La fourgonnette de Walter Roth, le boucher du bourg de Lutry (VD), affichait bien son âge: 10 ans. En plus, elle venait d’être vandalisée. Et voilà qu’arrivait au courrier la convocation du Service des automobiles pour l’expertise périodique. Un véhicule aussi vieux valait-il vraiment la peine d’être révisé pour l’occasion? se demandait notre boucher. D’autant que, peu de temps auparavant, il avait reçu la visite d’un certain Corentin Rineau, représentant d’une entreprise qui promettait monts et merveilles: Fraikin.

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A la différence d’un banal loueur de voitures, la multinationale française Fraikin met à disposition des véhicules utilitaires pour une durée pouvant aller jusqu’à 96 mois. Avec les couleurs et le logo de votre société sur les côtés. De la modeste fourgonnette frigorifique à l’ensemble de 40 tonnes, de l’ambulance au véhicule blindé. Et le tout contre une facture mensuelle qui comprend tous les coûts, y compris la vignette autoroutière (mais quand même pas l’essence…). D’ailleurs, son slogan est «Roulez. Nous faisons le reste».

Filiale en Suisse en 2006
«Quelques jours plus tard, j’ai reçu ce qu’ils appellent un véhicule d’attente, se rappelle Walter Roth. Puis nous avons déterminé ensemble mes besoins et opté pour un Fiat Doblò. Il a été doté d’un groupe frigorifique, il est blanc comme ma fourgonnette précédente et orné de mon logo.» Si le boucher de Lutry avait racheté le même véhicule qu’avant, il en aurait eu pour 18 000 francs pour un Caddy et 12 000 francs pour le groupe réfrigérant à faire installer par un carrossier. Or Walter Roth a déjà dépassé l’âge théorique de la retraite et pense se retirer d’ici à deux ou trois ans. Chez Fraikin, il a signé pour trois ans, avec option de sortie au bout de deux ans déjà.

«C’est génial, je ne m’occupe plus de rien. Fraikin a un service de dépannage 24h/24, ils m’assurent, gèrent mon kilométrage, organisent les services, prennent rendez-vous pour monter les pneus neige, paient les éventuelles amendes d’ordre. Si je dépasse le forfait kilométrique mensuel (1500 km) que nous avons déterminé ensemble, il m’en coûte 10 centimes le kilomètre. Ça ne risque pas d’arriver souvent, même si j’utilise parfois la fourgonnette pour mes besoins privés. Et ça me vaut une seule facture par mois, que je verse dans ma comptabilité. Pratique et moins cher qu’un leasing.»

Alors, miracle? En route pour Echandens (VD), chez Fraikin. Jean-Michel Domergue est le directeur de Fraikin pour la Suisse. L’accent ensoleillé trahit son origine méridionale, mais il assure se sentir à merveille dans ce pays. L’homme, qui a ouvert la filiale suisse de Fraikin en 2006, résume la recette de l’entreprise en un adage: «Le temps, c’est de l’argent.» Les clients qui ont un besoin urgent et/ou durable d’un véhicule peuvent compter sur la société, au moins pour un véhicule d’attente répondant à leurs besoins mais aussi, en patientant un peu, sur un utilitaire à leurs couleurs qu’ils utiliseront plusieurs années. «Il n’y a pas de miracle, la clé du succès, c’est notre puissance d’achat, ajoute le patron. Il faut dire que nous sommes présents dans 15 pays avec 3000 collaborateurs et disposons de 58 000 véhicules de toutes sortes. Nous obtenons évidemment des prix d’autant plus aisément que nous revenons souvent. Il n’y a pas d’importation parallèle, ce serait du temps perdu. Nous travaillons directement avec les concessionnaires.»

