Bonjour,
Il existe une quantité de concours destinés à récompenser les PME. Mais quels profits peuvent-elles réellement espérer tirer d’un award?
Francesca Sacco
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Les entreprises ont leurs médailles et leurs trophées. Il existe en effet des prix pour les employeurs créatifs, les projets innovants, les chiffres d’affaires exponentiels, etc. Entrepreneur suisse de l’année, Family Business Award, Prix de l’employeur suisse, Swiss Economic Forum Award, ces concours sont de plus en plus nombreux. Il en existerait des centaines dans le monde, couvrant tous les secteurs économiques. «Il doit y en avoir au moins une dizaine en Suisse, probablement davantage si l’on inclut les prix régionaux», affirme Wolfgang Martz, président du jury du concours Esprix et ancien membre du jury de l’Entrepreneur suisse de l’année.
Les occasions de participer peuvent sembler limitées pour les PME, du fait que les grands prix visent a priori des entreprises couvrant un vaste marché. Il est vrai que le fait d’employer moins de 200 personnes peut être un critère d’exclusion. Il arrive aussi que des critères stricts soient posés en termes de chiffre d’affaires et de taux de croissance (par exemple, un certain pourcentage doit avoir été atteint en un laps de temps déterminé). De plus, le prérequis «nationalité suisse» est parfois exigé pour le PDG de l’entreprise candidate. Mais il existe beaucoup de concours ouverts aux PME, et non des moindres! Parmi ceux qui jouissent de la plus grande notoriété, citons l’Entrepreneur de l’année, le Swiss Economic Forum et le Swiss Venture Club: ils sont tous les trois accessibles aux PME. Parmi les ex-lauréats de l’Entrepreneur de l’année figurent d’ailleurs plusieurs PME romandes, comme l’entreprise de technologie médicale Sophia Genetics à Saint-Sulpice (40 collaborateurs). Quant au Family Business Award, il est avant tout destiné aux PME.
Du choix dans les régions
Autre option: les concours régionaux. Celui qui est organisé chaque année par la Banque cantonale de Neuchâtel est au demeurant l’un des plus richement dotés de Suisse, avec 300 000 francs au gagnant. En 2017, il a été décerné à la start-up iWood, au Landeron, pour un processus de vente en ligne permettant de fabriquer les produits commandés chez un artisan menuisier local. Vingt-deux candidats étaient en lice. A noter que les prix régionaux sont actuellement en plein développement. Parmi les derniers-nés, les Mérites de l’économie Riviera-Lavaux, dont la première édition aura lieu cette année, ou les PERL (Prix Entreprendre Région Lausanne), attribués depuis 2003. Enfin, certaines PME peuvent briguer des distinctions réservées aux jeunes entreprises, comme le Top 100 Startup Award de Venturelab – dont le classement est édité par PME Magazine et Handelszeitung.
Quels bénéfices peut-on réellement espérer tirer de ces récompenses? Les organisateurs évoquent généralement la couverture médiatique dont bénéficient les gagnants. «Recevoir un prix du jury PERL a contribué à nous donner davantage de notoriété et de crédibilité», confirme Marc Lamarche, CEO et fondateur de la start-up lausannoise Swisspay, primée en 2017 pour un système de financement de la presse en ligne. «Ce trophée m’a apporté, en plus d’une bonne couverture médiatique en Suisse romande, un gain en crédibilité durant une phase cruciale du développement de notre projet», témoigne pour sa part Raphaël Gindrat, CEO et cofondateur du spin-off de l’EPFL Bestmile, récompensé en 2016 pour son logiciel de gestion de flotte de bus autonomes.
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Visibilité, crédibilité et lisibilité
Certains organisateurs font également valoir la possibilité de se faire connaître auprès d’investisseurs potentiels pendant le concours ou lors de la cérémonie de remise des prix. Pour ce qui est de la dotation des prix, elle est très variable: cela va de quelques milliers à plusieurs centaines de milliers de francs. Dans certains cas, le gagnant est payé en nature: le premier prix du Family Business Award, par exemple, est une voiture.
