La Société Privée de Gérance (SPG) est une importante régie historique à Genève. Cette année, elle fête ses 60 ans d’existence et renforce drastiquement son identité familiale. A savoir la confirmation, à sa direction, de Marie et de Valentine Barbier-Mueller, venues en «renfort» de leur père, le CEO, Thierry Barbier-Mueller. Pas encore trentenaires – elles ont 28 et 29 ans –, les deux nouvelles dirigeantes sont les petites-filles du fondateur de la régie et elles comptent bien perpétuer la tradition du groupe encore fort longtemps.

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Comment voient-elles leur intégration à la tête d’un groupe qui compte 220 collaborateurs, dont certains sont parfois présents depuis plus de trente ans? Comment épauler son paternel sans pour autant le bousculer? Comment, enfin, faire souffler un vent de modernité dans un milieu de régisseurs éminemment traditionnel? Valentine et Marie Barbier-Mueller se prêtent de bonne grâce au jeu des questions-réponses relativement personnelles. Avec franchise et complicité.

Trois prérequis avant d’entrer à la SPG

Leur arrivée précoce dans le groupe n’aurait-elle pas été un peu imposée par leur père? L’aînée, Marie Barbier-Mueller, ouvre les feux, affichant un grand sourire: «Nous n’avons pas été forcées, ce n’est pas l’esprit de notre famille. Mais il est vrai que la question de rejoindre le groupe nous a été posée assez tôt. Comme son père (notre grand-père) le lui avait suggéré quelques décennies auparavant, notre père nous a dit: «Si vous avez une vocation impérieuse, formidable, suivez-la. Mais si ce n’est pas le cas, rejoindre l’entreprise familiale représente une belle opportunité de vous épanouir professionnellement avec des défis très stimulants.» Le «peut-être» s’est alors rapidement transformé en évidence, puis en actes concrets.

Les deux sœurs ont dû toutefois faire leurs preuves auparavant, des «prérequis» leur ayant été demandés. Ils furent au nombre de trois: démontrer une authentique motivation à rejoindre le groupe, avoir effectué des études pointues dans une langue étrangère, et avoir réussi une expérience professionnelle de quelques années, «à l’extérieur» de la SPG. Des missions qu’elles ont toutes les deux brillamment réussies.

Marie Barbier-Mueller est en effet détentrice d’un master en développement durable, elle a également passé deux années à Zurich au sein du groupe Intercity (partenaire de la SPG) avant de rejoindre la SPG en 2017. Aujourd’hui, elle s’occupe donc plus particulièrement des questions de développement durable et de l’environnement au sein de la régie.

Notre père nous laisse faire nos expériences et nos erreurs.

Valentine et Marie Barbier-Mueller, SPG

Valentine Barbier-Mueller, pour sa part, a suivi une formation universitaire au King’s College à Londres, puis à l’Esade Business School de Barcelone avec un master en innovation et entrepreneuriat. Son diplôme en poche, elle rejoint ensuite l’aventure Solar Impulse (tout comme sa sœur Marie) et fait partie de l’équipe chargée de la communication numérique. Après une expérience professionnelle dans le monde des start-up à Taïwan, en 2019, Valentine Barbier-Mueller entre dans le groupe SPG-Rytz, avec un axe d’intervention particulier au niveau de l’accélération de la transition numérique du groupe. Aujourd’hui, elle prend aussi en charge l’immobilier de prestige au travers de son entité dédiée, SPG One (partenaire de Christie’s International Real Estate).

Quid de la liberté d’action?

On le constate, les nouvelles arrivantes ont des parcours complémentaires et pertinents en vue d’assumer leurs rôles dans la régie. Mais attention, elles insistent sur un élément crucial. Les deux sœurs doivent aussi être «substituables» le cas échéant.

Et comment s’est déroulée leur arrivée au sein de l’entreprise, quelles furent les réactions des collaborateurs et des cadres? «Nous avons rencontré une réelle bienveillance. Certaines personnes travaillaient pour le groupe déjà avant notre naissance. Elles y ont donc une carrière professionnelle plus longue que notre propre vie. Le fait que nous connaissions déjà la culture d’entreprise, car nous y avons toujours baigné, en famille, a été d’une grande aide. De plus, cela peut s’avérer rassurant, autant pour nos clients, pour nos partenaires que pour nos collaborateurs, de nous voir incarner la continuité et de garantir l’avenir en mains familiales de la SPG pour des décennies encore», estime Valentine Barbier-Mueller.

