«Je suis né dans le Val Bregaglia, une vallée italophone des Grisons. Après avoir obtenu ma maturité fédérale, j’ai mis le cap sur l’EPFZ, d’où je suis sorti diplômé en ingénierie aéronautique, puis à l’IMD de Lausanne pour obtenir un MBA en 1984. Professionnellement, j’ai d’abord rejoint Mikron, une firme biennoise active dans les systèmes d’usinage et l’automatisation. C’est ensuite lors de voyages aux Etats-Unis et au Japon que j’ai découvert les mémoires optiques, bien plus performantes que les disques durs et les dispositifs capables de numériser des images de l’époque. J’ai compris le potentiel de cette technologie pour la gestion et l’archivage des documents.

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Alors âgé de 33 ans, j’ai quitté mon poste pour monter ma propre entreprise. Etant issu d’une famille d’entrepreneurs, je ne me voyais pas effectuer toute ma carrière en tant qu’employé, mais je n’aurais pas imaginé sauter le pas aussi tôt! Je me suis installé à Givisiez, près de Fribourg, en 1987 pour créer IMTF. Les premiers ingénieurs m’ont rejoint pour développer ce qui allait devenir Hyper-Doc, un logiciel capable de scanner, d’archiver des documents et de gérer des processus interdépendants, impliquant plusieurs collaborateurs d’une même entreprise.

Migros fut l’un de nos premiers clients. Notre technologie leur a permis d’améliorer la productivité des quelque 300 personnes qui, jusqu’alors, géraient les stocks et négociaient les prix auprès des fournisseurs en communiquant par fax et en se référant aux anciens documents papier stockés dans des armoires. C’était le game changer qu’il nous fallait pour continuer à vendre et, surtout, pour atteindre l’industrie bancaire. Les trafics de paiement étaient encore gérés manuellement, un processus laborieux que notre technologie a grandement simplifié. En développant une solution d’archivage électronique pour les banques, IMTF est devenue la première fintech de Suisse.

A la fin des années 1990, la loi sur la lutte contre le blanchiment d’argent m’a poussé à m’intéresser à une technologie permettant d’automatiser les contrôles. C’est ainsi que j’ai développé la plateforme RegTech. Elle permet de détecter les changements de comportement des détenteurs de compte et le manque de cohérence entre leur profil et leurs transactions et ainsi prévenir les fraudes et le blanchiment. En outre, elle sert d’outil pour procéder aux vérifications nécessaires à chaque nouvelle relation bancaire.

Les normes suisses en la matière étant très strictes, nous avons développé une solution précise, ce qui nous a naturellement favorisés à l’échelle internationale. J’ai profité de l’avantage d’être le premier arrivé dans la fintech suisse pour conforter mon assise au sein des grandes enseignes de la finance: plus de 50 banques suisses utilisent notre plateforme et, dans le monde entier, elles sont plus de 200 à nous faire confiance.

Nos solutions regtech (pour regulatory technology) ont aussi été développées pour identifier les personnes soumises à un régime de sanctions, qui n’étaient que quelques dizaines de milliers dans le monde il y a vingt ans, et sont aujourd’hui plusieurs millions. Grâce à un système complexe reposant sur des mots-clés et le croisement d’informations, la plateforme est un des outils les plus fiables pour déceler les risques liés à la criminalité ou aux personnes exposées, tout en limitant les fausses alertes.

En 2021, j’ai quitté mon poste de directeur général, qui a aussitôt été repris par mon fils, Gion-Andri. Avec le déploiement sur de nouveaux marchés, notamment en Amérique du Nord, au Moyen-Orient et en Afrique, le potentiel de croissance d’IMTF – qui compte 150 employés – est important. De nouveaux services tels que les solutions en cloud nous permettent aussi de continuer à développer nos activités.

Certains me disent que je n’ai pas assez joué la carte de la notoriété par le passé, mais j’ai ainsi gardé cet atout pour les stratégies marketing actuelles. Grâce à notre croissance organique – je n’ai jamais dépensé de l’argent que je n’avais pas – j’ai pu développer mon entreprise en gardant les emplois en Suisse et je suis convaincu que cela perdurera ainsi.»

Carré blanc
Julien Crevoisier