Al’ère de l’hyperconnectivité et de l’ultra-relationnel, on peut s’étonner que les jeunes entrepreneurs peinent encore à s’entourer de professionnels aguerris capables de les conseiller et de leur épargner les pièges qu’ils rencontrent souvent à leurs débuts. Les chiffrent laissent perplexes. Chaque année, il se crée un peu plus de 40 000 entreprises en Suisse. Oui, les téméraires ne manquent pas. Malheureusement, au bout de trois ans, un peu plus du tiers a déjà disparu pour des raisons diverses et variées. Manque de ressources, trou de trésorerie, décisions hasardeuses, erreur de marketing: là aussi, les contrariétés ne manquent pas. Pour la seule année 2017, 13 000 procédures de faillite ont ainsi été ouvertes.

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«Il y a pourtant moyen d’éviter ces dérapages incontrôlés. Environ 16 000 entreprises changent de main chaque année en Suisse. Autrement dit, 16 000 chefs d’entreprise ont si bien réussi à développer leur affaire qu’ils ont pu lui trouver un repreneur. Une fois la transmission réalisée, tous n’ont pas nécessairement envie de renoncer à tout projet entrepreneurial», analyse René Mesot, conseiller à la banque Piguet Galland. Par ailleurs, la Suisse compte plusieurs dizaines de milliers de retraités qui ont officié tout au long de leur carrière à d’importants postes de direction. «Au mieux de leur forme, libérés pour la plupart du stress qui va de pair avec les responsabilités, ces silver executives ont encore de l’énergie à revendre et du vécu à transmettre», ajoute l’expert de Piguet Galland.

Un gisement de compétences

Ancien propriétaire de Plastiglas à Neuchâtel, passé par le secteur bancaire, Hans Pieren accompagne ainsi de jeunes horlogers installés dans le canton. «D’abord, j’avais vraiment la volonté de ne pas m’endormir, explique-t-il. Je tenais à rester actif dans le milieu socioéconomique, ne serait-ce que pour le plaisir de faire fonctionner mes cellules grises. Ce que j’apprécie le plus dans le travail que j’effectue avec ces jeunes entrepreneurs, c’est de les aider à résoudre leurs problèmes et à surmonter les obstacles en équipe.» Autre exemple: Voici quelques semaines, Anthony Picard a cédé sa participation dans Aprint Holding, un groupe d’imprimeries basé à Saint-Imier. Président du conseil d’administration des hôpitaux du Jura Bernois (Moutier et Saint-Imier), il a créé en 2017 une structure ad hoc, Picard Consulting, pour assister des entrepreneurs novices dans la conduite de leur société. «Il était important pour moi de mettre mes connaissances pratiques à la disposition des plus jeunes, de les guider par exemple dans les réglages de l’appareil administratif ou dans l’adoption de nouvelles technologies. Il faut bien sûr avoir avec eux une approche constructive. Il ne faut pas leur mâcher le travail, mais leur donner les clés grâce auxquelles ils pourront s’ouvrir de nouvelles perspectives.»

Des exemples qui restent encore trop rares, s’étonne René Mesot de Piguet Galland. «Le vivier des seniors qui ont derrière eux de brillantes carrières tend plutôt à être sous-exploité par les jeunes entrepreneurs en quête de repères. C’est pourtant là un gisement extraordinaire de compétences, d’expérience, de réseaux, dans lequel il n’est pas compliqué de piocher.» De facto, entre avocats, fiduciaires, banques, associations professionnelles et réseaux sociaux, les intermédiaires sont assez nombreux en Suisse pour faciliter les mises en relation.

Sur le court terme, il est clair que les seniors ont suffisamment de bagage pour aider des entreprises en phase de création à passer avec plus de sérénité les premières années, celles qui sont décisives. Sur le long terme, ils peuvent s’avérer également de formidables accélérateurs de croissance. «Avec leur parcours, les domaines d’intervention couvrent forcément un large spectre. Des directeurs généraux avec une vision au grand-angle s’y retrouvent aux côtés de spécialistes reconnus dans des domaines plus spécifiques comme le développement commercial, le marketing, la gestion ou encore l’expertise technique liée à un secteur», confirme l’expert bancaire, qui conseille de nombreux entrepreneurs dans ce cas.

Plusieurs formes d’aides sont imaginables selon les cas, les envies et les disponibilités. Mais selon les professionnels consultés, si les valeurs de partage, d’échange et d’altruisme priment, le principe de rémunération ne doit pas pour autant être exclu. Il peut en effet garantir un engagement fort de part et d’autre, mais il doit prendre des formes qui ne menacent pas la structure de coûts de l’entreprise. Il peut s’agir de participation au capital de la société ou tout simplement d’intéressement aux résultats. Passage en revue des possibilités d’accompagnement avec un senior.


