«J’ai fait le pas fin 2018 pour un départ à la retraite un an plus tard, à l’âge de 52 ans. Tout allait bien, je n’étais pas malade, j’avais toujours du plaisir avec mon job, personne ne me poussait dehors. Bref, je n’avais aucune pression. Il faut toutefois profondément vouloir prendre ce risque, avec les pertes de statut et financières que cela implique. Accepter de se retrouver dans la peau d’un retraité et être capable de financer sa vie jusqu’à 62 ans lorsqu’on commence à pouvoir toucher le 2e pilier et l’AVS. Aujourd’hui, je cotise toujours à l’AVS, un peu comme un étudiant. Il faut aussi grignoter ses économies et ça, tout le monde n’y est pas prêt. J’ai accepté l’éventualité qu’un jour, peut-être, je n’aurai plus rien. «No risk, no fun», c’est ma devise. Heureusement, j’avais la chance d’avoir un bon salaire. Je suis surtout l’un des rares qui ont fait une bonne affaire financière en divorçant, il y a des années. Le prix de la maison familiale avait doublé.
L’absence de rôle social et de rythme a été plus délicate à gérer. Autour de moi, il y avait des personnes admiratives et d’autres plus en souci. Comment allais-je tourner la page d’une vie où j’ai dirigé durant deux décennies une société reconnue en Suisse romande pour la construction de voies ferrées et le génie civil? En résumé: comment on passe d’un job à 120% au vide…
J’ai toujours su m’adapter. J’ai été chauffeur de bus pour Credit Suisse, avant mes études en économie à la HES. J’ai ensuite quitté Zurich pour la Suisse romande où la banque m’a proposé de devenir gestionnaire commercial pour les grandes sociétés. A 33 ans, l’entreprise Laurent Membrez m’a recruté pour mener le comité de direction. Nous sommes passés de 120 employés à mon arrivée à près de 300 lors de mon départ, vingt ans plus tard. Aujourd’hui, je suis toujours vice-président du conseil d’administration.
Après deux ans et demi de retraite, je suis sûr d’avoir fait le bon choix. J’ai davantage de temps pour moi, mais surtout pour toutes sortes d’activités bénévoles. C’est très enrichissant. Ces dernières semaines, j’ai vendangé à Reverolle, aidé à installer le marché de Clarmont, accompagné une classe d’élèves de 14 ans dans un camp en Appenzell. Je suis libre de dire oui à tout.
A l’occasion, je fais aussi du consulting pour des amis entrepreneurs. Je donne mon avis librement, ce qui n’est pas le cas lorsque vous êtes payé. Mon idée n’est pas du tout de monter une structure professionnelle. Je ne suis d’ailleurs pas sur LinkedIn. La Suisse est cependant très petite et on vient me chercher. J’ai aussi accompagné un jeune athlète algérien de ski de fond qui vit en Suisse. Il devait participer aux Jeux olympiques de Pékin. J’étais son manager et j’ai récolté des fonds. Au dernier moment, il n’a pas obtenu la «wild card» d’Algérie, mais ce sera pour 2026 à Milan, on l’espère.
Pour le Journal de Morges, dont je suis actionnaire minoritaire depuis le rachat à Tamedia (TX Group) en 2016, c’était un joli défi. J’ai joué le rôle de la sage-femme pour faire accoucher le bébé et Cédric Jotterand le fait grandir à présent. C’est un super journaliste qui a appris à devenir entrepreneur. Il y a énormément de choses à mettre en place pour développer une région. C’est pourquoi je suis conseiller communal à Hautemorges. Bien sûr, beaucoup font tout ça en plus de leur travail. Ce n’est pas mon choix. J’ai envie d’être aussi disponible pour mes enfants et mes proches.»