Depuis le 5 juillet dernier, les habitants de Los Angeles peuvent se retrouver sur la Lune en un tour de main grâce à Lukas Viglietti. Ce natif de Tramelan (BE) a en effet imaginé le concept du spectacle événement Apollo 11 – The Immersive Live Show, qui raconte l’histoire d’une fillette rêvant d’aller dans l’espace. Produit et réalisé par des pointures américaines du domaine, le show est diffusé dans un dôme construit spécialement pour l’occasion, équipé des dernières technologies (hologrammes, écrans de projection au sol et au plafond, effets de lumière et de fumée) pour immerger les spectateurs au cœur de l’aventure lunaire.

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Lukas Viglietti a été saisi par le virus spatial à l’âge de 12 ans, en assistant à une conférence de James Irwin, l’un des rares astronautes à avoir foulé le sol de la Lune. «A l’époque, je m’imaginais les gens qui accomplissaient de grandes choses comme des super-héros: grands, musclés et un peu arrogants.» L’adolescent d’alors est surpris. Le conférencier qui lui fait face est un homme de taille modeste, plutôt frêle, un peu timide. C’est une révélation pour Lukas Viglietti: tout être humain, le plus ordinaire qu’il soit, peut accomplir des actes extraordinaires.

Côtoyer les géants de la NASA

L’idée ne le quitte plus. En 2009, il crée avec sa femme Bettina l’association SwissApollo, qui deviendra une entreprise six ans plus tard. Son objectif: retracer les spectaculaires missions spatiales du programme Apollo, pas seulement pour leurs prouesses techniques, mais surtout pour leur aspect humain et philosophique. «Ces astronautes sont les premiers et les seuls à avoir vu la Terre suspendue dans le vide. Cette image a donné lieu à l’émergence des premiers mouvements écologistes», relève Lukas Viglietti. Le développement de l’entreprise repose sur trois axes distincts: inspirer le public en organisant des conférences avec les astronautes encore de ce monde, transmettre l’héritage de l’aventure lunaire à travers des films, livres ou événements ponctuels et enfin proposer des ateliers de coaching en leadership ou motivation.

Seuls sur le marché

Lukas Viglietti est pilote de ligne chez Swiss. Une position qui lui a permis, de fil en aiguille, d’entrer en contact avec les astronautes de la NASA. Le pari n’était pas gagné d’avance. «Le club des marcheurs lunaires est sans doute le club plus fermé du monde.» Lorsqu’il se trouve en escale aux Etats-Unis, il profite de se rendre à des conventions. Son statut de pilote lui ouvre des portes.

Et puis, la présence de sa femme Bettina facilite les contacts. «Pour elle, le fait de parler à un astronaute n’a rien d’intimidant, s’amuse-t-il. Avec le temps, nos interlocuteurs ont compris que l’on s’intéressait à eux en tant qu’êtres humains, et pas seulement pour ce qu’ils avaient accompli.» Depuis, une solide relation d’amitié s’est établie entre le couple et plusieurs hommes de l’espace. Il n’y a, à la connaissance de son directeur, aucune entreprise dans le monde semblable à SwissApollo. Il existe des associations retraçant l’extraordinaire histoire de la conquête lunaire, à l’image de l’américaine Astronaut Scholarship Foundation, qui programme des soirées sur l’aventure Apollo et en reverse les bénéfices pour soutenir des étudiants dans le domaine spatial. «L’avantage de se lancer dans un domaine si spécifique est qu’on n’a pas de concurrence, s’enthousiasme Lukas Viglietti. Mais comme dans toute start-up, il fallait être prêt à beaucoup travailler et à ne pas gagner d’argent au début.»

Le club des marcheurs lunaires est sans doute le club le plus fermé du monde.

