Les sociétés fintech sont légion en Suisse et, chaque mois, plusieurs nouveaux acteurs font parler d’eux. Terrain très fertile dans ce domaine, la Suisse romande n’échappe évidemment pas au phénomène. Mais comment participer à ce mouvement en investissant dans ces sociétés? se demandent souvent les investisseurs locaux. Il existe plusieurs possibilités par le biais de fonds ou du private equity par exemple, mais il est important de connaître certains principes d’investissement.

également interessant
 
 
 
 
 
 

Patrick Lemmens et Jeroen van Oerle, gérants du portefeuille Global FinTech Equities chez Robeco, expliquent l’intérêt du domaine aux potentiels investisseurs intéressés. «La fintech est une formidable tendance de croissance sur laquelle il faudra compter pendant encore de longues années. La numérisation du secteur financier offre de nombreuses opportunités d’investissement. Dans le même temps, les investisseurs ne disposent que de peu de solutions de qualité pour investir dans ce domaine. Le potentiel de performance des fintechs est très attractif. Depuis son lancement, notre stratégie affiche par exemple une performance nette de 16,3%.»

La législation avance vite

En effet, entre les «industries» blockchain, les prêts alternatifs ou les marchés des capitaux, l’avenir de la fintech est tout tracé, selon les prévisions des experts. On le sait, les paiements en ligne deviendront une pratique courante et ceux en espèces seront une exception alors que la finance numérique permettra à 2 milliards de personnes d’avoir accès à des services financiers dont elles ne disposent pas actuellement. Or, une coopération est essentielle, car les opérateurs ont besoin de ces technologies et les sociétés fintech ont besoin d’une clientèle. En outre, au niveau législatif, les choses avancent aussi très vite.

La nouvelle directive européenne relative aux services de paiement (PSD2), qui est entrée en vigueur en janvier 2018, est susceptible de booster considérablement la fintech. Les clients peuvent autoriser des banques à rendre leurs informations disponibles à des tiers (y compris d’autres banques), qui pourront à leur tour leur proposer des produits ou services supplémentaires. Les banques disposeront ainsi de plus d’informations sur leurs clients, ce qui contribuera à accélérer la transition vers les plateformes financières.

Mais la prudence s’impose lorsqu’on désire investir dans ce domaine. «En effet, il est essentiel d’avoir une attitude critique et sélective. Nous n’investissons pas, par exemple, dans les titres à effet de mode et lorsqu’il s’agit d’une innovation qui en est encore à un stade précoce comme dans le cas de la blockchain; nous choisissons d’investir dans des entreprises qui fournissent les outils nécessaires aux investissements dans cette technologie. Nous sommes également très prudents à l’égard des sociétés fintech actives dans le domaine des prêts en ligne et du conseil en robotique, et qui ne réalisent pas de bénéfices. Pour ce genre d’entreprises autonomes, il est très difficile d’arriver à assurer une expansion adéquate, car l’acquisition de clients est, pour elles, très coûteuse.» Nous voilà donc prévenus!

Par le biais du capital-risque

Reste que les possibilités d’investir sont donc de plus en plus nombreuses dans le pays. «Les entreprises dont le modèle d’affaires se base sur la numérisation croissante du secteur financier ont enregistré la plus forte hausse des investissements en Suisse. L’année dernière, 30 start-up suisses du secteur des technologies financières ont bénéficié de 76 millions de francs, soit une augmentation de plus de 60% par rapport à l’année précédente», note le Swiss Venture Capital Report (SVCR), réalisé par le portail d’information en ligne Startupticker.ch en collaboration avec l’association des investisseurs SECA. C’est donc par le biais des sociétés de capital-risque et autres sociétés de capital-investissement que l’on peut essentiellement investir dans la fintech «locale».

