L’année 2009 avait donné des idées à de nombreux retraités suisses en quête de soleil et d’avantages fiscaux. Le gouvernement portugais avait alors décrété une nouvelle loi créant le statut de «résident non habituel» (RNH) dans le but d’attirer les retraités européens en offrant une fiscalité zéro sur les pensions privées pour tout nouveau résident au Portugal. La seule exigence liée à ce cadeau fiscal était l’acquisition d’un bien d’une valeur égale ou supérieure à 500 000 euros ou le transfert de capitaux de 1 million d’euros.

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Un succès car, selon les estimations, il y aurait près de 30 000 résidents actuellement au bénéfice d’un statut RNH dans le pays, dont la moitié sont des retraités francophones (français et suisses). Et si, en janvier 2020, le Portugal est revenu en arrière (lire l’encadré), la demande en Suisse pour ces expatriations s’intensifie fortement, essentiellement à cause du pouvoir d’achat insuffisant de beaucoup de retraités, de la fiscalité et d’une recherche de conditions de vie agréables. Des experts recommandent néanmoins la prudence avant de se lancer dans ce qui s’apparente à une nouvelle vie.

Cap sur l’Espagne

Aux dires des spécialistes, les demandes pour l’Italie et la Grèce deviennent plus rares alors que le sud de la France attire toujours et que le Portugal reste encore un must. Mais, en ce début d’année, une tendance forte se dégage: l’Espagne. Laurent Pannatier, directeur de l’agence immobilière lausannoise Proximmo, spécialisée dans les transactions immobilières en terres ibériques, en a fait le constat: «Depuis le début de l’année, les demandes d’achat de villas ou d’appartements en Espagne s’intensifient clairement par rapport à 2019, qui représentait pourtant une année déjà significative. La tendance est aussi à l’achat de plusieurs biens immobiliers afin de les relouer. Ce sont souvent des investissements à la suite de ventes immobilières en Suisse. Les retraités s’installent en Espagne dans des endroits qu’ils connaissent déjà et ils en profitent pour y investir. Les prix du marché sont intéressants et les impôts raisonnables, tout cela à une heure d’avion de Genève.»

Le principal problème lors d’un départ à la retraite à l’étranger est la santé et donc l’assurance maladie.

Fabrice Welsch, directeur département prévoyance à la BCV

Mais face aux demandes parfois précipitées, Laurent Pannatier donne un conseil: «Le risque majeur est d’être mal encadré lors de l’achat, de payer trop cher ou d’acquérir une maison qui, finalement, ne conviendra pas. Nous recommandons quelques mois de recherches avec l’aide d’un professionnel qui procédera à l’établissement du profil de l’acheteur, financier, fiscal et immobilier.»

Pour sa part, Fabrice Welsch, directeur du département prévoyance et conseils financiers à la Banque cantonale vaudoise, dresse une liste des écueils à éviter, basée sur des constats faits ces derniers mois. «Le principal problème lors d’un départ à la retraite à l’étranger est la santé et donc l’assurance maladie. Il est possible de choisir de rester assuré en Suisse ou de s’assurer dans le pays choisi. Toutefois, en résidant dans un autre pays avec une assurance maladie helvétique, l’accès aux soins en Suisse ou dans un autre Etat de l’Union européenne n’est possible qu’à une seule condition: durant un séjour temporaire.» L’autre obstacle soulevé par l’expert est d’arriver à 65 ans dans une culture où l’on n’a aucune attache familiale ou sociale particulière. La non-acclimatation représente, avec les soucis de santé, la raison pour laquelle les retours en Suisse sont fréquents, notamment lors du décès de l’un des deux conjoints.

Régler les successions

Fabrice Welsch explique aussi le processus à suivre lors d’une installation: «Au niveau administratif, la procédure, côté suisse, consiste à annoncer son départ au Contrôle des habitants de sa commune, en indiquant son lieu de résidence à l’étranger, ce qui prend quelques minutes. Pour les personnes retraitées, il faudra généralement faire la preuve qu’elles disposent de ressources financières suffisantes et d’une assurance maladie.» Selon lui, se renseigner auprès des représentations officielles des pays en Suisse (consulat ou ambassade) semble ensuite être la bonne démarche à suivre.

Les dernières recommandations de prudence proviennent du porte-parole du DFAE, Pierre-Alain Eltschinger. «Demander conseil en matière de succession est également utile lorsqu’on s’établit à l’étranger. Vos héritiers se verront épargner bien des difficultés administratives et autres surprises. Plus votre situation financière est complexe (fortune, dépôts de titres, propriété d’entreprise, prestations de prévoyance, biens immobiliers), plus il est dans votre intérêt de recourir à un conseil professionnel.» Reste qu’avec les difficultés financières toujours plus importantes rencontrées par les retraités suisses, les départs définitifs au soleil devraient se multiplier ces prochaines années. Selon les évaluations fédérales, la part des pensions qui seront versées à l’étranger augmentera à 35% en 2030 contre 32% aujourd’hui.


Le Portugal abolit le statut RNH

Depuis le mois de février, le Portugal a décidé de revenir en arrière dans sa politique d’exonération fiscale des citoyens retraités étrangers. Le statut RNH est ainsi aboli, notamment sous la pression de l’UE et d’une bulle immobilière qui se forme au détriment des habitants indigènes. La flambée de la demande a en effet généré une pression énorme sur le logement urbain au Portugal, forçant de nombreux citoyens à quitter les centres-villes. Mais le statut privilégié sera conservé pour les personnes déjà résidentes et il est encore possible d’en profiter quelques mois si on s’établit cette année au Portugal. En outre, les autorités ont décidé de réintroduire une forme d’impôt dans quelques mois pour les nouveaux arrivants, avec une taxation à un taux de 10%.

EdouardBolleter
Edouard Bolleter