L’édition du mois passé soulignait comment les cantons romands – Genève en tête, mais aussi le Valais et Vaud – dominent leur concurrence alémanique. Chez les villes, c’est Lausanne qui s’impose devant Coire. Extérieurement, les deux villes affichent la même note: 5,84. Il faut une sorte de photo-finish pour les départager. Le chef-lieu vaudois l’emporte de 5 millièmes (5,844 vs 5,839) sur la cité grisonne. Normal, pour la capitale olympique!

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Le sommet du classement est également très serré. Calculée par PME Magazine sur la base des huit indicateurs établis par l’Institut de hautes études en administration publique (Idheap), la moyenne générale place Zurich en bronze avec 5,77. Suivent Lucerne (5,75), Genève (5,59) et Delémont (5,58). Les résultats restent brillants, mais en retrait par rapport au record absolu de l’an passé (victoire de Neuchâtel avec 5,99!).

Des parcours déjà très cahoteux

Plus proches des réalités, les villes ressentent plus vite que les cantons les nids-de-poule qui peuvent perturber leur parcours. L’an passé, les deux tiers des cités pouvaient s’enorgueillir d’une note globale supérieure à 5,0. Elles ne sont plus que huit sur l’exercice 2016. Outre le sextet déjà mentionné, Schaffhouse (5,13) et Sion (5,06) figurent encore au-dessus de cette barre psychologique.

Derrière, le trou est déjà fait et il n’y a plus guère de performance monumentale. Berne (4,63), Saint-Gall (4,54), Neuchâtel (4,48), La Chaux-de-Fonds (4,44), Köniz (4,28) et Frauenfeld (4,06) figurent dans le ventre mou du classement. Après son triomphe de l’an passé, Neuchâtel tombe dans une véritable chausse-trappe en perdant plus de 1,5 point et se faisant presque dépasser par sa rivale du Haut.

La volatilité plus grande des villes est confirmée dans les tréfonds du classement. Un quart des principales agglomérations du pays se situe en dessous du 4,0 de moyenne. Bellinzone (3,88) et Thoune (3,86) n’en sont encore pas trop éloignées. Fribourg (3,68) et Emmen (3,62) affichent un parcours déjà plus cahoteux. En revanche, Winterthour (2,75) plonge en signant le pire résultat de toutes les collectivités analysées, cantons et Confédération compris.

Reste que, comme pour les cantons, les villes romandes dominent leurs homologues alémaniques. Seule exception, la cité bilingue de Fribourg est – hasard ou confirmation – justement située à la frontière des langues. Subsiste la question déjà posée pour les cantons: en quoi les villes romandes sont-elles donc meilleures, à nouveau en la belle compagnie de Zurich?

1. Prudence et anticipation

A l’image de Sion et de Lausanne, les villes prudentes équilibrent leurs comptes sans rechercher à maximiser leurs bénéfices (indicateur 1). Elles sont presque la moitié à gouverner leur bouche selon leur bourse. Avec des revenus dépassant de 5 à 10% les charges, Delémont, Saint-Gall, Fribourg et Coire doivent commencer à se demander si leur pression fiscale n’est pas trop lourde. C’est encore plus le cas à Lucerne (+13%) et à Schaffhouse (+20%). A l’opposé, Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds, Emmen et Winterthour vivent complètement à crédit, étant incapables de couvrir leurs charges avec leurs revenus courants, affichant des trous allant de 4 à 7%.

Un tiers des chefs-lieux n’atteignent plus la moyenne minimale de 4,0. Inquiétant!

Autre qualité: l’anticipation consiste à vouloir payer tout de suite les investissements au lieu de prétériter les générations futures. Il n’y a plus que six villes, dont Zurich, Lausanne et Genève à autofinancer entièrement leurs dépenses d’investissement (indicateur 2). Pour les financer, la majorité des cités recourent à l’emprunt. Emmen et Winterthour s’endettent pratiquement dès le premier centime investi.

2. Economie et sagesse

La vertu d’économie réclame de ne pas laisser gonfler sa dette. En effet, il convient de profiter des périodes plus fastes pour réduire l’endettement par rapport à l’exercice précédent (indicateur 3). La moitié des villes le font avec application. A l’inverse, cinq cités – Bellinzone, Emmen, Frauenfeld, Fribourg et Winterthour – creusent encore le gouffre de leurs dettes.

