Rares sont ceux qui auraient imaginé qu’un coronavirus puisse modifier autant les comportements de l’ensemble de la société. En Suisse, le Covid-19 a non seulement gommé les frontières entre lieu de travail et de domicile, mais il a aussi provoqué une forme de révolution dans les esprits. Il a également fortement stimulé l’envie d’être propriétaire de ses quatre murs. D’autant plus que le confinement a freiné les dépenses de loisirs et, en conséquence, renforcé les économies des ménages. Pour peu qu’ils aient en plus choisi d’investir sur les marchés, les futurs acquéreurs ont encore vu le volume de leurs fonds propres être dopé par les formidables performances boursières de l’année 2021.

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Les tableaux régionaux réalisés pour PME par le site spécialisé RealAdvisor illustrent cette nouvelle dynamique immobilière. Tout d’abord, ils mettent en évidence la constante progression des sites résidentiels sur les dix et vingt dernières années. Les Cassandre qui prédisent depuis des lustres l’éclatement d’une bulle restent des prophètes de mauvais augure.

Ensuite, ces tabelles montrent clairement l’impact immédiat de la Lex Weber, acceptée de justesse en mars 2012 par le souverain helvétique. Enfin – et surtout – ces cartes et tableaux mettent en évidence les changements induits par la pandémie. En particulier, l’attrait relancé pour les régions périphériques et le retour en grâce manifeste des résidences secondaires (R2).

Une hausse moyenne de 6% en 2021

Tous ces éléments expliquent pourquoi les prix n’ont cessé d’augmenter, avec même un effet d’accélérateur impulsé par la pandémie. «Sur l’ensemble du pays, les prix à l’achat des logements ont en moyenne augmenté de 6% sur l’année 2021, avec une hausse plus marquée pour les villas que pour les appartements», admet Katharina Hofer, économiste spécialisée au sein de la Recherche immobilière d’UBS. «Depuis le début de la pandémie, les logements se sont appréciés presque au même rythme dans toutes les régions, alors que, auparavant, c’étaient les grands centres économiques qui tiraient l’enchérissement. Même là où l’économie tend à stagner, l’appréciation des prix est actuellement dans la moyenne suisse», complète son collègue Matthias Holzhey.

Le tableau met en évidence la stagnation des prix induite par la pandémie dans les centres urbains, alors qu’en parallèle le Covid-19 a massivement stimulé les valeurs dans les régions périphériques.

Les données fournies par RealAdvisor offrent encore un complément d’information en précisant le volume de l’ensemble des objets actuellement disponibles sur le marché (données au début mars). Attention toutefois: dans l’état du stock des biens offerts à la vente sont souvent aussi compris des immeubles qui n’existent encore que sur plan. Il peut aussi y avoir parfois des places de parc intérieures. Et l’on ne peut exclure – malgré l’efficience des algorithmes – qu’un bien apparaisse plusieurs fois dans des annonces. Néanmoins, la dimension donne tout de même une bonne indication de la situation du marché dans la commune concernée.

Le Valais, terre de propriétaires

Sous cet angle, on remarquera tout particulièrement les chiffres élevés – en comparaison romande – des objets en vente en Valais. «Cette ampleur a deux explications. Avec quelque 60% de propriétaires, le Valais est champion suisse en la matière. Le canton affiche un pourcentage de 25% de la population qui possède un appartement en PPE et occupe également la première place dans cette catégorie. Qui dit plus de propriétaires dit aussi plus d’objets à la vente. Surtout quand on sait que, en moyenne, un Suisse vend son bien immobilier tous les vingt ans», signale Jonas Wiesel. «L’autre raison tient à l’ampleur du marché: sur quelque 40 000 biens en vente en Suisse, le Valais (10 000 objets) représente un quart du total, juste devant le Tessin (9000)», ajoute le directeur de Real-Advisor.

Il apparaît déjà clairement que le télétravail va conserver, à l’avenir aussi, une place importante dans toutes les activités qui l’autorisent. Et les futurs propriétaires intègrent désormais cette composante. En particulier, ils pondèrent moins la distance au lieu de travail au profit d’un espace à vivre plus grand, plus proche de la nature et offrant une pièce supplémentaire pour accueillir l’activité professionnelle.

