La prévoyance à l’épreuve de l’inflation

Quelles seront les conséquences de la hausse des taux sur les caisses de pension et leurs assurés? Ces derniers doivent-ils s’attendre à une baisse de leur pouvoir d’achat? Trois experts nous livrent leur analyse.

C’est une nouvelle donne pour les assurés et les caisses de pension. Depuis le mois de janvier 2022, les taux ont augmenté de plus de 1%. Une situation inédite après des années de taux négatifs. Avec le retour de l’inflation et la succession de crises qui agitent l’économie, c’est un nouveau contexte qui s’impose au monde de la prévoyance. Avec quels impacts pour les caisses de pension et leurs assurés? Franca Renzi Ferraro, conseillère et formatrice en prévoyance professionnelle à l’Ecole supérieure en prévoyance professionnelle (ESPP), Franck Bonin, directeur général de l’activité private banking de Société Générale en Suisse, et Marlène Rast, responsable de la LPP au sein du Groupe Mutuel, nous livrent leur analyse de la situation, qui n’est pas forcément défavorable pour les caisses de pension.

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1. Covid-19, conflit en Ukraine, pénurie énergétique… Traversons-nous une situation inédite?

Selon Franca Renzi Ferraro, conseillère et formatrice en prévoyance professionnelle à l’Ecole supérieure en prévoyance professionnelle (ESPP), «les multiples chocs exogènes engendrés par la pandémie de Covid-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie se font désormais plus fortement ressentir tant sur le plan économique que financier. Malgré la vigueur de l’emploi dans les pays développés, les perspectives sur l’évolution de la croissance se sont assombries et leur péjoration s’est élargie à l’ensemble des continents.»

Franca Renzi Ferraro, conseillère et formatrice en prévoyance professionnelle à l’ESPP.

Du point de vue conjoncturel, ajoute-t-elle, «le recul des indicateurs avancés s’est accéléré et la défiance des ménages et des entreprises s’est accentuée. Ils laissent désormais présager une stagnation de l’activité et renforcent les probabilités d’assister à une récession à partir du quatrième trimestre. En raison de l’expansion des politiques budgétaires, la contraction du cycle économique devrait être modérée et de courte durée. Néanmoins, j’ai la conviction qu’à long terme l’inflation devrait atteindre les objectifs de 2% que se sont fixés les autorités monétaires. L’environnement déflationniste que nous avons connu au cours de ces vingt dernières années est révolu. Nous vivrons ainsi avec une inflation plus équilibrée.»

Quant à Franck Bonin, directeur général de l’activité private banking de Société Générale en Suisse, il se garde de voir un effet domino dans les crises actuelles: «Ces crises qui se succèdent sont assez uniques dans leur forme et leur intensité. Elles sont très différentes dans leur approche, même si elles ont eu des conséquences similaires en matière d’augmentation générale des prix et donc d’inflation. L’une n’a pas entraîné l’autre. Je ne parlerais pas d’effet domino, mais d’un effet cumulatif.» Selon lui, «la meilleure façon pour les instances gouvernementales de lutter contre l’inflation est d’agir sur la politique monétaire en remontant significativement et rapidement les taux d’intérêt. Toutefois, il est important que cette stratégie se stabilise et se normalise dans les mois qui viennent afin d’assurer un atterrissage en douceur et ainsi de revenir à des niveaux d’inflation plus raisonnables. Dans ce contexte, le niveau d’inflation à terme devrait être plus faible permettant ainsi d’éviter un risque de récession.»

Franck Bonin ajoute et précise: «Nous avons vécu une période d’inflation faible au cours des vingt dernières années, soutenue par un prix de l’énergie relativement bas, des politiques monétaires accommodantes et une globalisation des économies. Ces crises vont donc obliger les économies occidentales à repenser leurs modèles de développement pour contenir les pressions inflationnistes.»

2. L’effet domino des crises aura-t-il un impact sur notre système de prévoyance?

Selon Marlène Rast, responsable de la LPP au sein du Groupe Mutuel, «ces crises ont un impact sur l’économie et sur les marchés boursiers. Mais les deux ne sont pas forcément corrélés. Malgré le covid, je suis rassurée de constater que le monde de la prévoyance a vécu de très bons exercices. Il reste difficile aujourd’hui d’anticiper la suite, car la situation actuelle en Ukraine reste très imprévisible et une grosse crise de l’énergie se profile. Il est donc important de ne pas dormir sur ses acquis et d’aller au bout de la réforme du 2e pilier.»