Heureusement pour ces adeptes de la conduite désordonnée, les taux d’intérêt restent dans des territoires extrêmement bas, quand ce n’est pas négatif. Les deux tiers des villes ne sacrifient pratiquement plus un centime de leurs impôts au service de la dette. Même à Lausanne où 3,50 francs sur 100 d’impôts sont avalés par les intérêts passifs, le montant et la proportion restent encore raisonnables. Mais gare au jour où les taux reprendront l’ascenseur…

3. Réaction et correction

La santé financière des villes tend visiblement à se dégrader. Sur l’exercice 2016, un tiers des chefs-lieux n’atteignent plus la moyenne minimale du 4,0. Inquiétant! Deux cités romandes sont du lot: Fribourg (3,28 sur l’indice de santé financière qui regroupe les indicateurs 1 à 4) et La Chaux-de-Fonds (3,19). Dans les deux cas, la situation est préoccupante, mais à des titres différents.

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Les notes s'échelonnent entre 1 (plus mauvaise note) à 6 (meilleure note).
© DR

Après avoir plongé en 2014, la métropole horlogère refait surface – lentement certes, mais sûrement – quand bien même elle reste encore sous l’eau. En revanche, la cité des Zähringen continue de naviguer en eaux troubles et ne donne pas vraiment de signe favorable… Bien sûr, on peut toujours se consoler en signalant qu’il y a pire: Emmen (2,19) et Winterthour (1,99!). Mais c’est une consolation de condamné. L’administration de la banlieue zurichoise essaie de se dédouaner en mettant en avant une provision de 115,5 millions de francs pour la caisse de pension municipale. Fort bien, mais c’est passer sous silence que ce genre d’exercice de pompier provient presque toujours d’un manque de cotisations dans le passé…

4. Surveillance et circonspection

La force des grands argentiers – et leur qualité – se détermine souvent à leur capacité à endiguer les multiples demandes dépensières de leur parlement. A ce jeu, les ordonnateurs des bourses municipales se débrouillent plutôt bien. La moitié des villes maintiennent, voire réduisent leurs dépenses en comparaison avec l’exercice précédent (indicateur 5). A Delémont, Zurich et Neuchâtel, l’augmentation des dépenses est avérée, mais reste maîtrisée. Du coup, ce sont toutes les cités romandes qui se montrent exemplaires.

En revanche, la banlieue bernoise de Köniz, qui invoque – elle aussi – un assainissement de sa caisse de pension, mais pour un montant somme toute très modeste d’à peine 4,5 millions de francs, laisse filer ses dépenses (+5,5%). Qui explosent carrément à Thoune (+12,6%) et plus encore à Winterthour (+15,1%!).

 

5. Pertinence et durabilité

L’art d’un boursier – plus encore au niveau municipal – réside dans sa sagacité à tenir fermement les cordons des dépenses de fonctionnement tout en faisant preuve de générosité pour les investissements. A l’instar d’une dizaine de cités, les villes romandes tirent bien leur épingle du jeu. Les exceptions se découvrent surtout en Suisse orientale (Saint-Gall et Frauenfeld), à Bellinzone ainsi qu’à Sion et à Fribourg.

Dans la capitale valaisanne, l’effort d’investissement s’approche des 15% des dépenses courantes. Le chef-lieu noir et blanc fait plus fort encore en dépassant les 20%. Et les deux villes ne peuvent invoquer l’excuse d’un rattrapage: cela fait des années qu’elles dépensent aussi massivement. Sans pour autant que leurs infrastructures se distinguent clairement de leurs homologues. Une vision à plus long terme semble là devenir nécessaire.

6. Prévision et précision

Proches des réalités, les Villes affichent régulièrement une très grande précision dans leurs prévisions fiscales (indicateur 7). Pour une fois, certaines cités romandes détonnent. Quand Berne ou Schaffhouse se trompent en sous-estimant leurs recettes d’impôts de 10%, voire de 17%, c’est au final moins grave que l’optimisme béat de Genève ou de Neuchâtel qui avaient planché sur des revenus de 4,3% ou 7% plus élevés.