«La fusion des frontières entre l’habitat et le travail, le numérique et l’analogique ainsi que la ville et la campagne favorise la demande en localisations moins centrales et en grands logements», confirme Fredy Hasenmaile. «Les propriétaires profitent de bonnes conditions pour toujours plus travailler depuis chez eux: ainsi, trois quarts des ménages vivant dans un appartement en PPE et 86% des ménages vivant en villa disposent d’au moins une pièce supplémentaire. En revanche, seulement 59% des ménages en location disposent de cette commodité», ajoute le responsable de l’Analyse immobilière chez Credit Suisse.

L’adoption de la Lex Weber avait plombé le marché des R2. Pratiquement d’un jour à l’autre, les ventes s’étaient effondrées. En parallèle, la frénésie pour réaliser au plus vite les projets déjà autorisés avait dopé l’offre tandis que la demande se ratatinait. Et la traversée du désert s’est poursuivie... jusqu’à l’éclatement de la pandémie, qui a tout bouleversé.

«Les appartements de vacances, en particulier, ont alors été pris d’assaut par les particuliers et ont connu une forte hausse des prix, après avoir traversé une longue période de sommeil en raison de l’adoption de l’initiative sur les résidences secondaires», souligne Fredy Hasenmaile, du Credit Suisse. Ce qui a logiquement eu un impact sur les prix. «On a en effet observé un renchérissement supérieur à la moyenne (+10%) pour les résidences secondaires et, plus encore, pour celles de luxe», précise Katharina Hofer, d’UBS. Passage en revue par région.


NEUCHÂTEL
L’hypothèque démographique

La séparation entre le haut et le bas du canton de Neuchâtel se vérifie aussi sur le plan immobilier. Rien de nouveau sous le soleil. «Il est tout de même symptomatique que, même dans la foulée de la pandémie, les prix des appartements n’ont pour ainsi dire pas bougé au Locle et à La Chaux-de-Fonds, alors qu’ils ont connu des hausses notables, de l’ordre de 6 à 8%, dans le reste du canton», note Jonas Wiesel, de RealAdvisor.

Neuchâtel perd toujours des habitants

Evidemment, sur le littoral, avec la crise sanitaire, les prix ont suivi le mouvement ascendant enregistré partout en Suisse. Mais avec une ampleur moindre. Cette croissance plus atone peut relever d’une double cause. Quoique attrayant, le bas du canton manque de terrains constructibles. Et il y a un autre facteur, plus insidieux. «Neuchâtel continue de perdre de la population. Il est le canton suisse qui, à fin 2020, a affiché le plus fort recul démographique (-0,3%, ou -602 personnes) alors que le pays progressait de 0,7% (+64 300 personnes)», souligne Thomas Veraguth.

«C’est déjà dû à un solde migratoire négatif (-354). Mais, plus grave encore, Neuchâtel ne connaît pas d’accroissement naturel puisqu’il compte plus de décès que de naissances (-171)», ajoute l’économiste de la Recherche immobilière d’UBS. Or l’augmentation démographique est un moteur souvent essentiel de la croissance immobilière.

Avec la pandémie, les Neuchâtelois ont aussi recherché de l’espace supplémentaire. «La demande est soutenue au niveau des villas et appartements offrant de belles terrasses et des balcons. Les clients sont aussi devenus nettement plus attentifs aux espaces extérieurs privatifs», indique Marie-Claude Müller, de Naef Immobilier Neuchâtel. Qui rappelle au passage que l’ancienne principauté prussienne reste désavantagée par une fiscalité toujours pénalisante pour les particuliers.

Les atouts du Grand Neuchâtel

Un détail intéressant à relever dans l’analyse plus pointue des prix sur le littoral: comme la fusion du Grand Neuchâtel au 1er janvier 2021 n’est pas encore intégrée dans les données statistiques, on peut distinguer les variations entre la ville et ses nouveaux quartiers de Corcelles-Cormondrèche, Peseux et Valangin.

Il en ressort que le chef-lieu historique reste le plus prisé au niveau des appartements. En revanche, sur le plan des villas, les anciennes communes périphériques de Corcelles-Cormondrèche ou Peseux offrent des valorisations supérieures. Probablement du fait de la rareté des maisons individuelles en ville.


