Ce poignant témoignage d’un entrepreneur romand démontre que les volontés de transmission de sociétés ne sont pas toujours des succès. Elles peuvent même s’avérer dramatiques, aussi bien humainement que financièrement. Le récit de la fin de la PME romande de placement de personnel Lurati Emploi en est un terrible exemple. Son fondateur, Patrick Lurati, a détaillé pour PME Magazine l’histoire qui le hante encore. Aujourd’hui, l’entrepreneur est désargenté et moralement atteint.

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Licencié avec effet immédiat

En 2011, un géant français actif dans l’emploi temporaire veut s’implanter en Suisse romande. Après quelques recherches sur le marché, il contacte Lurati Emploi, une société implantée dans cinq villes de Suisse romande qui réalise plus de 25 millions de francs de chiffre d’affaires. Le CEO du groupe français rencontre à plusieurs reprises Patrick Lurati à Lausanne et en France. Les bons repas dans des hôtels et des restaurants luxueux se succèdent alors dans une ambiance conviviale.

Les choses s’accélèrent ensuite et, en septembre de la même année, une structure est créée à Lausanne sur la base des activités de Lurati Emploi. Mais avec un nouveau nom, celui du groupe français. Patrick Lurati comprend aujourd’hui qu’il a fait une erreur à cette époque. «J’avais laissé un ami avocat tout officialiser avec le groupe et finaliser les documents. En fait, je ne figurais plus nulle part. Je ne m’en suis rendu compte que beaucoup trop tard.»

Dès le démarrage de la nouvelle structure, Patrick Lurati a travaillé pour le groupe français, en qui il avait entière confiance. C’est alors que l’ambiance change radicalement et que les pressions à son encontre ont débuté, selon ses dires. Ce fut le début de son cauchemar personnel. L’entrepreneur sombre dans un burn-out, puis une dépression sévère qui entraînera de nombreux mois d’arrêts maladie. En 2015, il sera licencié avec effet immédiat.

Je me bats devant les tribunaux pour récupérer mon argent et mon honneur.

Patrick Lurati, ancien propriétaire de Lurati Emploi

«L’affaire» prend ensuite une nouvelle tournure, poursuit Patrick Lurati. Lors du licenciement, le groupe français lui fait en effet une offre financière pour solde de tout compte qu’il juge dérisoire. «On m’a proposé 300 000 francs au lieu des quelques millions attendus. J’ai évidemment refusé cette proposition», raconte le Romand, qui engage l’avocat genevois Daniel Meyer pour se défendre. Face à la situation et à la complexité du dossier, l’avocat décide de contester le licenciement de Patrick Lurati. «Pour l’instant, une procédure contre le licenciement de mon client est pendante et nous en sommes au stade des plaidoiries finales. Nous sommes confiants», confirme celui-ci.

L’avocate du groupe français, Vanessa Chambour, livre également sa version: «La procédure est en cours et nous ne désirons pas la commenter outre mesure. Cela étant, l’entreprise qui est ma cliente conteste formellement les griefs soulevés à son encontre par Monsieur Lurati. Elle faisait confiance à ce dernier, qu’elle avait engagé comme directeur opérationnel, puis comme directeur général. Elle a malheureusement été contrainte de le licencier avec effet immédiat en 2015 pour de justes motifs, qui font l’objet de la procédure en cours.»

L’avocate poursuit: «Ma cliente rappelle par ailleurs que la Sàrl Lurati Emploi était lourdement endettée et dans une situation financière désespérée lorsqu’elle l’a approchée. A sa connaissance, Lurati Emploi avait des dettes à hauteur de plusieurs millions de francs, en particulier au titre de TVA et d’arriérés de charges sociales. Sa faillite a été prononcée le 9 mars 2012. Monsieur Lurati en est resté le seul propriétaire jusqu’à sa liquidation. Contrairement à ce que prétend Monsieur Lurati, ma cliente ne lui doit pas d’argent, puisqu’il n’y a pas eu de rachat de la société. Je précise que les conclusions prises en justice par Monsieur Lurati contre ma cliente sont uniquement liées à la fin des rapports de travail et non à une prétendue vente de la société Lurati Emploi.»

Un long calvaire

Aujourd’hui, l’impatience est de mise pour le plaignant, car les années suivant le licenciement n’auront été que la continuation du calvaire pour Patrick Lurati. L’infortuné a dû aussi se battre pour toucher le chômage et tenter de subvenir à ses besoins.

Désormais, le patron a retrouvé un poste à mi-temps dans une société romande. «Je n’ai toujours pas touché un franc. Je me bats devant les tribunaux pour récupérer mon argent et mon honneur. J’ai perdu ma santé et mes finances dans cette opération», conclut Patrick Lurati.


 

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Edouard Bolleter