Pour rappel, dans leur projet de loi présenté en 2020 et baptisé LPP 21, le Conseil fédéral et les partenaires sociaux proposaient d’abaisser le taux de conversion de 6,8 à 6% d’un seul coup. Cela ne concerne pas la part surobligatoire, qui est libre et où des taux inférieurs à 5% sont déjà pratiqués. Ce qui fait dire à Marlène Rast que «la majorité des assurés a déjà un taux de conversion inférieur à 6%, en fonction des différentes caisses de pension». Et de compléter: «Ce qui prime dans le 2e pilier, c’est la vision à long terme. Il faut donc arrêter de jouer à se faire peur à court terme.»

Forum Prévoyance, le 8 septembre 2022

3e édition
F(r)acture programmée?

Le 3e Forum Prévoyance est organisé par Le Temps et PME, avec le soutien du Groupe Mutuel. La journée, qui a lieu à l’IMD Lausanne, aura comme thème: «Retraites: vers une f(r)acture programmée?».

Parmi les thèmes abordés, il sera question de l’impact de l’inflation et de la baisse du taux de conversion ainsi que du modèle néerlandais de caisses de pension. Un sondage effectué par MIS Trend sera débattu durant le Forum. L’événement est gratuit, sur inscription.

Marlène Rast, responsable de la LPP chez Groupe Mutuel.

Franck Bonin mise aussi sur la confiance: «Le système de prévoyance suisse est l’un des plus efficaces du monde. Certes, la situation actuelle aura des impacts sur la gestion des caisses de pension et la manière de tout un chacun de gérer sa prévoyance, mais ces impacts ne se verront pas tout de suite et de manière rapide dans les performances des caisses de pension, souligne-t-il. Au cours des dernières années, les caisses de pension ont bénéficié de bons rendements. Ces réserves vont permettre de lisser les situations de tensions actuelles.»

Si Franck Bonin devait se projeter à moyen et long terme, il indique que «l’inflation pourrait avoir des effets positifs, car mécaniquement elle permettrait d’accroître les rendements futurs LPP. Sauf que ces effets positifs peuvent être complètement annihilés si le taux d’inflation est supérieur au taux de rendement. La principale conséquence, c’est d’avoir une perte de pouvoir d’achat et de la richesse. C’est une donne que les cotisants doivent avoir en tête.»

Même posture du côté de Franca Renzi Ferraro. Selon elle, «l’impact de cette succession de crises sur notre système de prévoyance devrait être limité, considérant qu’à long terme nous n’assisterons pas à une hausse inconsidérée de l’inflation, mais plutôt à un rééquilibrage pour lequel notre système de prévoyance est adapté. Alors, à quelles conséquences devons-nous nous attendre? «Nous devrions être confrontés à une récession et à une hausse temporaire des prix.»

Alors pourquoi l’inflation est-elle aussi dangereuse? «Parce qu’on ne sait pas la freiner ou la bloquer lorsqu’elle s’emballe, explique Marlène Rast. On connaît tout juste les mécanismes, mais nous n’avons pas encore les outils pour la maîtriser. La crainte, donc, c’est la perte du pouvoir d’achat si les salaires ne suivent pas l’augmentation des prix. En revanche, ce qui est particulier pour nous cette année, c’est que nous avons subi un choc à la fois sur le marché des actions, sur celui de l’immobilier et sur celui des obligations. Ce choc est rare et violent pour les caisses de pension.»

3. Les conséquences d’une hausse des prix à la consommation sur la prévoyance vieillesse

Sans céder à la panique, Marlène Rast rappelle que «le taux d’intérêt LPP doit être corrélé avec l’inflation. C’est-à-dire que la valeur de l’argent du 2e pilier restera stable à condition que le taux d’intérêt ne soit pas inférieur au taux d’inflation.» Plus concrètement, «si le taux de l’inflation dépasse celui de la LPP, ce serait dramatique, car il y aurait une perte immédiate du pouvoir d’achat et à la retraite, rappelle la responsable LPP au sein du Groupe Mutuel. L’inflation apporte une sorte de plus-value et en parallèle les taux obligataires augmentent. Il faut donc que les salaires augmentent également et accompagnent cette inflation. Une bonne inflation maîtrisée et couplée avec la capacité d’investissement des caisses de pension peut avoir des effets plutôt positifs pour le 2e pilier. Et ce, notamment sur la constitution des capitaux de LPP. Il ne sert à rien d’avoir peur. L’inflation, c’est comme un petit vent agréable. Il faut juste qu’il ne soit ni trop chaud, ni trop fort.»