FRIBOURG
Des prix encore un peu contenus

A Fribourg, le marché immobilier s’est moins emballé qu’ailleurs. «C’est l’un des seuls cantons à offrir des régions où le taux d’offre dépasse encore 2%», signale Fredy Hasenmaile, du Credit Suisse. Cette disponibilité tend naturellement à tempérer les prix. «La pandémie a d’abord agi comme un frein, car personne ne savait comment ça allait tourner. Ensuite, des régions plus périphériques, comme Fribourg, ont profité d’une forme de revitalisation avec l’envie plus marquée de disposer d’un extérieur en rez-de-chaussée d’immeuble ou en maison individuelle», analyse Baptiste Morand.

Une forme de revitalisation

Le directeur de la Régie de Fribourg constate néanmoins que les villas deviennent rares et que, en conséquence, les prix augmentent. «L’ensemble du canton est concerné, car les terrains à bâtir sont de plus en plus difficiles à trouver. Y compris dans des localités un peu boudées il y a cinq ans, car un peu éloignées, qui ont désormais la cote, car les prix y sont plus accessibles.» Il remarque aussi un engouement nouveau pour les maisons à rénover.

Une tendance confirmée par Nadia Jemmely, de Real-Advisor: «Le prix des terrains a fortement augmenté, si bien que beaucoup de vendeurs ont renoncé à se séparer de leur bien. Faute de pouvoir construire, les acquéreurs ont dû se replier sur de l’ancien, dont les prix montent.» Le constat est d’ailleurs assez général: il y a de bonnes affaires à réaliser sur les objets à rénover. A condition d’être rapide: une villa, même assez vieille, est vite prise d’assaut et reste très peu longtemps à la vente. «Malgré le peu d’objets sur le marché, les prix restent accessibles», estime Christianne Rosset, de Naef Immobilier Fribourg.

La pandémie a d’ailleurs conduit nombre d’habitants de la région lausannoise à reconsidérer ces zones valdo-fribourgeoises sur la route de Berne qui permettent de travailler aussi bien sur l’Arc lémanique que dans la capitale fédérale. Un exemple concret illustre cette nouvelle approche, mais aussi la désormais plus grande réactivité des acheteurs, en particulier pour les villas. «Sur des communes de la Broye comme Ménières, une villa «classique» (quatre chambres, 150 m2 habitables sur une parcelle de 650 m2) estimée à 810 000 et confiée sur mandat à 830 000 s’est vendue à 890 000 francs en deux semaines à des Lausannois. Il y a peu, il aurait fallu compter avec quatre mois de commercialisation et une quinzaine de visites avant de conclure», illustre Alexandre Schenk, de RealAdvisor.


VALAIS
De l’offre et des ventes à foison

Terre de propriétaires, le Valais propose toujours une offre abondante en appartements en PPE et en villas individuelles. «En Suisse, seules six régions, dont Sierre, Martigny et la vallée de Conches, affichent encore un taux de vacance supérieur à 1,0%. Les surfaces vacantes ont également pu être nettement réduites dans la majorité des régions touristiques», analyse Fredy Hasenmaile, du Credit Suisse, qui souligne les couleurs retrouvées des résidences secondaires (R2).

Une dynamique très forte

En clair, il y a passablement d’objets sur le marché, mais la demande se raffermit, les transactions se multiplient et les prix s’étoffent. «C’est du jamais-vu en Valais: je n’ai jamais observé un volume de vente comparable. Les prix ont pris l’ascenseur et, aujourd’hui, ce sont les banques qui ont parfois de la peine à suivre le marché», confie Laurick Coppex, de RealAdvisor.

Décryptage: comme les ventes se font à des niveaux plus élevés, les modèles d’estimation des instituts bancaires ont de la peine à suivre cette progression et restent sur des évaluations plus modestes qui pourraient faire capoter l’octroi du prêt, sauf à réclamer plus de fonds propres.

R2, le retour

Dans une étude tout juste publiée, le Credit Suisse note un «recul impressionnant de la durée d’insertion des annonces dans les régions touristiques». Notamment en Valais. Mais aussi une «forte augmentation du solde migratoire des communes touristiques». Les statistiques officielles en attestent, qui affichent des progressions supérieures à 0,3% dans les régions de Sierre, de Loèche et de Viège, où se trouvent justement des stations comme Crans-Montana, Loèche-les-Bains, Saas-Fee ou Zermatt.

«A Crans-Montana, j’ai constaté une nouvelle clientèle suisse venant de Genève ou de Lausanne que le télétravail a incitée à se mettre au vert. Beaucoup ont d’ailleurs décidé d’acheter et de changer de vie», signale Diane Colnat, de Real-Advisor. Fredy Hasenmaile, du Credit Suisse, remarque lui aussi que la recherche en R2 s’est accentuée. Et il constate que, par exemple, l’accroissement de cette quête dans la région de Viège, avec Saas-Fee et Zermatt, a progressé de 69%, dépassant même largement l’Oberland bernois (+54%).

