Une ligne de divergence des opinions laissant supposer que ces milieux professionnels évoluaient dans des environnements hermétiques. Des caricaturistes ont évoqué la bravoure de la petite structure faisant face à la froideur intéressée de groupes géants et anonymes.

Nos observations sur le terrain contredisent cette interprétation manichéenne. Au contraire, tout concourt à constater une solidarité de fait. Les 588 623 PME suisses bénéficient en grande partie de la présence des 1630 grandes sociétés. Il en va de même des 798 grands groupes multinationaux, dont 422 sont sous contrôle suisse (1), un chiffre, proportionnellement à la population, qui se révèle supérieur à celui de bien des pays industrialisés.

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Même si une concurrence frontale peut parfois exister entre une PME et un géant, le système économique bénéficie de ces interactions et en sort renforcé.

Solidarité par les commandes

L’examen de milliers de modèles d’affaires et de comptes de PME montre bien l’interdépendance des deux catégories d’entreprises. Nombreuses sont les commandes émanant directement des grands groupes. Ici, un centre de production alimentaire ultramoderne en rase campagne, là des créations publicitaires ou de packaging pour de grandes marques horlogères au cœur d’une cité; deux exemples du premier effet vertueux, permettant à des sociétés locales, maîtres d’état ou sociétés de création publicitaire de se voir tirer vers le haut par de grands exportateurs et d’accéder ainsi indirectement aux marchés étrangers.

Solidarité par les talents

Un autre gisement d’intérêts croisés est le marché des talents. Les grandes sociétés disposent de moyens plus importants pour les attirer et les former. Une fois sur place, certaines de ces compétences vont pouvoir être captées par des entreprises plus petites. Les clusters sont une démonstration édifiante d’une symbiose positive qui lie les sociétés de toute taille autour de projets de développement et de lancement d’innovations. Une récente étude sur le pôle de la medtech lémanique (2) est une illustration presque parfaite de la solidarité interentreprises.

Solidarité par la complémentarité des métiers

La crise sanitaire apporte une preuve supplémentaire à la thèse de la complémentarité opérationnelle des entreprises. Seuls les grands groupes pharmaceutiques sont en mesure de développer les traitements et les vaccins qui profiteront à la santé de tous et à un retour à la normale de l’économie. Cela dit, les grandes structures, parfois un peu ankylosées dans leurs facultés d’innovation, vont aussi puiser dans la pépinière des start-up certains éléments nécessaires à finaliser leurs produits. Ainsi, les grands sont tout aussi demandeurs d’un écosystème «all size» que les petits. Ils doivent prendre soin de ce biotope en fixant des conditions contractuelles viables à leurs petits partenaires et en les payant rapidement.

Solidarité par l’impôt

Enfin, les crédits covid ont été destinés en majorité à 135 304 petites cellules entrepreneuriales qui ont reçu 13,9 milliards de francs. Des financements in fine générés par les entreprises en mesure de payer l’impôt. Cette charpente de grandes entreprises et de banques robustes permet aujourd’hui à la Suisse de tenir et de disposer d’une puissance financière publique respectable.

Tout cela incite à plus de gratitude et pas à de la division. L’économie suisse a des priorités urgentes face à des menaces très sérieuses: le protectionnisme accru, les restrictions aux échanges, la concurrence déloyale de certaines zones économiques, le perfectionnisme réglementaire, le vieillissement de la main-d’œuvre, notamment. Seules des entreprises solidaires pourront relever ces défis.

1) Selon les chiffres de 2018 de la BNS 
2) «Les sciences de la vie, un secteur méconnu», étude conjointe BCGE,
CCIG, Ocstat, 2020.

BB
Blaise Goetschin, CEO de la BCGE