Le consultant

Le consultant tient généralement un rôle spécifique. C’est davantage un spécialiste qu’un généraliste. Sa valeur ajoutée réside dans sa capacité à trouver des solutions aux problèmes opérationnels ou organisationnels que l’entreprise rencontre à différentes phases de son développement. Il revient à l’entrepreneur d’identifier clairement le périmètre sur lequel son intervention est requise. Ce sont l’expertise qu’il a acquise et les méthodes qu’il a développées au cours de sa carrière qui vont permettre au consultant d’établir un diagnostic et de formuler des recommandations à l’entrepreneur. Elles lui permettront de piloter plus facilement la transformation de l’entreprise.

L’avantage d’avoir un senior pour consultant réside bien évidemment dans son expérience et dans les multiples cas concrets sur lesquels il est intervenu. Pour un jeune entrepreneur, son apport se traduit le plus souvent par un gain de temps inestimable. Les domaines d’expertise de ces consultants sont aussi variés que leurs parcours. Le marketing, le développement, le contrôle de gestion, les stratégies de financement, la digitalisation, l’expérience client ou encore les systèmes IT sont tous des domaines sur lesquels il est possible de s’adjoindre les services d’un spécialiste, fût-il retraité.

Le mentor

Quand bien même il œuvre au sein de l’entreprise, le mentor cherche d’abord à accompagner un entrepreneur sur un plan plus personnel. Dans la plupart des cas, il agit en tant que bénévole. Il aide un jeune entrepreneur à passer à la dimension supérieure. Il n’est pas là pour influer sur ses décisions ou le conseiller sur les directions à donner à l’entreprise. Il intervient en premier lieu sur les outils d’aide à la décision. Il développe l’aptitude du «mentoré» à résoudre les différents types de problèmes auxquels il ne manquera pas d’être confronté.

Il s’assure également que le créateur d’entreprise prenne bien la dimension des chantiers qui l’attendent, que ce soit en termes de management, de gestion, de service à la clientèle, de communication ou encore de solutions techniques. Au besoin, il analysera les erreurs commises, sans pour autant chercher à les corriger lui-même. «Au final, il se réfère à son expérience et à son vécu pour accélérer le développement professionnel d’un jeune entrepreneur et s’assurer qu’il est parfaitement en phase avec le projet d’entreprise», précise René Mesot.

Le coach

A la différence du mentor, davantage axé sur le développement personnel, le coach se concentre avec l’entrepreneur sur les tâches qu’il doit accomplir pour parvenir à différents résultats. Il est d’ailleurs jugé là-dessus. Le boulot du coach est d’accompagner son entrepreneur pendant des heures, des semaines, des mois, voire des années, pour l’amener au succès. «Ils définissent ensemble les objectifs, de même qu’ils identifient ensuite les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir, depuis la ligne stratégique jusqu’aux plans d’action, avec de préférence une méthode de suivi pour mesurer l’avancée des travaux.»

Dans une même optique, il veille à ce que l’entrepreneur apprenne à s’adapter aux circonstances et à gérer le changement. Aussi bien ficelé soit-il, un plan est vite balayé par ces imprévus qui sont le lot quotidien de l’entrepreneur», note le conseiller de Piguet Galland. La présence du coach à ses côtés doit aussi permettre à l’entrepreneur de se familiariser avec les turbulences qui agitent inévitablement la conduite de l’entreprise.

L’investisseur «retraité»

Avec l’investisseur «retraité», les intérêts sont parfaitement alignés. Il partage les risques d’aujourd’hui en espérant pouvoir bénéficier des gains de demain. Ses objectifs sont strictement identiques à ceux de l’entrepreneur: générer la plus forte valeur ajoutée pour l’entreprise. En cela, c’est le compagnon de route idéal. Cependant, son apport ne peut se limiter au seul plan financier. L’augmentation de capital doit rester secondaire. Au-delà des fonds qu’il engage, il met surtout à la disposition de l’entrepreneur son expérience et ses réseaux. Ce sont les leviers qui vont être ensuite actionnés pour accélérer les développements et, au final, tirer vers le haut le résultat d’exploitation.

En ce sens, l’investisseur doit d’abord être considéré comme un partenaire stratégique envers lequel la plus grande transparence est requise. Dès lors, autant s’assurer de part et d’autre que le courant passe. Car il s’agit d’une collaboration sur le long terme, récompensée uniquement par la plus-value réalisée à échéance. En règle générale, les investisseurs s’engagent sur des périodes moyennes de cinq ans, laissant le temps à l’entreprise de trouver son rythme de croisière.

 

 

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Edouard Bolleter