Dans la foulée, on ne s’étonnera pas que les prix les plus soutenus s’enregistrent à Bagnes (Verbier) et à Zermatt. Le haut niveau de Champéry et de Nendaz atteste de l’attrait des Portes du Soleil et de l’autre flanc des 4 Vallées. Autre révélation: l’engouement pour Port-Valais, accès du Vieux-Pays au lac Léman.


GENÈVE
Toujours au sommet

Genève ne serait pas Genève si le canton n’était pas... excentrique! En matière immobilière, le bout du lac s’impose comme l’îlot de cherté de Suisse romande. Sans surprise, les logements les plus onéreux sont nichés dans les cités huppées de la rive gauche – Cologny, Vandœuvres, Collonge--Bellerive, etc. – qui trustent les valorisations les plus cossues. A Genève, quelle que soit la localisation, il faut compter débourser 1 million de francs pour un appartement de 4,5 pièces standard et près de 1,5 million pour une modeste maison individuelle.

Enormes variations de prix

Mais il y a une autre réalité, moins perçue. «Il est tout de même frappant que, sur un territoire aussi exigu que le canton de Genève, on constate des variations de prix si importantes: entre les sites les plus prisés et les localités les moins chères, le rapport va du simple au double», relève Jonas Wiesel, de RealAdvisor.

Fredy Hasenmaile, du Credit Suisse, fait un constat similaire: «Le prix d’un quatre-pièces neuf en PPE dans les banlieues de Vernier, de Thônex ou de Meyrin se situe 30 à 33% en dessous du niveau de prix dans la Cité de Calvin. C’est seulement grâce à de telles économies que de nombreux ménages peuvent encore se permettre d’acheter un logement.»

Sa crainte: «A Genève, les prix des logements en propriété sont nettement découplés des revenus. Des bulles se forment lorsque ce genre de phase dure des années, prévient l’expert du Credit Suisse. Les acheteurs doivent être conscients que nous nous trouvons désormais très haut sur l’échelle et que la chute des prix n’en serait que plus marquée.»

Demande soutenue

Bien ancré dans le marché local, Thierry Dejussel remarque que, à Genève, l’offre a encore fortement diminué, ce qui a vraiment fait grimper les prix de façon rapide et vertigineuse. «Aujourd’hui, on constate que les clients achètent dans l’urgence par crainte de la montée des prix et de la hausse des taux d’intérêt», note le spécialiste de Real-Advisor à Genève.

Malgré l’exiguïté de leur territoire et la pénurie chronique de logements, les Genevois n’ont pas réagi différemment face à la pandémie. «Les gens souhaitent désormais un jardin et une pièce supplémentaire pour le télétravail», constate Jacques Emery.

Comme ce genre d’objet ne se trouve guère en ville, «la demande connaît désormais une croissance plus éloignée du centre», ajoute le directeur des ventes de Naef Immobilier Genève. Même s’il s’attend à ce que cette croissance se tasse un peu, Jacques Emery perçoit une demande toujours soutenue dans le segment du luxe et des immeubles de rendement.


VAUD Lausanne, Gros-de-Vaud et Moudon
La revanche des campagnes

Lausanne et sa couronne illustrent le coup de frein que la pandémie a infligé à l’urbanisation. Plusieurs indicateurs avancés du marché immobilier en attestent. «Les abonnements de recherche, les logements vacants et les durées de publication confirment le glissement de la demande en faveur des localisations moins centrales et des logements plus grands», énumère Fredy Hasenmaile, du Credit Suisse.

Coup de frein à l’urbanisation

Concrètement, avec l’irruption du Covid-19 et le confinement, les villes ont perdu de leur attrait, victimes d’attentes modifiées. «Après 2020, les grandes villes ont de nouveau enregistré une croissance démographique nulle en 2021», rappelle l’économiste de la banque. Des cités comme Lausanne compensent une partie de cette émigration vers la périphérie par une immigration internationale poussée par la vitalité de l’économie vaudoise.

L’évolution respective entre l’agglomération lausannoise et le Gros-de-Vaud ou le district de Moudon confirme la tendance. Avec la pandémie, l’envol des prix en périphérie a, sur deux ans, dépassé les 10% pour les appartements, jusqu’à presque frôler les 20% pour les villas.

