La naissance d’un nouveau prix économique est toujours un événement marquant dans l’écosystème d’une région. En novembre 2018, plus de 500 personnes issues des milieux de l’économie et de la politique ont fêté comme il se doit le succès de la première édition des Mérites de l’économie Riviera-Lavaux, organisée à l’initiative de l’association Promove, chargée depuis trente ans du développement économique de la région. A cette occasion, des récompenses d’une valeur de plus de 100 000 francs ont été remises aux 12 finalistes et lauréats. Elles comprennent, pêle-mêle, un soutien financier offert par les communes, une vidéo de présentation de leur activité, une sortie d’équipe aux Rochers-de-Naye, un coaching sur six mois par la société Ideix, ou encore un accompagnement d’une valeur de 10 000 francs en marketing et communication par une agence spécialisée.

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En tout, 86 entreprises de tous domaines et horizons s’étaient portées candidates. «Le nombre et la qualité des dossiers reçus témoignent de la bonne dynamique économique de la région», se réjouit Bernard Schmid, directeur de Promove, qui précise qu’une nouvelle édition du prix sera organisée en 2020. D’autres pourraient suivre, à un rythme biennal. Patricia Delarive, la présidente du jury, a également été séduite par la bonne tenue des candidatures: «J’ai été surprise par la profondeur de la réflexion stratégique de la plupart des entreprises, même les plus petites. Je suis heureuse d’avoir pu découvrir un merveilleux foisonnement d’idées courageuses, originales et ambitieuses.»

Un gagnant a été choisi dans chacune des catégories suivantes: Impact (pour les entreprises qui renforcent l’économie régionale), Proximité (pour les commerces et artisans de proximité), Entreprendre (pour les jeunes entreprises de moins de 3 ans) et Rayonnement (pour les acteurs contribuant à la notoriété de la région). Portrait des quatre sociétés lauréates.


Fondation du Château de Chillon
Lauréat de la catégorie Rayonnement

Forteresse médiévale plantée sur les rives du lac Léman, le château de Chillon est l’un des édifices les plus emblématiques de Suisse. Avec plus de 400 000 visiteurs en 2018, dont trois quarts en provenance de l’étranger, il est aussi le monument le plus visité du pays. Véritable ambassadeur de la région, le château contribue ainsi à structurer l’offre touristique locale. Sa présence est donc une aubaine pour tous les acteurs régionaux.

Le succès du site est lié à son cadre exceptionnel, mais aussi au dynamisme de ses promoteurs. La Fondation du château de Chillon est en effet organisée comme une PME, avec des objectifs budgétaires et qualitatifs ainsi que des missions données par le conseil de fondation. Elle se finance presque uniquement grâce à la billetterie. Son équipe opérationnelle, composée de quelque 80 personnes, cherche constamment à faire évoluer l’expérience des clients. «Notre ambition est d’innover chaque année tout en respectant les valeurs et l’identité patrimoniale et culturelle du château, note Marta dos Santos, la directrice de la fondation qui exploite le monument depuis 2002. Tout doit servir à entretenir l’aura du site et à garantir sa préservation, aujourd’hui et dans les années à venir.»

Extensions numériques

Cette philosophie s’illustre par un renouvellement constant de l’offre culturelle proposée, que ce soit pour le public étranger ou helvétique. En plus des visites permanentes disponibles en 15 langues, la fondation met sur pied tous les ans environ 40 événements, ainsi que deux expositions temporaires liées à l’histoire du château, de la région ou à la promotion d’artistes suisses. A cela s’ajoutent de nouvelles prestations dédiées à la dégustation de ses vins. «Pour être à la pointe, notre personnel suit chaque année une formation continue en matière d’accueil, de gestion des risques et accidents, ainsi que des formations particulières par département, en animation, communication ou management», indique la directrice.

Dans les années à venir, la fondation devrait poursuivre ses activités selon la même ligne stratégique. Plusieurs chantiers de taille sont en cours. Entamée l’an dernier, la construction d’un restaurant sur le site devrait permettre d’élargir l’offre avec des packages «visite + restauration» pour les groupes. L’inauguration est prévue pour 2020.

L’autre aménagement d’importance concerne les jardins. Ceux-ci seront bientôt équipés d’un parcours muséographique doté d’une signalétique, afin de rendre la promenade «plus agréable et confortable» et d’introduire au mieux la visite du château. «C’est un vrai défi de gérer ces travaux, qui sont uniques dans notre histoire», confie Marta dos Santos.

Entre 2020 et 2023, d’autres innovations devraient voir le jour, notamment dans le domaine numérique. La fondation prévoit en effet l’installation d’un wifi gratuit et l’amélioration des possibilités de visites virtuelles du château. «L’humain restera au centre, assure la directrice. Notre but n’est pas de mettre en permanence un écran sous les yeux des visiteurs. Le château se suffit à lui-même.» L’offre numérique, actuellement en huit langues, sera également disponible à l’avenir en coréen, en arabe et en portugais.


