L es chiffres peuvent s’avérer cruellement parlants lorsqu’on les confronte. L’année boursière 2019 a été un grand cru avec une hausse de plus de 20% pour les actions suisses, européennes et américaines. Mais les caisses de pension ne profitent généralement pas de ces hausses. Avec une performance moyenne de –2,8%, l’année 2018 a, par exemple, été la plus mauvaise depuis dix ans sur le plan des placements pour les caisses de pension.

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«Ce rendement décevant a ainsi été nettement inférieur au rendement cible moyen des institutions de prévoyance, qui s’est situé à 3%», analyse Reto Siegrist, directeur de Swisscanto Prévoyance, se référant à une étude publiée par sa société. Son constat est clair: «De nombreuses caisses renoncent à profiter de chances de rendement en raison d’une aversion excessive au risque. Une meilleure exploitation de la capacité de risque et donc de meilleurs rendements permettraient de compenser au moins en partie le recul des prestations dans le 2e pilier, sans coûts supplémentaires pour les assurés.»

Le débat est lancé. Les caisses de pension devraient peut-être investir davantage dans les actions. En effet, en 2019, les obligations demeurent la première classe d’actifs des caisses de pension suisses, avec une allocation moyenne de 31%. Les actions ne représentent que 29% de la fortune des institutions de prévoyance; cette proportion s’étant légèrement tassée depuis 2015. Il faut se souvenir pourtant que depuis l’an 2000, le plafond d’investissement en actions a été relevé de 30 à 50%. En 2009, la distinction entre actions domestiques et internationales a même disparu, ouvrant ainsi grandement le panel d’investissements potentiels.

Les obligations privilégiées

Alors, la frilosité des gérants de grandes institutions va-t-elle s’estomper ces prochaines années? «Nous constatons en effet une demande accrue pour les actions de la part des gérants des grandes caisses, explique Olivier Segessemann, directeur de VZ Lausanne. Pour les plus petites institutions, comme celles dites semi-autonomes, la tendance est déjà présente car elles doivent souvent suivre les demandes des patrons qui veulent clairement des investissements plus risqués.» Même constat pour Jean-Bernard Georges, CIO chez Copré: «Peu de caisses atteignent le taux de 50% en actions. En règle générale, cela tourne autour des 25-35%. Elles devraient effectivement augmenter leurs positions sur les marchés boursiers pour leurs placements à long terme, avec une prise de risque plus importante et plus rémunératrice quand la structure de leur bilan le permet.»

Nous constatons une demande accrue pour les actions de la part des grandes caisses.

Olivier Segessemann, VZ Lausanne

L’expert rappelle que les législateurs et les responsables des grandes caisses ne sont pas forcément sur la même longueur d’onde. «L’industrie aimerait moins de contrainte et l’Etat veut garder le contrôle», résume-t-il.

Opportunités intéressantes

A court terme, la limite des 50% devrait donc perdurer. Mais Jean-Bernard Georges n’exclut pas une augmentation d’autres quotas à l’avenir, en faveur notamment des investissements durables et des infrastructures. Une catégorie qui pourrait devenir une classe d’investissement à part entière, note également l’expert. Celui-ci souligne en outre que les possibilités d’investissements en actions peuvent déjà être boostées. «Il est déjà possible d’investir 15% du capital des caisses dans des placements alternatifs. Or on trouve dans ceux-ci le private equity, qui est un placement en actions différent mais complémentaire, pas aussi risqué qu’on le pense. Mais il reste du travail à faire pour que les gérants s’habituent à cette possibilité, qui demande des partenariats externes dans la sélection des sociétés.»

Enfin, il faut savoir que les caisses qui le désirent, et surtout qui en ont la capacité au niveau de leur ratio de liquidité notamment, peuvent augmenter leurs expositions en actions au-dessus de 50% à la suite d’une étude approfondie de leurs finances par un organisme de contrôle. Les possibilités de se renforcer en titres boursiers ou privés sont donc là; il ne reste ensuite plus qu’à soigner son allocation d’actifs, car les opportunités intéressantes semblent légion. Pour 2020, des actions suisses sont par exemple déjà privilégiées par certains analystes dans les médias en cette fin d’année, comme ABB, Swissquote, Swatch ou encore la fribourgeoise Comet.

EdouardBolleter
Edouard Bolleter