«Les acheteurs se sont recentrés sur l’essentiel et sur leur lieu de vie. Ils ont notamment intégré dans leurs attentes de pouvoir disposer de plus d’espaces intérieurs et extérieurs», relève Laurent Pannatier, de RealAdvisor. Qui ajoute: «Les régions périphériques autour de Lausanne offrent souvent des espaces extérieurs. Sous l’influence du télétravail, beaucoup ont reconsidéré leurs trajets quotidiens et choisi d’acquérir plus loin de leur lieu de travail.»

La capitale garde pourtant des charmes: «Que vous soyez à Lutry ou à Bussigny, vous êtes à Lausanne, le réseau de transports publics, les commerces, les écoles, les espaces verts et autres facilités en font un grand village où tout le monde veut vivre», plaide Valérie Prélaz, de Naef Immobilier Lausanne.

Une accalmie peut-être bienvenue

Reste que, comme le craint Matthias Holzhey d’UBS, «tant que l’écart entre les prix et les revenus des ménages continuera de se creuser, la demande potentielle diminuera. La proportion de ménages qui satisfont aux règles de capacité financière pour l’achat d’un logement moyen devrait avoir chuté d’environ 20% à 15% depuis la pandémie.» De leur côté, les économistes immobiliers du Credit Suisse doutent que cela entraîne déjà la fin de la tendance à l’urbanisation. Mais elle «devrait néanmoins être freinée à long terme, ce qui permet une détente bienvenue dans les grands centres».


VAUD La Côte et la vallée de Joux
Coup de fouet pour la construction

La région de La Côte reste toujours extrêmement demandée. Elle bénéficie du report de primo-acquéreurs genevois qui ne trouvent pas l’objet de leurs rêves au bout du lac, mais aussi du dynamisme économique vaudois, notamment impulsé par l’EPFL. Une récente étude du Credit Suisse le confirme: sur les bords du Léman, les durées d’insertion des annonces affichent les valeurs les plus basses du pays, à l’égal de la ceinture extérieure de l’agglomération zurichoise.

Activité de construction très soutenue

«L’exemple de Gland illustre bien l’impact genevois sur l’immobilier de La Côte. En vingt ans, les appartements de cette ville ont pris plus de deux fois et demie de valeur supplémentaire. Des proportions qu’on ne trouve pratiquement qu’à Genève», relève Jonas Wiesel, de Real-Advisor. Le dynamisme démographique de la région va continuer de stimuler la construction. Les experts du Credit Suisse y prévoient cette année une activité en croissance de plus de 2% du parc existant. L’expansion la plus forte de tout le pays, une fois et demie plus élevée que la moyenne nationale.

La Vallée redécouverte

L’augmentation des prix sur les communes riveraines du lac conjuguée à l’envie de plus d’espace et de verdure induite par la pandémie a favorisé l’immobilier dans les villages plus éloignés. «Beaucoup d’acheteurs se sont tournés vers des communes plus rurales», relate Yann Sonrel, de RealAdvisor. Il pense tout particulièrement à Mollens ou à Montricher, «qui ont vraiment gagné en popularité».

D’autres estiment que les prix vont se stabiliser. «Car les taux hypothécaires augmentent et s’y ajoute l’inconnue de la guerre en Ukraine et de ses répercussions sur l’économie», juge Fabien Risse. Mais le représentant de Naef Immobilier La Côte défend sa région: «Entre Mies et Morges, c’est un havre de paix et de douceur de vivre. Avec d’excellentes écoles privées, un service de santé à la pointe, avec notamment la Clinique de Genolier, la proximité de l’aéroport, nous sommes un aimant pour les grandes fortunes.»

La pandémie a aussi provoqué une «redécouverte» de la vallée de Joux. Pendant longtemps négligées, ces communes «figurent parmi les gagnants du changement de modèle migratoire», relève le Credit Suisse. Le solde migratoire interne vers la Vallée a crû en 2020 de presque 1% de la population par rapport à la moyenne des années 2015-2019. Un afflux peu commun pour une région très peu urbaine, mais tout de même située dans la zone de chalandise de Nyon et de Genève.


