplégiques ont pu, pour la première fois, déplacer des personnages de jeu dans un monde virtuel, uniquement par l’effet de la pensée. Ulrich Götz témoigne: «Les jeux de tir peuvent être ennuyeux. Mais il en existe des déclinaisons passionnantes. Un développement permet par exemple aux patients atteints de leucémie de tirer sur des cellules sanguines responsables de leur maladie. Une activité qui favorise leur guérison.»


Sven Brunner, 32 ans
Cofondateur et CEO Holo One, Santa Clara (USA)

Sven Brunner: «Nous sommes le Microsoft Office de la réalité augmentée.»

© Roger Hofstetter

Avec sa start-up Holo One, Sven Brunner propose des solutions pour des applications de réalité augmentée. Parmi ses clients, de grandes entreprises de l’industrie automobile, du bâtiment, mais aussi l’armée suisse. «Nous sommes le Microsoft Office de la réalité augmentée», sourit Sven Brunner. Holo One ne fabrique pas les lunettes, mais propose le logiciel correspondant. Ainsi, des personnes du monde entier peuvent collaborer à distance ou s’entraider pour utiliser une machine depuis n’importe quel endroit du monde. Dans le secteur du bâtiment, les chefs de chantier peuvent voir à quoi ressembleront les futures installations grâce à la réalité augmentée (AR). «Alors que le travail à distance s’est massivement imposé, nos outils facilitent tout type de collaboration entre des personnes éloignées», commente Sven Brunner. Retour en arrière.

En 2017, cet informaticien de gestion est tellement impressionné par la présentation des lunettes AR HoloLens de Microsoft qu’il fonde Holo One avec un camarade d’école. Aujourd’hui, sa start-up vient tout juste de gagner un grand constructeur automobile allemand comme client. Parallèlement, Holo One travaille avec de grands acteurs de la technologie comme Lenovo, Amazon, Qualcomm, mais aussi Renault ou ZF Friedrichshafen. L’industrie automobile est très demandeuse, car il lui faut impérativement une assistance à distance pour les processus de travail.

Dernièrement, Holo One a décidé de déménager de Zurich vers la Silicon Valley pour se rapprocher de ses gros clients. En Suisse, les collaborateurs ne sont plus qu’une dizaine sur un effectif d’une trentaine de personnes. Sven Brunner s’est déjà lui-même installé aux Etats-Unis. «Nos actionnaires et nos partenaires sont basés en Californie, sans compter que l’on obtient beaucoup plus facilement de l’argent lorsqu’il doit être investi aux Etats-Unis», souligne-t-il. Holo One a conclu cette année un tour de financement de 8 millions de dollars. D’autres levées de fonds devraient suivre, car Sven Brunner ambitionne de devenir un acteur global. Il lui faut des capitaux importants, tant pour s’attaquer au marché américain que pour marquer sa présence en Europe.

«J’aimerais que ma start-up soit cotée en bourse dans cinq à dix ans», révèle l’entrepreneur. Et là aussi, le marché américain s’impose, car c’est celui qui se prête le mieux à cet objectif. Sven Brunner veut rester impliqué dans son entreprise sur le long terme, avec une vision forte. Il énonce: «Nous façonnons le monde du travail de demain en modernisant les possibilités de collaboration entre les personnes. Tout le monde ne peut plus prendre l’avion pour se déplacer en permanence autour du globe. Nos solutions permettent au monde du travail de s’adapter à cette nouvelle donne.»


Emilie Joly, 38 ans
CEO de Zoe Immersive, Los Angeles

Emilie Joly veut faire son entrée sur le marché de l’edutech. 

L’aventure d’Emilie Joly a commencé à la Haute Ecole d’art et de design (HEAD) de Genève, où elle a obtenu un bachelor en communication et un master en design media. Elle a créé son entreprise Apelab en 2014 et s’est concentrée sur la technologie d’apprentissage, qui mise sur la 3D, la réalité virtuelle (VR) et la réalité augmentée (AR). Son équipe s’est distinguée avec le logiciel Zoe, un outil de programmation visuel initialement prévu pour l’apprentissage.