«Les awards qui me semblent les plus intéressants sont ceux qui récompensent un produit ou un service novateur. S’ils sont attribués dans une phase précoce du projet, ils rappellent un peu la démarche de Genilem, car ils permettent de financer une technologie en phase de développement. S’ils sont décernés lorsque les investissements ont déjà été consentis, cela permet d’accélérer le lancement du produit ou du service. Quant aux récompenses telles que «le meilleur PDG de l’année», elles présentent à mon avis peu d’intérêt, car elles reposent en réalité sur un succès collectif et temporel. D’ailleurs, il y a des PDG qui les refusent», déclare le professeur d’économie Gilbert Probst, président de la BCGE et codirecteur du programme MBA de l’Université de Genève.
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Pour cet expert, plus que la visibilité de ces distinctions, c’est leur lisibilité qui compte. Celles dont le rayonnement ne dépasse pas le cadre d’un secteur d’activité ou d’une profession représentent parfois un investissement considérable en regard des bénéfices escomptables. D’autant que la gloire des vainqueurs est de courte durée. «C’est le plus grand reproche qu’on peut leur faire», estime Gilbert Probst. «Il faut se rappeler que le prix est généralement lié à une réussite particulière de l’entreprise, réalisée à un moment précis de son histoire. Cela ne veut pas dire que le succès sera toujours là cinq ou six ans plus tard… C’est quelque chose qu’on peut communiquer à la clientèle et dans la publicité pendant deux ou trois ans, mais ensuite, ce n’est plus très pertinent. Et puis, il y a tellement de prix…» remarque Wolfgang Martz.
D’ailleurs, les lauréats eux-mêmes peuvent être éphémères: certaines entreprises distinguées ont mis la clé sous la porte quelques années plus tard. D’autres, comme la jeune société neuchâteloise Cook’easy, trois fois primée à la compétition des mini-entreprises à Zurich en 2017 (Publikum Award, Best Presentation Award et Best Brand Award), se plaignent de ne pas avoir fait de très bonnes expériences avec la presse. Enfin, il faut savoir que l’inscription n’est pas toujours gratuite (elle peut coûter jusqu’à 5000 francs) et, même lorsque c’est le cas, l’élaboration du dossier de présentation reste à la charge du candidat.
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Des prix comme le 'meilleur PDG de l'année' présentent peu d'intérêt.
Paradoxalement, le retentissement de l’événement profite presque davantage aux organisateurs – banques, sociétés de conseil ou associations professionnelles. La procédure de sélection permet en effet aux instituts financiers et aux cabinets de consulting d’avoir accès à un marché: elles recrutent dans leurs propres effectifs les assesseurs qui accompagnent les candidats tout au long du concours, ce qui leur permet de mettre en avant les compétences de leurs collaborateurs. Pour les associations professionnelles, c’est un moyen de prouver leur dynamisme.
Des bénéfices parfois inattendus
En fait, le bénéfice d’un prix se manifeste parfois sous une forme inattendue pour les entreprises. Par exemple, l’évaluation effectuée par les assesseurs peut révéler le degré de satisfaction du personnel. Un rapport écrit sur la situation de l’entreprise est parfois délivré à l’issue de la procédure. La participation au concours s’apparente ainsi à une mesure de management du risque – comme le soulignent parfois les organisateurs. «Cela vaut un audit. D’ailleurs, il arrive que ce soit un peu problématique, car il y a des entreprises qui se disent «chic, un audit pour pas cher», et elles envoient des dossiers insuffisamment élaborés. Sur une échelle de 1000 points, elles en obtiennent peut-être 400», constate Wolfgang Martz.
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Si l’on en juge par l’augmentation croissante de la participation, les entreprises sont friandes de ces concours. Plus de 220 projets ont été présentés pour l’obtention des bourses de soutien W.A. de Vigier 2018. «Un véritable record», indique Regula Rob, directrice de la Fondation de Vigier. Seize candidates ont été présélectionnées – dont six en Suisse romande. Le 30 mai, cinq d’entre elles recevront chacune une bourse de 100 000 francs. L’expérience montre que le succès a un goût de reviens-y: les lauréates sont nombreuses à briguer une autre récompense après un premier couronnement. Ainsi, la société lausannoise de technologie médicale DermoSafe a reçu le Prix PERL 2016, après avoir déjà remporté le Prix AXA Innovation en 2012. Quant au spin-off de l’Université de Genève ID Quantique, spécialisé dans la cryptographie quantique, racheté récemment par l’opérateur sud-coréen SK Telecom, il a remporté trois prix suisses, dont celui de la Fondation de Vigier.
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