VAUD Nord vaudois, Broye et Vully
Yverdon en moteur local 

Même si les régions du Nord vaudois, de la Broye et du Vully sont plus éloignées de l’Arc lémanique, elles ont fortement profité des nouvelles aspirations nées avec la pandémie. En particulier le marché des maisons individuelles. Les données compilées par RealAdvisor montrent que les prix ont pu exploser jusqu’à augmenter de presque 25% en deux ans. Cette tendance est particulièrement manifeste sur des communes sises dans l’espace longtemps négligé entre les lacs de Neuchâtel et de Morat, à l’instar de Grandcour ou de Vully-les-Lacs.

La dynamique d’Yverdon essaime

Par ailleurs, la cité d’Yverdon se positionne toujours plus comme un pôle local très porteur. «La ville continue à gagner en attractivité et bénéficie en particulier d’un marché de l’emploi sain, soutenu par Y-Parc», commente Nathalie Bresolin, de Real-Advisor. Qui souligne que, dans la proximité d’Yverdon, «il y a beaucoup de localités situées à quinze ou trente minutes de ce centre urbain, qui correspondent exactement aux attentes d’après-pandémie».

L’appréciation est confortée par les experts immobiliers du Credit Suisse, qui pronostiquent une hausse certaine de l’activité de la construction dans l’ensemble de la Broye voisine, aussi bien vaudoise que fribourgeoise. En même temps, on remarquera que le district neuchâtelois voisin de Boudry ne profite pas autant de cette dynamique. La faute à un foncier déjà beaucoup plus densément bâti.

L’autre musique de Sainte-Croix

L’analyse comparative entre la Broye vaudoise et la Broye fribourgeoise montre que ces différences cantonales historiques sont de plus en plus gommées. En tout cas sur le plan de l’immobilier: les écarts de prix sont désormais très peu marqués et plus vraiment significatifs. Une tendance que l’émergence toujours forte d’institutions intercantonales va encore atténuer.

Qui cherche un peu à l’écart des grands flux migratoires peut encore découvrir quelques perles préservées et particulièrement avantageuses. C’est notamment le cas de Ballaigues ou de Sainte-Croix. Cette dernière commune mérite un petit coup de projecteur, tant la localisation est attrayante.

Sur les vingt dernières années, Sainte-Croix a connu un rattrapage important tant au niveau des appartements que des villas. Pourtant, malgré cette évolution positive et sa proximité d’Yverdon, la capitale de la boîte à musique reste très à la traîne en termes de prix. De quoi peut-être expliquer pourquoi le grand argentier vaudois, Pascal Broulis, a toujours tenu à y verser une partie de son obole fiscale.


VAUD Riviera, Chablais et Pays-d’Enhaut
Une démographie favorable

Les écarts de prix entre localisations apparaissent d’évidence entre la Riviera, le Chablais et le Pays-d’Enhaut. Tout d’abord, comme d’autres zones voisines de grandes agglomérations, les régions Vevey/Lavaux et Aigle «figurent parmi les gagnants du changement de modèle migratoire» lancé par la pandémie, rappellent les experts immobiliers du Credit Suisse. En clair, leurs soldes migratoires internes sur 2020 sont en progression avérée.

L’exception de Rougemont

Dans le même temps, la récente étude immobilière de la grande banque constate que le Chablais et le Pays-d’Enhaut figurent parmi les rares régions du pays qui affichent toujours un taux de vacance supérieur à 1,0%. Il est vrai que, selon les fiches immobilières d’UBS, Château-d’Œx a vu ses prix se tasser ces dernières années avant que le covid ne les relance.

Dans le Pays-d’Enhaut, seul Rougemont tire véritablement profit de l’entraînement de la station voisine très huppée de Gstaad, dans l’Oberland bernois. Cet impact ne se traduit en effet pas dans les chiffres immobiliers dans les communes voisines de Château-d’Œx et de Rossinière.

Le retour des étrangers sur la Riviera

Dans la région de Montreux, la pandémie a permis un renouvellement de clientèle. «Les investisseurs étrangers sont de retour sur la Riviera, fait remarquer Sophien Tallouch, de RealAdvisor. La stabilité suisse les rassure dans un contexte économique international incertain.» Sur la Riviera, la demande a d’ailleurs connu un véritable coup de fouet. «Nous avons constaté une nette augmentation de la demande sur le marché résidentiel. Le Covid-19 a agi comme un véritable accélérateur décisionnel pour les personnes qui s’interrogeaient encore sur la possible acquisition d’un bien. Avec le confinement, ces personnes ont décidé de passer à l’action», fait remarquer Sébastien Rota.