Le modèle d’affaires, c’est un loyer dans lequel tous les coûts sont inclus, au centime près. Et le conseil: «On seconde vraiment le client en fonction de ses besoins. En cas de nécessité, on fait même une tournée avec les chauffeurs pour vérifier si les véhicules sont adaptés. Cela a du sens surtout pour les entreprises qui disposent d’une certaine flotte. Un parc de dix véhicules peut par exemple être réduit à huit, parce qu’on constate que l’un est purement saisonnier et qu’un autre ne sert que de remplacement.» Le boucher de Lutry n’avait pas besoin d’une grosse fourgonnette. Fraikin le lui a dit. Et il a été enchanté de toucher le Fiat Doblò subtilement aménagé en fonction de ses besoins. «On n’est pas là pour vendre une marque», souligne Jean-Michel Domergue. Corentin Rineau, le commercial de Fraikin pour la Suisse romande depuis deux ans, complète: «Nos véhicules sont évidemment assurés casco. En cas d’accident, nous fournissons immédiatement un véhicule de remplacement. Nous donnons aussi des formations à la conduite pour de plus gros véhicules. Nous avons tout intérêt à ce que les chauffeurs ne démolissent pas leur camion et fassent exploser la prime d’assurance.»

Les véhicules ont trois vies
En cas de panne, vénielle ou importante, Fraikin dispose en Suisse d’un numéro de téléphone en service jour et nuit. Si le problème est sérieux, un collaborateur se rend sur place et une cinquantaine de garages partenaires en Suisse assurent l’essentiel des réparations nécessaires.

Et ça reste une solution rentable pour Fraikin comme pour les entreprises clientes? «Assurément, confirme Jean-Michel Domergue. Pour quatre raisons: Fraikin dispose d’une centrale d’achat dans chaque pays où la société est active; elle obtient des rabais de quantité/fidélité pour les frais de maintenance; elle travaille toujours avec les mêmes carrossiers pour installer les groupes frigorifiques sur mesure; elle sait optimiser les reventes et dénicher l’acheteur qui a justement besoin de tel ou tel véhicule. D’autant que ceux-ci sont très bien entretenus.»

Dans le modèle Fraikin, un véhicule, quel qu’il soit, a trois vies: la première consiste en une location longue durée de 3 à 5 ans en général; dans la deuxième, l’objet jusque-là loué devient véhicule de remplacement. Et dans la troisième? «C’est la revente à l’étranger, précise Jean-Michel Domergue. Pour l’essentiel, en Europe de l’Est et en Afrique. L’amortissement se fait sur les deux premières vies du véhicule.» En Suisse romande, on compte parmi les clients de Fraikin le maraîcher Léguriviera, Les Fromages Chaudron, le traiteur Manuel, le blanchisseur Lavotel, le cuisiniste Ginox, le CHUV, les HUG, la pharma Ferring et le logisticien DPD.


Petit Forestier en embuscade

Si Fraikin est le leader européen de la location d’utilitaires, un autre groupe français, Petit Forestier, le talonne et a même tenté de n’en faire qu’une bouchée en 2016, en profitant des turbulences que Fraikin traversait en raison de son fort endettement. L’affaire ne s’est pas faite suite aux réticences de l’Autorité de la concurrence française. Petit Forestier est spécialisé dans la location frigorifique: fourgons, poids lourds, triporteurs, remorques, semi-remorques, chambres froides, meubles de stockage et de présentation.

Fondé en 1907 par la famille Forestier, Petit Forestier est leader en Europe de la location de véhicules frigorifiques. En 2017, ce groupe resté familial a réalisé un chiffre d’affaires de 667 millions d’euros. La filiale suisse compte quatre agences romandes à Tolochenaz (VD), Saint-Aubin (FR), Meyrin (GE) et Charrat (VS). Une agence a été ouverte à Zurich en 2017.


Fraikin en chiffres

  • 1944 Fondation à Paris par Gérard Fraikin avec un seul poids lourd en «full service».
  • 180 Le nombre d'agences dans 15 pays, notamment en Grande-Bretagne, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Russie, Arabie saoudite ou Dubaï. 
  • 3000 Le nombre de collaborateurs.
  • 58'000 Le parc de véhicules.
  • 683 En millions d'euros, le chiffre d'affaires en 2017.
GP
Gian Pozzy,ler