Ces derniers mois, la carrière de l’entrepreneuse a connu une soudaine accélération. La Vaudoise, qui passe désormais une grande partie de son temps à Los Angeles, a rebaptisé sa start-up, qui a pris le nom de Zoe Immersive, pour refléter de nouvelles activités lancées en collaboration avec Dreamscape Immersive. Cette dernière est une célèbre entreprise de technologie et de divertissement de Los Angeles. Dreamscape Immersive entretient d’excellents contacts avec la fondation Artanim de Meyrin (GE), un centre de premier plan pour la technologie cinématographique. C’est grâce à cet intermédiaire qu’Emilie Joly est entrée en contact avec le poids lourd américain.

Tous deux issus d’un monde AR en pleine expansion, les deux acteurs se sont entendus sur leur ambition de faire exploser le marché de l’edutech. Le projet est de remplir le monde virtuel d’histoires colorées et instructives, avec des produits éducatifs faciles à élaborer pour tous sans compétences de développeur. Emilie Joly est enthousiaste: «Zoe et Dreamscape croient tous deux au potentiel d’une VR qui doit être accessible à tous. Il s’agit avant tout de démocratiser les contenus et les technologies éducatives.» Emilie Joly est déjà connue des cercles de la VR aux Etats-Unis, où elle intervient régulièrement en tant que keynote speaker. Elle était récemment au WebXR Education et sera bientôt à l’AWE EU 2022. Une visibilité qui aide la trentenaire à faire aboutir ses projets.


Franck Milet, 51 ans
Fondateur et CEO de Secondworld.ch, Écublens (VD)

Franck Milet fait découvrir aux entreprises les possibilités de la réalité virtuelle. 

Il se décrit lui-même comme un «hardcore gamer». CEO et fondateur de Secondworld.ch, Franck Milet a pour devise «Tech to the people». En Suisse romande, il gère quatre centres où l’on peut faire l’expérience de la réalité virtuelle, pas seulement de manière ludique, mais aussi thérapeutique. Différents développements s’adressent aux personnes souffrant de vertige. Celles-ci peuvent se confronter à des abîmes profonds dans le cadre sécurisé de la réalité virtuelle. Une expérience qui a pu guérir certains de la peur du vide.

Selon Franck Milet, il est primordial que les entreprises reconnaissent le potentiel de la réalité virtuelle. En collaboration avec l’assurance Groupe Mutuel, l’entrepreneur élabore des scénarios pour le processus de recrutement dans l’espace virtuel. Dans ce cadre, les candidats sont présentés sous forme d’avatars. Selon leur comportement et leurs réponses aux questions, le scénario se modifie et se conclut chaque fois sur une fin personnalisée. Un processus plus efficace et plus ludique que les entretiens d’embauche traditionnels, selon le spécialiste. «La forme d’avatars que prennent les candidats neutralise les préjugés conscients ou inconscients des recruteurs», argumente Franck Milet. L’espace virtuel se prête aussi à l’introduction de nouveaux collaborateurs ou à leur formation à un nouveau poste. Même les processus de vente peuvent s’y prêter, avec – pourquoi pas – la signature d’un contrat d’assurance organisée dans une jungle numérique.


Marc Pollefeys, 51 ans
Professeur de sciences informatiques à l’EPFZ, directeur du Microsoft MR & AI Lab, Zurich

Marc Pollefeys Institute for Visual Computing ETH Zurich

Marc Pollefeys est à la fois chercheur fondamental et développeur de produits. 

© MICHAEL BUHOLZER

Marc Pollefeys est la raison pour laquelle Microsoft développe aujourd’hui la réalité augmentée depuis Zurich. Le professeur de l’EPFZ avait aidé le groupe technologique à développer les lunettes de données Hololens 2, lors d’un congé sabbatique aux Etats-Unis. Lorsque l’informaticien belge est retourné à son poste de professeur à Zurich après deux ans, Microsoft n’a pas voulu renoncer à son travail et a proposé un partenariat à l’EPFZ. Cette demande a débouché sur la création du Microsoft Mixed Reality & AI Lab en 2019. Aujourd’hui, Marc Pollefeys dirige ce centre parallèlement à ses activités d’enseignement et de recherche. Le scientifique et ses étudiants continuent de travailler sur les applications tridimensionnelles de Microsoft.

