La question est récurrente, mais en 2018, elle semble prendre toute son importance en cette saison durant laquelle les entreprises suisses fixent le niveau de leurs dividendes. Faut-il miser sur les actions suisses qui ont un potentiel en bourse ou privilégier celles qui offrent un rendement important, en termes de dividendes (lire encadré)? Ces derniers mois, les titres à hauts dividendes n’ont en tout cas pas connu une grosse demande: «En manque de volatilité ces deux dernières années, l’engouement pour les valeurs à hauts dividendes n’a pas connu l’effet escompté, les investisseurs préférant investir dans des valeurs de croissance des produits dérivés ou des ETF», détaille John Plassard, stratège chez Cambridge Securities.

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Des rendements supérieurs

Avant de nuancer: «La recherche d’actifs combinant autant que possible revenu stable et risque limité face au retour de l’inflation pourrait alors faire son grand retour. Un autre argument pour acheter des valeurs à (hauts) dividendes n’est autre que l’arrivée à la retraite des baby-boomers. Si ces derniers espèrent en effet vivre encore dix, vingt ou trente ans, ils seront plus à même d’investir dans ce type de segment.»

Qu’en sera-t-il alors de 2018 dans cette perspective de revenus/dividendes sur actions? «Les entreprises suisses possèdent des réserves largement suffisantes pour continuer à rémunérer confortablement leurs actionnaires, confirme Nicolas Bürki, de Mirabaud Asset Management. Le cycle économique et boursier actuel, qui a démarré à la fin de la précédente décennie, est inédit en bien des points et se traduit, entre autres, par un niveau de valorisation des actions ayant atteint des sommets. Parmi les variables qui permettent de mesurer ce dernier, on trouve le taux de distribution des dividendes. Au sein de la bourse suisse, durant les deux dernières décennies, ce taux a connu une évolution remarquable qui a indubitablement contribué à la hausse du marché. Il a en effet doublé, passant d’une moyenne de 30% à la fin des années 90 à 70% en 2017.»

Les baby-boomers à la retraite vont investir dans ce segment.

John Plassard, stratège chez Cambridge Securities

En 2017, le rendement moyen sur dividendes du marché des actions suisse a été de 3,1% environ, soit bien plus que sa moyenne sur quinze ans (2,4%). Historiquement, les rendements sur dividendes ont toujours été inférieurs ou égaux aux rendements des emprunts obligataires en francs suisses. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, ils sont nettement supérieurs. «Parier sur les dividendes en 2018 est tout sauf consensuel. Cependant, le potentiel retour de l’inflation et de la volatilité pourrait bien mettre ce type de valeurs en haut de l’affiche. Il n’est pas trop tard», conseille encore John Plassard.

Mais comment choisir son titre sur le marché suisse, en suivant la logique des hauts dividendes? Les grosses capitalisations du Swiss Market Index (SMI) offrent des distributions diverses mais souvent intéressantes. Les titres de Nestlé, Swiss Re et Zurich Insurance sont par exemple réputés pour leurs bons rendements à ce niveau. Roche, Geberit ou Belimo sont ensuite aussi cités.

Le timing est déterminant

La plus forte capitalisation suisse, Nestlé, qui représente 20% du SMI, a versé 2,30 francs par action en 2017, soit un rendement de 3%. La nouvelle direction du groupe veveysan s’est montrée claire à ce sujet, la politique de rémunération des actionnaires devrait continuer à être très bonne. Après la croissance endogène et les acquisitions, le management explique mettre sa priorité dans la redistribution d’une partie des bénéfices et du cash-flow libre ainsi que du capital excédentaire aux actionnaires sous la forme d’un dividende (ordinaire et extraordinaire) ou d’un rachat d’actions.

Christoph Sax, analyste à la Banque Migros, renchérit: «Des dividendes durablement élevés sont réjouissants, mais la stabilité du cours est très importante. Beaucoup d’entreprises à dividendes élevés réguliers présentent peu de fluctuations de cours. Il s’agit le plus souvent d’entreprises à forte position de marché – Nestlé ou Swisscom par exemple –, dans des secteurs peu exposés à la conjoncture, d’où une rentabilité exceptionnelle, des cash-flows stables et un bilan solide.»

Quid ensuite de ces dividendes perçus par l’actionnaire? Ils sont imposables en tant que revenu. A cela s’ajoute l’impôt anticipé. Ainsi par exemple, lorsqu’un actionnaire détient 200 actions et que l’assemblée générale décide de distribuer un dividende de 2,50 francs, le dividende brut se monte à 500 francs. L’impôt anticipé de 175 francs est déduit avant le versement, mais il est possible d’en demander le remboursement dans la déclaration d’impôt.

S’agissant de l’exercice des droits sociaux (droit de vote, etc.) et patrimoniaux (dividendes, etc.), diverses dates butoirs sont déterminantes. Ces délais sont fixés pour la plupart par les sociétés elles-mêmes. Le timing de l’achat de l’action est alors décisif, nous rappelle Jean Niklas, responsable des actions auprès de la BCV. «Le dividende est fixé par l’entreprise à une date précise et le paiement a lieu plus tard, à une autre date déterminée. Si vous êtes détenteur d’une action durant ces périodes, vous toucherez le dividende. Il faut savoir qu’une fois les dividendes versés, le marché réagit et le prix de l’action baisse plus ou moins du montant du dividende.» 


Les dividendes en Suisse

  • Le taux de distribution des dividendes représente le pourcentage du bénéfice de l’exercice distribué aux actionnaires sous forme de dividende. On le calcule en rapportant le montant des dividendes nets au bénéfice net du même exercice. Ce taux de distribution ne doit pas être confondu avec le taux de rendement d’une action, qui se mesure en divisant le dividende par action par le cours de bourse de l’action.
  • «En règle générale, les grandes sociétés matures ne disposent plus du même potentiel d’investissement de croissance que des sociétés plus petites ou actives dans des secteurs plus innovateurs. Que les premières ne conservent dans leurs bilans qu’une faible partie de leurs bénéfices, face à la demande de distributions en hausse de leurs actionnaires dans un environnement de taux bas, est donc très sensé et leur permet de publier des ratios de rendement du capital plus élevés», nous explique Nicolas Bürki, analyste chez Mirabaud Asset Management.
  • «En rétribuant confortablement leurs actionnaires, les entreprises du SMI s’assurent de leur fidélité, ce qui contribue également à la valorisation des actions. En mettant plus l’accent sur leur croissance et donc en investissant davantage dans la recherche et le développement par exemple, les moyennes capitalisations satisfont également des actionnaires qui peuvent tabler sur une progression des bénéfices de l’ordre de 10-15%, contre 5-10% pour les grandes entreprises.»
     
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Edouard Bolleter