Autre vecteur d’investissement envisageable, les banques suisses comme Vontobel, Falcon Private Bank ou Swissquote ont été parmi les premières à se lancer dans les cryptomonnaies, avec des produits structurés sur le bitcoin qui permettent de participer aux mouvements sur la monnaie virtuelle sans avoir à l’acheter directement. Les grands groupes montrent aussi leur intérêt depuis plusieurs mois. La Vaudoise a, par exemple, choisi d’investir 15 millions de francs dans le fonds de capital-innovation de la société d’investissement BlackFin Capital Partners, dédié aux fintechs, assurtechs et regtechs européennes. Le groupe Bâloise en avait fait de même en investissant 50 millions de francs suisses dans les start-up fintech européennes, américaines et britanniques.

Depuis son lancement, notre stratégie fintech affiche une performance nette de 16,3%.

Jeroen van Oerle, Gérant Global Fintech Equities, Robeco

En outre, Credit Suisse va fournir un capital-risque de 30 millions de francs supplémentaires qui seront utilisés spécifiquement pour des investissements en faveur des fintechs suisses. Il l’effectue par le biais de la SVC SA pour le capital-risque. Depuis la création de cette société en 2010, Credit Suisse a mis à la disposition de 44 entreprises près de 110 millions de francs de capital d’investissement, certaines participations ayant pu être revendues avec un bénéfice.

Et si l’on désire analyser le secteur sous un angle mondial, les sociétés cotées de ce secteur, d’une capitalisation boursière moyenne de plus de 10 milliards de dollars, offrent également des possibilités d’investissement. L’un des avantages que présente le secteur des fintechs cotées est sa liquidité, les actifs du capital-risque étant généralement bloqués pour une période de sept ans ou plus. Les fintechs cotées en bourse sont en outre un domaine d’investissement moins risqué. Si de nombreuses start-up se soldent par un échec, celles qui parviennent à faire leur entrée en bourse ont raisonnablement démontré leur viabilité. Le risque plus faible ne doit pas nécessairement être aux dépens de la performance. «Certains titres cotés ont augmenté en valeur plusieurs fois. Nous prévoyons un grand nombre d’introductions en bourse dans les prochaines années, notamment dans le segment des logiciels et en Asie», expliquent les gérants de Robeco.

Multiples entrées en bourse

Avant de préciser leur méthode: «Nous investissons uniquement dans des entreprises cotées en bourse. Nous examinons chaque introduction en bourse qui concerne une nouvelle société fintech. Nous avons certaines exigences de base auxquelles les sociétés doivent répondre avant que nous ne décidions de les inclure dans notre univers d’investissement. Nous prenons en compte la capitalisation boursière et la liquidité après cotation. Les entreprises doivent tirer au moins 25% de leurs bénéfices ou revenus de la fintech ou de la numérisation du secteur financier. Il va de soi que nous examinons le modèle commercial, les marchés dans lesquels la société opère, les opportunités de croissance à long terme et la gestion de l’entreprise. Nous investissons exclusivement dans des sociétés qui sont rentables aujourd’hui ou  capables d’atteindre la rentabilité dans les six à huit prochains trimestres.»
 


Les innovations se développent à un rythme jamais atteint

Que ce soit dans la fintech ou dans des domaines apparentés, les innovations technologiques se développent à un rythme jamais atteint. La feuille de route de ces nouvelles applications révolutionnaires n’a jamais été aussi évidente et leur développement s’accompagnera d’une croissance des bénéfices hors du commun dans ce secteur, estime Johan Van der Biest, gérant du fonds Candriam Robotics and Innovative Technologies. Pour lui, les outils d’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle, le big data, la transition vers le cloud externe, la réalité virtuelle, la technologie 5G, l’internet des objets, la robotique de pointe ou encore la publicité programmatique ne sont que quelques exemples des innovations prometteuses dans lesquelles les fonds investissent.

 «A court terme, les réseaux sociaux et les questions de confidentialité qui en découlent devront être suivis de près. Nous n’avons cependant aucun doute quant à la capacité de ces entreprises à créer des outils et des solutions qui permettront à leurs utilisateurs de mieux contrôler les données qu’ils souhaitent partager. En dehors de cela, les fonds profiteront de la confirmation de la solidité de l’économie mondiale actuelle.»

 

 

 

 

EdouardBolleter
Edouard Bolleter