Après près de cinq ans d’aventure entrepreneuriale, Lukas et Bettina Viglietti ne se versent pas encore de salaire et font appel à des collaborateurs extérieurs. Le chiffre d’affaires annuel de SwissApollo fluctue aujourd’hui entre 100 000 et 200 000 francs, et s’est élevé jusqu’à 600 000 francs en 2015, l’année d’organisation du show The Moon Race. Ce dernier, qui s’est tenu à l’EPFL, mettait en lumière la coopération russo-américaine dans le domaine spatial, faisant intervenir les astronautes Buzz Aldrin et Alexeï Leonov. Le spectacle a rassemblé 3000 spectateurs, un record par rapport aux événements précédents. Depuis, les activités se déploient crescendo. En cette année 2019, qui marque le 50e anniversaire du premier pas de l’homme sur la Lune, SwissApollo se concentre sur le show programmé aux Etats-Unis. «Ce projet permet de pérenniser la deuxième phase de notre business plan.»

Pour en faire la promotion, la PME travaille notamment avec l’organisme Présence Suisse. «Le programme Apollo est porteur d’émotions et de rêves pour plusieurs générations dans le monde, commente Nicolas Bideau, son directeur. Montrer que la Suisse y a participé de manière très concrète (lire encadré) offre un potentiel de communication intéressant pour notre pays, à l’image des capteurs de particules du vent solaire développés par l’Université de Berne qui ont accompagné les premiers pas de l’homme sur la Lune.»

Un documentaire sera tiré d’un livre sur lequel travaille Lukas Viglietti, Apollo Confidentiel. SwissApollo a également été mandatée par l’entreprise Moulinsart pour réaliser une websérie consacrée aux aventures du héros de bande dessinée Tintin sur la Lune. Lukas Viglietti va intervenir cet été comme expert dans plusieurs émissions de télévision et de radio, en Suisse mais aussi à l’étranger. Avec déjà de nombreux objets relatifs à la conquête lunaire exposés au Musée des transports de Lucerne, SwissApollo va également animer un espace du futur centre pédagogique Explorit, qui verra le jour à l’automne 2020 sur le parc scientifique Y-Parc à Yverdon. «Il s’agit de l’espace «En route vers les étoiles», qui doit nous emmener dans un voyage imaginaire et magique à la gloire de la beauté de l’univers et vers les futurs enjeux spatiaux, précise Jean-Christophe Gostonian, propriétaire du futur établissement. Lukas Viglietti joue un rôle central et passionnant à nos côtés.»

Inspirer des entreprises

La petite société se lancera d’ici à l’année prochaine dans un nouveau champ d’activité: le coaching en entreprise. De quoi rendre les équipes de collaborateurs aussi efficaces que des astronautes parés au décollage! Leadership, team building, motivation, gestion des risques: les compétences exercées par Lukas Viglietti comme pilote de ligne sont plus qu’utiles dans cette perspective. Et Bettina Viglietti bénéficie d’une expérience dans le sport de compétition, ayant pratiqué l’athlétisme. Comment Lukas Viglietti, pilote à plein temps, souvent à l’autre bout du monde, arrive-t-il à dégager du temps pour assurer les mandats de SwissApollo? Sa recette secrète: gérer au mieux son temps, déléguer et faire confiance. «Les gens qui font des burn-out sont aussi ceux qui veulent tout faire eux-mêmes. Or il n’est jamais possible de tout contrôler…»


Des inventions suisses sur la Lune

Mettre en lumière le rôle primordial qu’a joué l’industrie helvétique dans le domaine de l’exploration spatiale est un des objectifs que SwissApollo s’est fixés. «Tout le monde sait que le velcro ou les montres Omega sont allés sur la Lune. Mais ce sont en tout une trentaine d’inventions et d’entreprises qui sont concernées, de la micromécanique constituant les plateformes interstitielles aux roulements à billes de très haute précision en passant par les filtres développés par des artisans tisserands d’Appenzell ou de Saint-Gall», explique le CEO de SwissApollo. Parmi elles, on peut aussi citer les objectifs pour caméras conçus par la société argovienne Kern & Co qui ont servi à capturer les images des missions lunaires. Autant d’histoires à retrouver dans La Suisse et la Lune, qui paraîtra le 5 septembre prochain aux Editions Presses polytechniques et universitaires romandes de Lausanne.

SR
Stéphanie de Roguin