Reste un aspect qui parfois fait péricliter les plus prometteuses successions familiales: l’omniprésence du patriarche! Une remarque qui fait sourire nos interlocutrices, qui répondent en chœur: «Nous avons de la chance, notre père nous laisse faire nos expériences et nos erreurs. Le modus vivendi entre nous est basé sur une certaine liberté d’action. Et heureusement, car à nos postes, il faut savoir prendre des initiatives.» Les trois membres de la famille se voient d’ailleurs tous les lundis matin à 11 heures pour une séance organisationnelle importante, suivie d’un lunch plus détendu.

Leur vision de l’avenir de la SPG, lorsqu’elles en seront toutes les deux les co-CEO? «Nous nous trouvons dans une transition digitale importante et ce pas est crucial pour soutenir la croissance du groupe. Mais cela reste un moyen, pas une fin en soi. Les relations humaines resteront déterminantes dans notre métier. Nous allons continuer à maintenir des relations privilégiées avec nos clients», répondent-elles en chœur.

Et la relève ne manquera pas pour la régie genevoise. Thierry Barbier-Mueller peut en effet compter sur l’engagement – encore hypothétique – de ses trois autres filles.


Les deux sœurs PDG de Domotis

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Cindy Ruesch (à dr.) et Anouck Sandoz, les deux nouvelles CEO de Domotis.
© DR

L’entreprise générale et bureau d’architecte neuchâtelois Domotis (anciennement Villatype) fête cette année un anniversaire important, doublé d’une passation de pouvoir en douceur entre père et filles. Quarante ans après avoir lancé son bureau d’architecture au Val-de-Ruz en collaboration avec une entreprise générale jurassienne, Claude-Alain Ruesch laisse en effet sa place à ses deux filles. Les deux nouvelles PDG sont Cindy Ruesch et Anouck Sandoz et elles comptent bien reprendre le flambeau avec détermination.

La transition vers une direction 100% féminine et familiale se fait très naturellement chez Domotis, ainsi que le décrit Cindy Ruesch: «J’avais depuis toute petite la volonté de marcher sur les traces de mon père. Aujourd’hui, il prend sa retraite et la passation se fait naturellement. Avec ma sœur, nous sommes deux directrices associées et mon père reste encore consultant, afin de nous épauler lors des reprises de dossiers.» Les rôles sont bien séparés, Cindy étant responsable du bureau technique et Anouck chargée de l’administration.

Aujourd’hui basée dans la commune de Chez-le-Bart, sur les rives du lac de Neuchâtel, Domotis a recentré sa politique d’entreprise d’avantage sur l’architecture et la personnalisation de l’habitat. «Nous ne voulons pas effectuer de grands changements. Nous sommes fières avec ma sœur de proposer un team 100% féminin. Nous n’avons pour l’instant que des bons retours des clients, dont la majorité sont masculins.»


Béatrice Grange, un parcours précurseur

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Béatrice Grange travaille avec son frère et deux cousins dans la régie familiale qui fête ses 150 ans.
© DR

Béatrice Grange, administratrice de la régie du même nom, représente la cinquième génération à diriger Grange, basée à Genève (100 collaborateurs). Avec son frère, Cyril, et deux de ses cousins, Yves et Nicolas, elle perpétue une tradition séculaire puisque cette véritable institution vient de fêter ses… 150 ans.

Fille de Jacques Grange, Béatrice Grange fait figure de précurseure dans le monde des régies romandes en tant que dirigeante: «En 2000, je suis entrée à l’âge de 28 ans dans la régie avec notamment trois années d’expérience dans la publicité. Le métier de régie m’intéressait, car je l’ai connu très tôt en suivant partout mon père. Je me suis rapidement occupée du premier site internet, du marketing puis de l’émergence digitale. Mais je suis aussi en charge du courtage à côté des portefeuilles d’immeubles que je gère, nous devons tous faire preuve de polyvalence dans la famille.» Pionnière, l’administratrice et codirigeante du groupe est aussi la première femme à présider l’USPI (Union suisse des professionnels de l’immobilier), en 2010.

Béatrice Grange ose un conseil à celles qui voudraient suivre une voie similaire à la sienne dans une succession. «J’ai dû m’accrocher deux fois plus pour tenir tous ces rôles, dont celui de mère de famille. Je ne pense pas qu’il faille aujourd’hui jouer seulement la carte féministe, il faut être soi-même, faire preuve de caractère et utiliser pleinement ses compétences.» A ce sujet, comment voit-elle les nominations de ses consœurs dans des PME familiales immobilières? «Le mouvement est en marche et la voie semble lumineuse pour elles. Je constate que des changements importants dans les mentalités ont eu lieu en vingt ans dans le domaine immobilier et je m’en réjouis.»

 


 

 

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Edouard Bolleter