Même constat pour Franca Renzi Ferraro, conseillère et formatrice en prévoyance professionnelle à l’Ecole supérieure en prévoyance professionnelle (ESPP). Elle précise que la hausse des prix à la consommation n’a «pas d’impact direct sur les rentes, car celles-ci ne sont pas indexées automatiquement sur la base de l’inflation. Il existe par contre des conséquences indirectes. Parmi elles, l’adaptation éventuelle des rentes pour les rentiers (la décision doit être prise par les membres des conseils de fondation en fonction de la capacité financière de chaque caisse de pension après chaque bouclement des comptes, ce qui est déjà le cas aujourd’hui) et l’augmentation des cotisations des assurés actifs (soit à travers une hausse des salaires soit par une éventuelle augmentation des taux de cotisation d’épargne) avec pour effet secondaire une augmentation du capital de prévoyance pour les assurés actifs.»

Franck Bonin, directeur général de l’activité private banking de Société Générale en Suisse.

Franck Bonin rappelle (et conseille) que «dans une situation de plus en plus complexe, chaque retraité a la capacité de reprendre la main sur la gestion des actifs dans son plan de prévoyance». Selon lui, «il est très important que le cotisant et le retraité puissent être partie prenante dans la stratégie d’investissement et avoir un droit de regard. Cela veut dire être plus à l’écoute des opportunités d’investissement, notamment en sortant d’une approche traditionnelle basée sur les actions et obligations, pour s’ouvrir sur des classes d’actifs moins sensibles aux marchés financiers telles que l’immobilier ou le private equity. Cotisants et retraités doivent redevenir acteurs de leur stratégie de prévoyance.»


«Le pire, c’est que le système de prévoyance reste figé»

Directeur de l’Office fédéral des assurances sociales, Stéphane Rossini appelle à des réformes régulières de la prévoyance vieillesse pour assurer la pérennité d’un régime qui a fait ses preuves.

Stéphane Rossini, directeur de l’OFAS

L’automne sera chaud pour le Conseil fédéral. Après avoir refusé la réforme prévoyance vieillesse en 2017, les Suisses sont de nouveau appelés aux urnes le 25 septembre 2022 afin de se prononcer sur la réforme relative à la stabilisation de l’AVS. Celle-ci vise à maintenir les finances du 1er pilier pendant dix ans environ afin de garantir les rentes à leur niveau actuel. Un défi social et politique pour le conseiller fédéral Alain Berset, ainsi que pour Stéphane Rossini. Le directeur de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) appelle à une réforme urgente pour ne pas discréditer un système qui a fait ses preuves.

Après les précédentes moutures rejetées  par la population, le projet de réforme soumis  à votation au mois de septembre prochain  aura-t-il plus de chance?

C’est une exigence politique que d’assurer la pérennité de la prévoyance vieillesse et de la penser sur le long terme. Il s’agit d’un défi intergénérationnel. Pour que le système perdure, il faut le réformer régulièrement pour tenir compte des évolutions de la société. C’est une nécessité pour l’AVS et pour la LPP. Nous devons notamment garantir le financement des régimes sociaux, de même qu’un niveau de prestations adéquat. Il faut éviter que la population perde confiance en nos assurances sociales. Un succès consolidera l’édifice du premier pilier.

La question des retraites figure parmi les grandes préoccupations des Suisses. Comment leur  redonner confiance dans ce système?

