L’idée de la start-up neuchâteloise était d’offrir un service aux non-financiers, sous forme d’accompagnement en entreprise et de formations. «A notre grande surprise, les premiers à participer à nos cours étaient des responsables financiers», s’étonnent encore les deux fondateurs, Lionel Flueckiger et Olivier Doléans, contrôleur de gestion et directeur financier dans leur vie d’avant. Aujourd’hui, ils soutiennent, dans leur planification stratégique, tant des entreprises comme le Groupe E – à savoir 2200 employés répartis en 75 sociétés – que des indépendants.

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«Je suis sidéré par le manque d’informations sur la base duquel beaucoup de directeurs pilotent leur PME, souligne Lionel Flueckiger. Très souvent, cela se résume aux chiffres comptables de l’exercice précédent. On y joint le budget de l’an dernier en y ajoutant 2% et cela, depuis quinze ans! Et pour voir ce qui va arriver, le décideur se base sur son flair. Cela fonctionnait tant que les marges étaient confortables, mais aujourd’hui, celles-ci ont diminué.» Une observation qui fait écho à une étude, publiée dans la Harvard Business Review, qui mentionne que 40% du potentiel des entreprises est perdu en raison d’une mauvaise planification.

Prendre connaissance des chiffres de son entreprise chaque trimestre au moins, en suivant des indicateurs tels que le carnet de commandes, les ventes, les marges par produit et son taux horaire, est un minimum. Et surtout, ces informations doivent sortir du bureau du directeur financier. «Si l’ingénieur ou le technicien comprend les impacts financiers, il saura sur quoi il peut travailler et quels sont les leviers à disposition, remarque Olivier Doléans. Sans cela, il perdra sa motivation.» Exercice de vulgarisation, en sept points, en compagnie de deux financiers pas comme les autres.

1. La performance, c’est quoi?

C’est être au plus proche de ses objectifs d’ici à trois à cinq ans. Trop souvent, on ramène cet indicateur à un an. La ligne de projection d’une entreprise doit aller au-delà.

2. Le seuil de rentabilité

C’est le chiffre d’affaires minimum à réaliser pour ne pas perdre d’argent. Un business est considéré comme stable lorsqu’il est 10% au-dessus de son seuil de rentabilité. Pour viser la pérennité et pouvoir réinvestir, moderniser son infrastructure de production (matérielle ou digitale), MyFinancePartner recommande de cibler plutôt 20%.

3. Budget, mon ami

Centrer toutes les réflexions autour du budget est dangereux. Certaines entreprises ont d’ailleurs choisi d’enlever tous les budgets. Si cela permet d’être plus constructif, c’est une bonne chose. Cette option est compréhensible, car, en général, le budget est présenté comme un mal nécessaire. Or il est un outil d’apprentissage très utile, car il permet d’établir une stratégie à trois ou cinq ans. Son but est de créer de l’engouement et de la discussion au sein des équipes. Transposons ça au sportif: il a besoin d’une vision motivante, avec des points de référence contre lesquels il pourra se mesurer pour s’améliorer.

Attention toutefois, il faut accepter qu’un budget puisse changer et évoluer, même en cours d’exercice. On entend trop souvent qu’il faut dépenser le budget, sinon il sera diminué l’an prochain. C’est une aberration. Ce n’est pas un tableau figé qu’on sort une fois par an. Au contraire, il devrait être vu comme le meilleur ami du pilotage stratégique.

4. «Cash is king»: vraiment?

C’est l’oxygène d’une entreprise. Précisons cependant que le cash n’est pas un indicateur de performance, mais une résultante. En effet, afficher de jolies réserves tout en ayant des rotations de personnel importantes devrait vous alerter. Il est donc essentiel d’analyser d’où vient le cash et ce qu’on en fait à trois niveaux: opérationnel, investissements (par exemple dans l’outil de production) et financements (par exemple issus du prêt covid). Si l’entreprise améliore son cash grâce au désinvestissement ou à un prêt, alors il y a assistance.

Pour éviter cela, il est intéressant d’agir sur le cash-flow opérationnel, qui mesure la capacité à s’oxygéner sans assistance. Les grandes structures sont très fortes à optimiser des recoins souvent négligés par les PME, comme la rotation des débiteurs et des stocks, soit à quelle vitesse je fais payer mes clients et tourner mes stocks. Pensez donc à votre modèle d’affaires. Il n’y a pas de formule unique pour évaluer quelle est la réserve de cash idéale. Une approche est de se demander quel est le volume salarial dont vous devez disposer pour décider sans pression. Notons que pour les indépendants, on parle d’au moins six mois d’avance. Pas sûr que beaucoup suivent ce conseil.

5. Dette à l’ère Covid-19

Avec la pandémie, faut-il augmenter son cash-flow? Pas nécessairement. En revanche, si vous avez contracté une dette, il va falloir établir un plan de trésorerie sur six à douze mois, avec un expert en finance. Il sera jalonné de cash meetings pour suivre de près vos remboursements, notamment.

6. Malette à outils

On l’a vu, piloter grâce aux états financiers de l’année d’avant, c’est rouler en regardant derrière. Des outils pour construire un tableau de bord prospectif existent. Le Balanced Scorecard (BSC) ou la méthode ABC (Activity Based Costing), l’approche des coûts par activité, ont fortement remis en cause le modèle traditionnel de la comptabilité analytique des entreprises. Le BSC fonctionne selon quatre axes interdépendants: capacité organisationnelle, processus, clients, finance. Il répond aux questions suivantes: comment les clients et les actionnaires nous perçoivent-ils? Dans quoi devons-nous exceller et peut-on continuer à nous améliorer?

7. Taux horaire pour le dessert

Beaucoup de PME ne connaissent pas leur taux horaire ou ont gardé le même depuis dix ans, alors que les salaires et les charges augmentent. Savoir combien coûte une heure de travail est pourtant essentiel. Cela identifie ce dont l’entreprise a besoin pour fonctionner. Charges sociales, loyers, vacances, temps improductif, matériel entrent dans le calcul.

L’important est de protéger le pricing pour garantir le salaire des collaborateurs. Dès lors, face à la pression, comment rester compétitif? En travaillant sur une meilleure productivité en interne pour assurer le travail au même prix. Autre option: différencier son offre de celle des concurrents pour empêcher la comparaison. On le voit, la finance questionne le modèle d’affaires dans son entier.

TB
Tiphaine Bühler