Florian Despond Sàrl
Lauréat de la catégorie Proximité

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Le tavillonnage, un art séculaire que seuls certains artisans maîtrisent encore de nos jours.
© H.Gyger

En treize ans, Florian Despond a développé une entreprise faisant perdurer un métier patrimonial, le tavillonnage. Tout en étant une référence dans ce domaine, il a également développé une offre globale en ferblanterie-couverture combinant différents corps de métiers. Employant aujourd’hui six personnes, l’entreprise a trouvé son rythme de croisière et elle est en mesure de répondre à tous types de mandats, immeubles ou villas, maisons de maître ou chalets d’alpage. Basée à Montreux, elle est principalement active sur la Riviera. «Nous travaillons aujourd’hui pour quasiment l’ensemble des communes de la région, précise Florian Despond. Ce prix signifie pour nous que nous sommes une entreprise qui compte dans la région.»

Le jeune entrepreneur a 19 ans quand il se lance dans le tavillonnage. «A cet âge, on est insouciant et on a peu d’engagement familial ou financier. Mais il est difficile de se faire connaître par rapport à d’autres entreprises qui possèdent déjà un réseau et une réputation», souligne Florian Despond. En 2009, après trois ans d’activité indépendante, il crée sa société à responsabilité limitée pour avoir une structure en adéquation avec l’évolution de ses mandats. En diversifiant son offre de services, il atténue les conséquences financières de la saisonnalité du tavillonnage, qui représente aujourd’hui 20 à 30% de l’activité de l’entreprise.

Modélisation 3D

A force de travail et de sérieux, le jeune homme se fait sa place dans le milieu de la construction. En 2015, il participe à la mise sur pied d’une formation pour devenir tavillonneur, offre qui n’existait pas auparavant. Aujourd’hui, il pérennise ce savoir-faire séculaire en combinant des techniques traditionnelles et une approche entrepreneuriale moderne. En plus des travaux de chantier, l’entreprise propose également à ses clients la prise en charge de la partie administrative. «L’ouverture aux nouvelles méthodes et technologies nous permet aussi d’être en permanence dans le coup», remarque l’entrepreneur.

La pose de panneaux solaires photovoltaïques est l’une des nombreuses prestations disponibles pour les clients. Florian Despond a également ouvert en début d’année un nouveau département «résine-étanchéité», une technique assez nouvelle permettant de répondre aux exigences complexes liées aux toitures plates. «Peu d’entreprises se sont encore spécialisées dans ce domaine, assure-t-il. Avec cette offre, il n’y a désormais plus rien que nous ne pouvons réaliser en matière de toiture.»

Avec deux associés, il vient aussi de créer Kaptur, une société qui pratique la modélisation 3D de bâtiments à l’aide de drones. «C’est une méthode sûre et efficace, qui permet de prendre des mesures plus précises.» Ce faisant, l’entrepreneur contribue à la transformation digitale du domaine de la construction. Son ambition est de continuer à développer ses affaires tout en conservant un esprit familial – «Il est important pour moi de connaître le nom de tous mes collaborateurs» – et en restant exigeant dans le choix de ses chantiers. «Plutôt que d’accepter n’importe quel travail alimentaire dans le but de croître à tout prix, je préfère me consacrer à des projets de qualité dans la région.»


CIC Groupe Santé
Lauréat de la catégorie Impact

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Les patients, quelle que soit leur couverture d’assurance, disposent d’une chambre individuelle.
© J.Crespo

Le groupe de cliniques CIC Groupe Santé est devenu en dix ans un acteur important dans le domaine de la santé sur la Riviera. Il a séduit le jury par l’impact de ses prestations sur le bien-être général de la population de la région. Depuis la création de sa première clinique à Clarens en 2007, la situation du groupe fondé par le Dr Patrick Maire a bien évolué. L’obtention de la reconnaissance de l’Etat de Vaud en 2012, suivie d’un développement important entre 2015 et 2017 – se traduisant par un investissement de 70 millions –, a permis la création de la clinique CIC Riviera. Une deuxième entité, la clinique CIC Valais, a été inaugurée en 2014 à Saxon et a obtenu la reconnaissance de l’Etat du Valais l’année suivante.

Cette croissance rapide a eu pour conséquence le recrutement de nouveaux collaborateurs, aujourd’hui au nombre de 200 en incluant la clinique valaisanne. En plus de ces emplois et investissements, CIC Groupe Santé travaille avec de nombreux fournisseurs locaux et propose également des services de proximité aux habitants de la région, notamment via sa polyclinique d’urgences de premier recours, située à Clarens. Les cliniques du groupe se distinguent des autres établissements privés de santé par leur accessibilité à tous les patients, quelle que soit leur couverture d’assurance. «Aujourd’hui, près de 80% des personnes qui sont opérées dans nos cliniques ne possèdent qu’une assurance de base», souligne Elise Raynal, responsable marketing et communication externe du groupe.

