Dans l’une de ses dernières vidéos, Dear Caroline mime une «flemmarde au bureau». Assise dos à son collègue, la jolie jeune femme fait absolument tout, sauf travailler: elle se fait les ongles, commande des fleurs, prend un selfie devant la photocopieuse et appelle ses copines pour leur parler de l’haleine de son patron… Le personnage de cette sympathique gourde n’est pas très novateur, mais sa naïveté fait sourire. Cette vidéo compte plus de 143 000 vues.

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Dear Caroline, Caroline Leuba de son vrai nom, est l’une des Youtubeuses romandes les plus populaires. Son style? Mélanger les sketches doucement humoristiques, les thèmes de société et les conseils beauté, comme lors d’une soirée entre filles, en quelque sorte. Le succès est au rendez-vous: celle que ses fans surnomment «Carotte» compte quelque 500 000 abonnés à sa chaîne. Une notoriété qui lui permet de générer suffisamment de revenus pour en vivre. Mais cela ne s’est pas fait en quelques semaines: pour atteindre ce niveau d’audience, Dear Caroline a mis des années. Et elle n’en vit que depuis deux ans.

Partenariats avec les marques

Bertrand Saillen est directeur de la maison de production Mediaprofil, basée à Vevey, qui emploie plus de 20 personnes. Il a senti depuis plusieurs années le potentiel de YouTube et a donc monté «Debout sur la table», une agence spécialisée dans l’accompagnement des Youtubeurs. Peut-on gagner sa vie sur YouTube? «C’est comme dans le football, compare-t-il. Il y a Ronaldo, et puis ceux qui jouent le week-end. La Suisse est un petit pays et en plus il y a trois langues. Certains Youtubeurs gagnent beaucoup d’argent et créent le fantasme. Mais la réalité est tout autre.». Il ajoute: «Pour en vivre, il faut dix ans. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, les rentrées publicitaires liées à la chaîne sont minoritaires.»

Les premières sources de revenus sont en effet celles des partenariats avec des marques, qui utilisent la popularité des Youtubeurs pour promouvoir des produits auprès de la jeune génération, pour qui le web est le premier support. Dans le cas des Youtubeuses comme Dear Caroline, les partenariats sont nombreux, car les marques de cosmétiques ou de mode ont l’habitude d’inclure les nouveaux médias dans leur plan de communication. Pour ceux qui n’ont pas de chaîne beauté, mais parlent d’actualité, de sport ou de voyage, les possibilités sont moins grandes.

Le Grand JD ne gagne vraiment sa vie avec cette activité que depuis un an

Avec 1,6 million d’abonnés, Le Grand JD a pourtant tracé sa route et est devenu l’un des premiers Youtubeurs francophones avec ses vidéos très pêchues, touchant à l’absurde, comme cette «étrange expérience» qui consiste à éplucher des mandarines avec ses pieds, ou celle où il vit une attaque de frelons. Selon Bertrand Saillen, qui est son agent, Le Grand JD ne gagne vraiment sa vie avec cette activité que depuis un an. Avant, il travaillait dans une société d’audiovisuel. «Sa chaîne n’est pas très lifestyle et il tient à cette authenticité, explique Bertrand Saillen. Ses partenariats se font avec des entreprises comme La Poste ou Coop.»

Comme nombre de Youtubeurs, il signale les partenariats à son public. En France, la loi interdit de vendre un produit sur les réseaux sociaux sans le préciser à son audience – une telle loi n’existe pas en Suisse. Pour le reste, Le Grand JD est parfois rémunéré lorsqu’il participe à des manifestations ou réalise des programmes pour la RTS, par exemple. La chaîne YouTube n’est donc qu’une base, l’argent, lui, vient d’ailleurs. Autre possibilité: réunir des fonds directement auprès de ses abonnés via une plateforme de crowdfunding

MM
Marie Maurisse