C’est un marché où il vaut mieux avoir le cœur bien accroché. Et si ces derniers temps les indicateurs sont très positifs, cela n’a pas toujours été le cas. Christian Bonnet, président de Gold Service, en a fait l’expérience, humainement et financièrement. Sa société d’achat et de vente de métaux précieux compte 10 agences en Suisse, 15 en France et 21 au Portugal. «Lors du confinement du printemps 2020, en quelques jours, l’or est passé de 45 000 francs le kilo à 55 000 francs, observe le Chaux-de-Fonnier. Malheureusement, nous avons dû fermer nos agences et mettre près de 200 collaborateurs au chômage partiel.»

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Un été historique

La vente sur internet a pris le relais. La demande était telle qu’il a enregistré une croissance de 60% de son activité en ligne. S’est ensuivi un été historique pour le marché de l’or. «Le kilo a frôlé les 60 000 francs pour redescendre à 55 000 francs en août. Il y a eu une corrélation entre l’intérêt pour une valeur refuge et les besoins en or industriel pour la téléphonie, l’informatique et l’aéronautique. En novembre, l’annonce d’un vaccin covid a fait baisser le prix de l’or autour de 53 000 francs. Une petite fluctuation», résume le fondateur de Gold Service.

Rien à voir, donc, avec la bulle spéculative de 2013. En quelques jours, le prix de l’or avait chuté de 33%, de 53 000 à 35 000 francs le kilo. «Ça a été une crise énorme. J’ai dû restructurer. Je suis passé en redressement judiciaire en France. Lorsque la bulle a explosé, tout le monde a perdu», se rappelle Christian Bonnet. Une leçon de gestion du stress à large échelle. Derrière, il a fallu reconstruire. Ce qu’il a fait peu à peu, jusqu’à racheter en 2017 plusieurs agences au Portugal.

Avant cet épisode sombre, tout semblait pourtant sous contrôle. Son ascension initiale avait été fulgurante, portée par la crise des subprimes. Son négoce était parti de la bijouterie familiale neuchâteloise Bijoux Bonnet, qui rachetait les déchets d’or des particuliers et des artisans. Face à l’ampleur des demandes, il a créé sa propre structure, en 2008. «En un an, nous avons ouvert 10 agences en Suisse, puis l’année suivante 40 en France, en signant un partenariat avec Mercialys, qui gère les supermarchés Casino, énumère-t-il. C’était la jungle, dans ce milieu. Notre approche était différente, avec une notion éthique. Nous étions soumis à la loi sur le blanchiment d’argent (LBA). Tout était cadré.»

Quels risques aujourd’hui?

L’histoire va-t-elle se répéter après la crise du covid? «Le prix de l’or est semblable à celui de 2013, mais à l’époque l’or était surévalué, d’au moins 10 000 francs le kilo. Par ailleurs, on n’est pas dans des fluctuations extrêmes, mais plutôt dans des effets normaux de correction», tempère-t-il.

D’ailleurs, l’engouement des acheteurs ne faiblit pas. «L’or a toujours été une valeur refuge en période incertaine, pour les petits investisseurs comme pour les clients institutionnels. On voit tout type de personnes: des seniors achetant un Vreneli à 280 francs ou d’autres qui préfèrent un lingot de 100 grammes à 5000 francs, observe le négociant. Il y a aussi une nouvelle clientèle, des trentenaires qui se constituent des réserves.»

Investir dans l’or est aussi une option vers laquelle se tournent de plus en plus d’entreprises, indépendamment du covid. «L’avantage, c’est que quelles que soient vos réserves, vous ne payez pas de taux négatifs comme à la banque, ni de TVA, contrairement à ce que certaines agences peu scrupuleuses laissent croire.» A l’inverse, si une PME en manque de liquidité souhaite récupérer sans délai du cash, elle le pourra. Cela s’est vu en 2020, mais très rarement.

TB
Tiphaine Bühler