Grâce aux chercheurs de Zurich, il est possible d’utiliser les lunettes numériques sur un bateau qui tangue ou dans une voiture en mouvement pour travailler. Les lunettes intelligentes Hololens 2 enregistrent que la surface est en mouvement et corrigent la vision de l’utilisateur. «Je travaille aussi bien dans la recherche fondamentale que dans le développement de produits. C’est pour moi un modèle de travail idéal», se réjouit Marc Pollefeys. Le professeur est présent dans un large spectre de projets. Il a notamment soutenu le travail de son étudiant Lorenz Meyer, fondateur de la start-up Auterion, qui a conçu la technologie PixHawk, aujourd’hui utilisée dans le monde entier comme logiciel librement disponible pour les drones.


Tomas Sluka, 42 ans
Cofondateur et CEO de Creal, Lausanne

Tomas Sluka (à droite) aligne les applications AR et VR sur la vision naturelle. 

© Roger Hofstetter

Passionné de technologie, Tomas Sluka a grandi dans l’ancienne Tchécoslovaquie des années 1980. A l’époque, il voulait savoir comment fonctionnaient les radios, les téléphones ou les téléviseurs. Aujourd’hui, le fondateur de Creal est considéré comme un des meilleurs spécialistes de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle. Spin-off de l’EPFL, Creal permet d’adapter les applications AR et VR aux habitudes visuelles naturelles de l’œil, indépendamment de la densité des pixels et des autres paramètres techniques. «La technologie d’affichage a besoin d’une révolution», affirme Tomas Sluka. Cette révolution passe par la représentation des objets virtuels à différentes distances. L’objectif est que l’œil ne puisse pas les percevoir sur une surface (comme c’est le cas aujourd’hui) mais avec une perception de la profondeur presque naturelle. Ce procédé permettrait – entre autres – de supprimer la sensation étrange ressentie lors du port de lunettes VR ou AR, ainsi que le sentiment de vertige.


Nina Röhrs, 48 ans
Cofondatrice et CEO de Roehrs & Boetsch, Stäfa (ZH)

Nina Röhrs organise la première exposition d’art institutionnelle sur la blockchain et les NFT en Suisse.

Nina Röhrs est une experte de l’art à l’ère numérique. Expositions dans des espaces virtuels, NFT Drops, plateformes de crypto-art ou ateliers sur le thème de la blockchain et des NFT constituent le quotidien de la cofondatrice de Roehrs & Boetsch. Les galeries, les musées et les collectionneurs d’art se disputent son savoir-faire. «Le monde de l’art traditionnel a été surpris par la poussée de la numérisation. Ses acteurs ne sont en général pas en mesure d’y participer activement», observe la spécialiste. La scène de l’art a donc besoin de passeurs comme Nina Röhrs. Celle-ci est commissaire de la première exposition d’art institutionnelle sur la blockchain et les NFT en Suisse, qui débute en octobre à la Kunsthalle de Zurich. La quadragénaire est également responsable du programme d’édition NFT de la Kunsthalle.

Ces dernières années, Nina Röhrs s’est passionnée pour les médias numériques. «Si on n’expérimente pas soi-même cette forme d’expression, on ne peut pas la comprendre, ni saisir son potentiel», considère Nina Röhrs. Si l’art digital existe depuis que les médias numériques existent, l’art numérique n’est pas le sujet favori du milieu. Cette réticence s’explique en grande partie par le fait que les formes numériques sont encore peu présentes sur le marché. «Or, la popularité du numérique est dictée par l’évolution du marché et l’art digital se révèle tout à fait négociable», poursuit Nina Röhrs. Porté par l’essor de la technologie blockchain et les NFT, ce segment a connu un boom et sa première flambée des prix l’année dernière.

Un défi supplémentaire est que nombre de personnes ont encore du mal à attribuer la même valeur à une œuvre numérique qu’à une œuvre physique. Cependant – Nina Röhrs en est convaincue –, l’avenir appartient à l’art numérique, car les technologies blockchain et NFT doivent connaître un développement durable.