Cédric Özazman est responsable des investissements à la banque genevoise Reyl & Cie. Il considère que deux éléments clés ont influencé et continueront à avoir des effets sur le marché suisse des actions ces prochains mois. «En préambule, il faut rappeler qu’en 2017, les grandes capitalisations ont bien progressé, en moyenne de 12% et certaines petites capitalisations ont même pris près de 30%. L’année boursière suisse aura donc été bonne cette année.»

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Avant de détailler les éléments importants: «La baisse du franc suisse face à l’euro a été positive pour les titres suisses, notamment pour les petites capitalisations actives en Europe pour leurs affaires courantes. Certaines génèrent 50% de leurs revenus dans la zone euro, le taux de change est alors un élément très important dans leurs résultats.» Suivant ce constat, l’amélioration du fonctionnement de plusieurs économies européennes est un bonus pour les sociétés suisses concernées. «Or, on enregistre un retour prononcé de la croissance en Italie, en Espagne ou en France à des rythmes certes différents, mais intéressants pour la Suisse, qui est un partenaire commercial important de ces pays.»

Petites capitalisations intéressantes

Les résultats des petites sociétés cotées sont aussi des éléments porteurs selon Cédric Özazman. «Les sociétés présentes dans des activités de niche ont vu leurs résultats grimper en 2017. Les moyennes capitalisations ont enregistré environ 10 à 15% de croissance des bénéfices alors que les petites capitalisations ont augmenté de 15 à 20% en moyenne. Cette bonne tendance devrait se confirmer en 2018. Le consensus des analystes prévoit en effet encore 16% de croissance des bénéfices sur les actions suisses.» Et si la tendance haussière de l’euro face au franc suisse se confirme, le mouvement sera d’autant plus solide. «Les sociétés suisses sont habituées au franc fort, mais une tendance à sa baisse serait la cerise sur le gâteau», renchérit l’analyste de Reyl.

L’année 2018 pourrait assister en outre à une rotation sectorielle et à un retour vers les titres quelque peu délaissés cette année. «Je pense notamment à Roche, Novartis ou Swiss Re. Mais des fleurons de 2017 comme Logitech ont encore leur carte à jouer. Ce titre a un potentiel de 5 à 10% en 2018.» L’expert termine sur une recommandation de placement: «Je préconise la combinaison de grandes capitalisations avec un biais défensif et aussi des actions du côté des small caps qui devraient profiter de la vigueur de la reprise économique en Europe.

De son côté, Gaël Faijean, gérant à La Financière de l’Echiquier ((Paris, Genève), suit les marchés suisses et européens depuis de nombreuses années. Son expertise est précieuse dans la compréhension des comportements des marchés actuels. Pour lui, globalement, les small et mid caps surperforment par rapport aux plus grosses valeurs, surtout en Europe. «Continuer à investir dans ces valeurs est un phénomène naturel sur le long terme. Plus les sociétés cotées sont petites, plus leurs perspectives de croissance et le potentiel de leurs marges sont importants.»

Baisse des «success stories» et des IPO

L’expert considère que le décalage entre la performance des grandes et des petites sociétés est accentué en Europe par rapport aux Etats-Unis car les grandes entreprises européennes se situent souvent sur des secteurs vieillissants. «Nous n’avons ni Google ni Facebook… mais des valeurs liées aux télécoms et aux matières premières par exemple, qui ne sont pas des secteurs à forte croissance ». L’innovation provient donc des small et mid en Europe, et le choix reste vaste puisque 10% des valeurs européennes (plus de 5000 titres) sont des grosses capitalisations et donc 90% sont des petites et moyennes (moins de 5 milliards de capitalisation boursière). En Suisse, la proportion est différente avec 17% de grandes capitalisations, « c’est historique, la Suisse a toujours eu une surpondération de grandes sociétés. Ce phénomène se généralise en Europe»,constate Gaël Faijean. « Depuis une dizaine d’années nous assistons partout, y compris sur le marché suisse, à une baisse du nombre des sociétés petites et moyennes, ce qui est inquiétant car ce sont théoriquement elles les futures grandes capitalisations. Les success stories sont moindres, ainsi que les IPO (entrées en bourse, ndlr).» Le phénomène a recommencé après deux ans d’interruption et la chute du nombre de sociétés cotées a repris. Entre 2007 et 2016, pas moins de 851 sociétés, toutes capitalisations confondues, ont quitté la cote, soit 13%.  «Ces tendances observées au niveau global se retrouvent dans la plupart des pays européens, en particulier dans les grands: la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne voient leur univers s’appauvrir, faute de renouvellement par la base. La Suède fait figure d’exemple, car des initiatives locales ont permis de soutenir les plus petites capitalisations. Les thématiques porteuses pour les cinq prochaines années sont la digitalisation, la robotique  ou la logistique automatisée. «En Suisse, ABB est bien profilée dans ces secteurs. Kardex est aussi une valeur à suivre ainsi que Tecan dans la santé ou Dormakaba dans la sécurité. Il faut chercher des titres dans cet univers. Vous devez ensuite analyser la société, comprendre ce qu’elle fait et voir si elle peut encore le faire dans cinq ans dans un contexte de digitalisation», indique Gaël Faijean.

Et Valérie Lemaigre, économiste en chef à la BCGE, de conclure: «Les actions suisses continuent d’afficher un niveau de valorisation largement supérieur à la moyenne observée ces dernières années. La prime de valorisation des valeurs secondaires est, en revanche, à un niveau très élevé en comparaison historique, celles-ci ayant largement surperformé l’ensemble du marché depuis deux ans. Ainsi, nous continuons d’être en faveur du marché suisse, mais certains secteurs doivent être observés avec prudence. C’est le cas de la consommation.»

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Edouard Bolleter