C’est une question de choix politique. Avec le droit de s’exprimer en votation, la population suisse détermine directement le niveau de confiance. Si elle refuse toute réforme, il faudra s’attendre à ce que nos régimes sociaux rencontrent des difficultés. Le rôle du Conseil fédéral est d’éviter une telle situation, en proposant une réforme de l’AVS et de la LPP. Ses buts sont clairs: maintenir le niveau des prestations et un financement suffisant. Car la démographie et le vieillissement de la population ne peuvent plus être niés ou sous-estimés. Il faut également tenir compte du contexte économique et social général. Le discours catastrophiste n’est pas une réponse, car il érode la confiance dans le système. Le pire, c’est que le système reste figé, faute de réforme, et ne puisse plus relever les défis futurs.

Tout comme Alain Berset, vous êtes socialiste. Or, au sein du parti, plusieurs voix critiquent  le projet de réforme de l’AVS. Comment  défend-on un dossier qui ne fait pas l’unanimité dans sa propre famille politique?

Pour un directeur d’office, ce qui est essentiel, c’est une vision de la politique sociale ouverte et dynamique et de faire en sorte que l’on puisse garantir le bon accompagnement des processus démocratiques. Le Conseil fédéral fait des arbitrages et recherche des équilibres. Il propose ensuite un projet au parlement, qui le travaille et le finalise. Mon rôle est d’accompagner ces processus. Je ne suis plus politicien actif. Il est sain et normal que les rapports de force s’expriment. Le peuple tranchera, c’est très bien ainsi.

Dans les colonnes de la NZZ, vous alertiez  sur l’augmentation des déficits de l’AVS à la suite du covid. Quel constat tirez-vous du système après deux ans de pandémie?

Le système a très bien résisté. Cela prouve qu’il est très solide et fonctionne de manière efficace. Toutes les caisses de compensation ont assumé leur mission. Elles ont alloué les prestations APG en un temps record tout en garantissant le versement des autres prestations, dont l’AVS, l’AI, les PC. Cela n’allait pas de soi. C’était une grande crainte au début de la pandémie. Par contre, la crise covid a eu des impacts sur les perspectives financières de l’AVS et de l’AI en raison de l’évolution de la situation économique. Nous suivons rigoureusement ces évolutions et adaptons régulièrement les projections. Je constate que nos projections sont bonnes et que nos assurances sociales pourront assumer leur fonction de solidarité… si on ne bloque pas les réformes.


Le casse-tête actuariel pour anticiper le taux de mortalité de la population

Afin de constituer les réserves nécessaires au financement futur des rentes, les caisses de pension utilisent deux méthodes de calcul distinctes. Professeure de sciences actuarielles à HEC Lausanne, Séverine Arnold nous explique les limites de ces modélisations.

Séverine Arnold, professeure, HEC Lausanne

Comment prévoir le financement des rentes? Afin d’évaluer leurs engagements futurs et donc de constituer les réserves nécessaires, les caisses de pension modélisent l’espérance de vie de la population. Depuis presque vingt ans, les bases techniques utilisées dans le domaine de la prévoyance professionnelle offrent en effet la possibilité de travailler avec des tables de mortalité périodiques ou de générations. Deux méthodes distinctes qui ont leurs limites. Avec quels impacts? Docteure et professeure de sciences actuarielles à l’Université de Lausanne (HEC), Séverine Arnold nous explique les conséquences de ces modélisations sur le financement de la prévoyance professionnelle.

Depuis plusieurs années, les acteurs du secteur actuariel s’intéressent de près à la modélisation de l’espérance de vie de la population. Pour quelles raisons?

Afin de calculer leurs engagements, c’est-à-dire le montant à garantir pour financer les rentes, les caisses de pension cherchent à savoir combien d’années vont vivre les assurés. C’est une question pas évidente, dont on ne connaît pas la réponse à l’avance. Il faut donc l’estimer. Pour ce faire, les caisses de pension utilisaient initialement ce que l’on appelle des tables de mortalité périodiques. Mais avec le gain en puissance des ordinateurs, de nombreux modèles de projection de la mortalité ont vu le jour, ce qui a permis de développer des tables de mortalité de générations. En Suisse, il existe deux tables officielles: les tables VZ, basées sur les statistiques des caisses de pension publiques, proposent des tables de générations depuis 2005, et les tables LPP|BVG, basées sur les statistiques des caisses de pension privées, proposent de telles tables depuis 2010. Les acteurs de la prévoyance professionnelle ont donc le choix de travailler avec des tables de mortalité périodiques ou de générations.

