La pratique se démocratise. Le private equity, soit placer de l’argent dans des sociétés non cotées, faisait encore partie il y a quelques années des investissements financiers considérés comme alternatifs, annexes ou même élitistes. Et pour cause. Les fonds et les gérants spécialisés dans la sélection de belles sociétés n’étaient que très difficilement accessibles, voire exclusivement réservés aux grandes fortunes ou aux acteurs institutionnels.

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Mais, comme c’est le cas pour les autres produits financiers et des vecteurs de placement comme les actions, les produits dérivés ou l’immobilier, les investisseurs lambda ont désormais accès à presque tous les produits. Et comme le private equity est devenu logiquement une possibilité de placement concrète et transparente en Suisse romande, les investisseurs privés locaux lorgnent sur lui en cherchant des portes d’entrée. Qui se multiplient.

Hors des marchés boursiers

Pour bien comprendre le phénomène, il faut savoir que le private equity est une participation dans une entreprise en dehors des marchés boursiers. En règle générale, la participation au capital est orchestrée par des sociétés de private equity spécialisées dans cette forme de placement. L’objectif est d’obtenir un rendement financier grâce à la participation ensuite revendue. Pour les entreprises, le private equity offre le moyen de lever des capitaux, par exemple pour développer de nouveaux produits et de nouvelles technologies, conquérir de nouveaux marchés, procéder à des acquisitions ou se redresser.

«Grâce au private equity, les entreprises ont la possibilité de lever des capitaux. En conséquence, le private equity représente un marché immense en Suisse et à l’échelle mondiale, auquel les investisseurs privés n’ont jusqu’à présent prêté que peu d’attention. Il est donc d’autant plus intéressant d’étudier des solutions alternatives en cette période de faiblesse des taux d’intérêt et des rendements sur les marchés financiers traditionnels», détaille Markus Bähler, spécialiste des investissements alternatifs à Credit Suisse.

Pour les investisseurs ayant un horizon de placement à long terme et une certaine tolérance au risque, le private equity peut donc constituer une bonne solution de placement d’une partie de leur fortune. Christian Waldvogel, un des dirigeants de la fondation d’investissement vaudoise pour les caisses de pension Renaissance Management, décrit aussi la tendance: «La situation a changé depuis dix ans, les seuils d’entrée ont beaucoup baissé. A l’image de ce qui a été fait en France, les fonds de private equity proposés par les banques en Suisse permettent aux particuliers de participer au mouvement avec leurs moyens. Il existe également des fonds de fonds encore plus accessibles, mais les coûts de gestion grimpent dans ces cas et l’on ne sait pas toujours exactement dans quoi l’on investit.»

Les banques à la pointe

Les banques semblent donc à la pointe de ce système. Depuis quinze ans, la banque genevoise Edmond de Rothschild déploie à l’échelle mondiale une stratégie d’investissement au capital de sociétés non cotées. Initialement dédiée au compte propre du groupe, elle est aujourd’hui à disposition de ses clients. «Notre équipe investit 10 à 30 millions d’euros dans des transactions au capital de sociétés robustes, bénéficiant de marques fortes, de positions de leaders et valorisées en général entre 100 millions et 2 milliards d’euros. Elles ont un potentiel de création de valeur significatif à moyen terme», explique ainsi Jean-François Félix, associé d’Edmond de Rothschild Equity Strategies.

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Christian Waldvogel, Renaissance Management
© DR

Depuis dix ans, les seuils d’entrée ont beaucoup baissé et permettent à chacun d’investir selon ses moyens.

Autre établissement romand, Mirabaud Asset Management vient de lancer en janvier sa deuxième solution de private equity sur le thème Lifestyle Impact & Innovation. La banque est un des acteurs romands qui misent sur le private equity pour les investisseurs privés. Un premier fonds thématique consacré aux «entreprises du patrimoine vivant» appartenant au secteur du luxe et du style de vie avait été clôturé avec succès par l’établissement genevois avec 155 millions d’euros d’actifs en décembre 2018. Celui-ci a notamment investi dans la fameuse marque française de vêtements de sport Le Coq Sportif. Le fonds d’investissement genevois a placé 10 millions d’euros.

Tolérance au risque

En ce qui concerne les tickets d’entrée, ils varient beaucoup selon les établissements. S’il faut de 3 à 5 millions pour entrer dans un fonds de private equity de qualité institutionnelle, quelques milliers de francs suffisent pour des parts dans un fonds de fonds.»

Selon une étude d’UBS, bien que le nombre exact d’entreprises non cotées dans le monde ne soit pas véritablement connu avec précision, on l’estime à environ 300 millions d’unités. Et les PME en représentent une part importante. Pour les investisseurs, elles constituent donc un bassin d’opportunités bien plus étendu que les 47 000 sociétés en bourse. En outre, cela permet d’opérer sur un spectre beaucoup plus éclectique d’activités (chaînes régionales de salles de fitness, garages de réparation de voitures, ou entreprises de pompes funèbres, etc.), ce qui apporte une diversification supplémentaire au portefeuille, ajoute la banque.

Toujours selon l’établissement bancaire, les valorisations des entreprises ont constamment augmenté au cours des dernières années, ce qui est très rassurant. Les fortes levées de fonds ont aussi soutenu ce développement. En outre, expliquent les experts, les transactions plus modestes continuent de générer des retours attractifs.

Enfin, pour conclure avec un accent tout à fait régional et suisse, nous pouvons citer en exemple la dernière opération reconnue en Suisse romande et liée au monde du private equity. Elle a été communiquée dans les médias romands en janvier 2020, cette opération est donc très récente et relativement représentative des opérations potentielles faites par les professionnels du private equity dans notre pays. En l’occurrence, il s’agit du rachat de la chaîne de cliniques dentaires Ardentis, très présente en Suisse romande avec ses multiples entités, et qui a été cédée pour environ 80 millions de francs à la société Columna Capital, celle-ci étant évidemment spécialisée dans le domaine du private equity.

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Edouard Bolleter