Certes, la sagesse populaire aime à plaisanter en décrétant qu’un budget est l’addition parfaitement exacte de chiffres complètement faux. Il n’en reste pas moins que la pertinence des prévisions favorise une saine gestion publique. Quand, au bout du lac, les services de Sandrine Salerno (PS) se défendent en cherchant à disqualifier cette mesure, ils génèrent encore plus d’inquiétude. Cet «indicateur […] est dénué de toute pertinence, car il compare la prévision portant sur un exercice fiscal avec une comptabilisation comprenant une première estimation de l’exercice final concerné, ainsi que les ajustements concernant les années antérieures». A suivre leur argumentation, le (pauvre) contribuable doit se demander à quel moment il recevra des chiffres vraiment «justes»…

7. Politique et parti

Contrairement à ce qui avait pu apparaître chez les cantons, la qualité de la gestion des finances publiques ne tient pas à une carte de parti. Victorieuse, la Lausannoise Florence Germond (1re – 5,84) est membre du Parti socialiste. Son tout proche concurrent, le président de Coire, Urs Marti (2e – 5,84), est radical tandis que le grand argentier zurichois, Daniel Leupi (3e – 5,77), est vert.

Au pied du podium, Franziska Bitzi Staub (4e – 5,75) milite à Lucerne dans les rangs démocrates-chrétiens tandis que la Genevoise Sandrine Salerno (5e – 5,59) est socialiste et que le maire de Delémont, Damien Chappuis (6e – 5,58), appartient à la petite formation du Parti chrétien-social indépendant (PCSI). Les tréfonds du classement sont tout aussi panachés: à Fribourg, Laurent Dietrich (17e – 3,68) appartient au PDC. A Emmen, Urs Dickerhof (18e – 3,62) défend les couleurs de l’UDC tandis qu’à Winterthour, Yvonne Beutler (19e – 2,75) est socialiste. Comme quoi la couleur partisane n’aide pas lorsqu’il faut présenter des chiffres… noirs!


UN SITE POUR TESTER SA COMMUNE

L’Idheap donne à chaque collectivité locale la possibilité de tester sa situation financière. On peut en effet télécharger sur le site de l’institut universitaire (http://www.unil.ch/idheap/comparatif) un fichier Excel (Etablir le comparatif pour votre commune) qui figure en pied de page et qui, une fois rempli, calcule automatiquement les indicateurs et les notes correspondantes pour la collectivité concernée.
A partir de là, la comparaison avec les résultats publiés dans PME Magazine permet de situer sa commune par rapport aux autres collectivités helvétiques.


POUR BIEN COMPRENDRE LE CLASSEMENT

Afin de bien comprendre ces chiffres, il importe de rappeler que cette analyse n’est pas un rating. L’ambition du comparatif de l’Idheap veut mettre en lumière les développements de la gestion et de la situation financière de cette collectivité au cours du dernier exercice connu (2014). C’est pourquoi, pour le comparatif, la dette et son évolution ne sont qu’un élément parmi d’autres.

L’étude se fonde sur huit indicateurs:

  • La couverture des charges (pondération: 2): la Ville couvre-t-elle ses charges courantes par ses revenus ordinaires?
  • Le degré d’autofinancement (2):quelle part des investissements nets de la Ville peut-elle être financée sans recours à l’emprunt?
  • Les engagements nets supplémentaires (2): mesurée aux dépenses courantes, la dette nette de la Ville a-t-elle progressé ou décru sur l’exercice?
  • Le poids des intérêts nets par rapport aux recettes fiscales (1): quelle part de l’impôt doit être dévolue au service de la dette?

Ces quatre premiers chiffres permettent de calculer un indicateur plus global de Santé financière (SF).

Ensuite, quatre autres indicateurs vont permettre d’évaluer la Qualité de la gestion financière (QGF):

  • La maîtrise des dépenses courantes par habitant (pondération: 2): les dépenses courantes de la Ville ont-elles augmenté ou baissé par rapport à l’année précédente?
  • L’effort d’investissement (2): en comparaison de ses dépenses courantes, combien la ville a-t-elle investi?
  • L’exactitude de la prévision fiscale (1): quel est l’écart enregistré entre les recettes inscrites au budget et celles effectivement encaissées?
  • L’intérêt moyen de la dette (1): par rapport à sa dette brute, quel a été le taux moyen des intérêts passifs payés?

L’ensemble des huit indicateurs permet finalement de dégager une vision générale intitulée Indicateur synthétique (IS) sur la base duquel se fait le classement des 19 villes considérées.