Mais qu’est-ce qui différencie une table périodique d’une table de générations?

Une table de mortalité périodique présente les taux de mortalité pour une année bien particulière: la table pour l’année 2014, par exemple, indique les probabilités de décès des personnes qui ont entre 0 et 110 ans en 2014. A l’opposé, une table de générations suit une génération: la table de 1950 s’entend pour la génération née en 1950. De ce fait, cette table indique les probabilités de décès d’une personne d’âge 0 en 1950, de 1 an en 1951, de 2 ans en 1952, de 50 ans en 2000, etc. Si la mortalité était constante au cours du temps, une table périodique indiquerait les mêmes probabilités qu’une table de générations. Cependant, la mortalité diminuant au cours du temps, ces deux types de tables divergent fortement.

Pour quelles raisons la question de l’utilisation de tables périodiques ou de générations est-elle fondamentale lorsque la mortalité évolue dans le temps?

En 1876, par exemple, l’espérance de vie à la naissance était de 37,9 ans pour les hommes et de 41,3 pour les femmes, en Suisse. Cette espérance de vie a plus que doublé en 2014, pour atteindre 80,4 ans pour les hommes et 84,6 ans pour les femmes. Donc, le taux de mortalité d’une personne de 50 ans en 1960 est fort différent de celui d’une personne de 50 ans en 2014.

Les avis d’experts divergent sur les évolutions potentielles futures du taux de mortalité. Et, selon vous, les tables périodiques et de générations impliquent certains inconvénients et des dangers pour les caisses de pension. Lesquels et pourquoi?

Les modèles de projection diffèrent relativement peu lorsque la période de projection est courte. Cependant, lorsque des tables de générations sont utilisées, la mortalité doit être projetée sur une durée bien plus longue. Les tables de générations engendrent donc une plus grande volatilité, car à chaque mise à jour des tables – tous les cinq ans – il est fort probable que les réserves résultant de tables de générations doivent être adaptées dans une plus forte mesure que les réserves résultant de tables périodiques, cette adaptation pouvant être tant positive que négative. Cette volatilité est mauvaise.

Pourtant, le secteur s’est mis à utiliser davantage les tables de générations. Cette méthode de calcul serait-elle plus fiable?

Avec les tables de générations, nous partons du principe que l’assuré va vivre plus longtemps, puisque nous anticipons les augmentations futures de la longévité. Les engagements de la caisse de pension seront donc plus importants. Entre 2005 et 2010, de nombreux professionnels du domaine se sont donc mis à croire que les tables de générations étaient la solution puisqu’on arrivait à anticiper la longévité de la population. Il y a eu une énorme pression dans la profession pour utiliser les tables de générations, notamment en Suisse alémanique. Les caisses de pension ont donc fait d’énormes efforts pour constituer davantage de réserves. Puis, en 2015, avec l’introduction des nouvelles tables de générations LPP, il s’est avéré que les caisses devaient encore augmenter leurs engagements, les nouvelles projections de la mortalité étant plus optimistes. C’était la soupe à la grimace. Cinq ans plus tard, avec la mise à jour des tables en 2020, ces engagements pouvaient être diminués.

Alors quel serait le modèle de calcul à plébisciter?

Il n’existe pas de solution idéale, tout simplement parce que nous ne savons pas comment va évoluer la longévité. En utilisant des tables de générations, nous augmentons le niveau d’engagement des caisses de pension et sommes donc plus prudents. Mais pour les assurés, cela crée des iniquités, car lorsque les engagements doivent être augmentés, comment le finance-t-on? Et en cas d’excédent, comment redistribue-t-on cet avoir de manière équitable?

Si vous aviez les pleins pouvoirs, que mettriez-vous en place?

Personnellement, si j’étais au conseil d’administration d’une caisse de pension, je serais pour l’utilisation des tables de mortalité périodiques, projetées à l’année de calcul, tout en constituant des réserves de longévité afin d’anticiper les améliorations futures de la longévité. Ce n’est pas idéal, car cette solution exige de revoir le niveau d’engagement de la caisse tous les cinq ans. Mais elle permet de réduire la volatilité de l’évaluation des engagements et ainsi d’améliorer l’équité entre les assurés.

 

 

 

 

Mehdi-Atmani
Mehdi Atmani