A l’instar d’autres régions, il constate aussi que les appartements en rez-de-jardin ont pris de la valeur. «De manière générale, la demande est forte pour les biens disposant d’espaces extérieurs. Et comme le marché résidentiel manque d’objets, aussi bien pour les villas que pour les appartements en PPE, c’est aussi un bon moment pour vendre son bien immobilier», relève le courtier de Naef Immobilier Riviera.

Dans le Chablais, on remarquera que, entre les deux centres principaux, Bex souffre de la comparaison avec Aigle et est, de facto, nettement moins bien valorisée. Cet écart est peut-être imputable à la réputation d’une insécurité plus grande et de tensions sociales qui collent à l’image bellerine.


JURA ET JURA BERNOIS
Toujours les prix les plus bas

Le Jura et la partie francophone du canton de Berne se distinguent régulièrement du reste de la Suisse. L’immobilier ne fait pas exception. On y trouve les objets les plus avantageux de Suisse romande. Il faut dire que cette région «reste l’une des six dernières à afficher un taux de vacance supérieur à 1,0%», fait remarquer Fredy Hasenmaile, du Credit Suisse.

Toujours des logements plus grands

«Sur cette partie de l’Arc jurassien, il y a peu de grandes agglomérations. Mais il est important de préciser que le volume d’objets disponibles à la vente reste partout très bas», note Jonas Wiesel, de RealAdvisor. Avec une démographie qui ne progresse guère, les prix suivent la même tendance. Les plus élevés se trouvent du côté de La Neuveville, qui profite de sa situation au bord du lac et de sa position intermédiaire entre Neuchâtel et Bienne. Evilard, pour sa part, tire avantage d’une fiscalité intéressante et d’être le balcon surplombant Bienne.

Chimères bâloises et dèche prévôtoise

«Dans la région, nous avons toujours eu des logements avec de plus grands volumes qu’ailleurs, mais la pandémie a quand même orienté le choix des gens vers des zones plus vertes, au détriment des centres-villes», constate Jean-Louis Gogniat, directeur de Juraimmobilier. Cela tend à expliquer pourquoi les appartements d’un village comme Alle, en Ajoie, figurent dans le haut du panier des prix.

Le Jura bernois connaît un peu les mêmes tendances. «Reconvilier et Tavannes tirent mieux leur épingle du jeu grâce à une demande issue de Bienne», constate Jean-Louis Gogniat. Quant à l’arrivée de Bâlois, c’est un vieux rêve pour le Jura, mais qui reste un peu chimérique. «Les Bâlois s’arrêtent au plus à Laufon, qui est un excellent marché, même s’il est beaucoup plus onéreux que Delémont. Il y a une frontière linguistique, cantonale, mais aussi fiscale...» assène un spécialiste immobilier qui préfère garder l’anonymat.

Parmi les communes les plus avantageuses, Moutier figure en bonne place. Visiblement, les récents choix politiques n’ont pas encore eu d’impact sur l’immobilier local. Ces dernières années, la cité prévôtoise a régulièrement perdu des habitants. «Le parc immobilier y est vieillissant et n’a pas été suffisamment rénové. Comme l’emploi a chuté, il y a du vacant et les propriétaires n’entretiennent plus», constate l’expert anonyme. Qui espère néanmoins que la fin des bagarres politiques va induire un nouveau développement. A noter enfin que les prix les plus bas sont enregistrés aux... Enfers! Ça ne s’invente pas.

Les objets types de "PME"

Une villa de 140 m2 construite en 1990

La villa test de PME est une résidence principale bien située dans sa commune et disposant de 700 m2 de terrain. Construite en 1990, elle a été complètement rénovée il y a une dizaine d’années. En bon état, elle offre 5½ pièces (780 m3) réparties sur 140 m2 de surface habitable nette, avec deux salles de bains, un garage séparé et une place de parc extérieure.

Un appartement de 4½, 120 m2, de 2019

L’appartement type de PME est un 4½ pièces dans un petit immeuble de dix logements qui a été mis sur le marché en 2019. Il offre 120 m2 sur un étage. Il est doté de deux salles d’eau et de 15 m2 de balcon, avec un garage souterrain et une place de parc extérieure. Bâtie en 2019, cette construction de très bonne qualité est évidemment toujours en excellent état.

PB
Pierre Ballay