Tous les patients disposent en outre d’une chambre individuelle et du confort d’un établissement privé, avec un accompagnement global et personnalisé, depuis la première consultation jusqu’à la rééducation postopératoire. «Nous avons fait ce choix en partant du constat que les patients récupèrent plus vite et mieux lorsqu’ils séjournent seuls en chambre individuelle», note la responsable marketing.

A Genève et Collombey

Avec 2800 cas orthopédiques traités en 2018 et plus de 900 prothèses posées, CIC Groupe Santé souhaite aussi se profiler comme un acteur majeur dans le domaine de l’urologie et de la chirurgie spinale, qui est une discipline connexe de l’orthopédie. Dans cette optique, un lithotriteur (permettant l’élimination des calculs rénaux par voies naturelles) a été installé fin novembre dernier. «Il doit permettre de répondre à un manque dans ce domaine sur la Riviera, en Valais et en Gruyère. Les seuls appareils implantés à Lausanne ou à Genève ne couvraient en effet pas tous les besoins de la population locale», assure Elise Raynal. CIC Groupe Santé ambitionne de développer encore ses activités en Suisse romande. «Notre but est de créer un véritable réseau de cliniques, et de nous profiler comme centres d’expertise et de proximité.» Une nouvelle clinique à Genève et un centre ambulatoire à Collombey devraient bientôt voir le jour.


Ateliers GEC
Lauréat de la catégorie Entreprendre

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GEC Ateliers gère une quinzaine de projets. Ses clients sont aussi bien des entreprises que des privés.
© Ateliers GEC

Le cabinet d’architecture et de conseil immobilier Ateliers GEC développe une approche innovante dans un secteur encore très traditionnel. Fondée en 2015 par quatre entrepreneurs aux profils complémentaires, la société se démarque par son offre multidisciplinaire permettant un accompagnement du client tout au long des diverses phases de son projet immobilier.

«L’alliance des prestations de conseil immobilier et d’architecture génère de réelles synergies et une plus-value certaine pour tous les acteurs concernés», souligne Emanuel von Graffenried, architecte EPFL et cofondateur de l’entreprise. «Au vu de l’évolution de la législation et du marché immobilier, coupler ces domaines d’expertise habituellement distincts permet de réfléchir de manière globale aux meilleures stratégies à adopter. Cela répond à un réel besoin du marché», complète Jonathan Matray, architecte EPFL et cofondateur.

En tant que planificateurs généraux, les quatre responsables ont pour ambition de faire évoluer l’environnement construit en assurant une mise en valeur du cadre architectural régional. «Gagner les Mérites de l’économie Riviera-Lavaux souligne le fait que les acteurs de la région ont reconnu notre capacité à trouver des solutions adéquates aux problèmes posés par l’évolution du secteur immobilier», se réjouit Robin Grech, consultant immobilier diplômé HEC et cofondateur de l’entreprise.

En trois ans d’existence, Ateliers GEC a déjà atteint un bon rythme de croisière. Les fondateurs emploient dix personnes à Vevey et possèdent aussi une succursale. Ils gèrent une quinzaine de projets sur la Riviera, ainsi qu’en Valais et à Fribourg. L’entreprise est régulièrement mandatée pour la rénovation de bâtiments, notamment pour des objets historiques et classés. Parmi les clients se trouvent beaucoup de privés, mais aussi des régies immobilières ainsi que la BCV et UBS. A l’actif de la société figure notamment l’extension du musée Chaplin (Chaplin’s World).

Approche multidisciplinaire

Cette réussite s’explique par une gestion pointue des risques et une approche résolument entrepreneuriale. Mais aussi par le caractère multidisciplinaire et intergénérationnel de l’équipe, qui combine le dynamisme de la jeunesse et plus de 40 ans d’expérience dans le domaine de l’architecture, de l’urbanisme et de l’expertise immobilière. «Cet aspect amène quelque chose de nouveau dans un milieu assez conventionnel», note Robin Grech. Le modèle d’affaires de l’entreprise s’inspire du fonctionnement du marché immobilier anglais, dans lequel des Chartered Surveyors, souvent des architectes, sont chargés d’arbitrer les opérations financières liées au foncier.

En tant que lauréat de la catégorie Entreprendre, Ateliers GEC a reçu une dotation financière de 15 000 francs. Cette somme devrait lui permettre de développer ses activités et sa visibilité. Une partie du montant sera utilisée dans la formation continue de l’équipe. Le solde permettra d’investir notamment dans des projets de R&D. Les fondateurs souhaitent en outre obtenir dès cette année le statut de société anonyme et ouvrir le capital de la société à certains collaborateurs. De quoi leur permettre d’entretenir la belle dynamique de croissance de l’entreprise.

 

 

Martin Bernard
Martin Bernard