En raison de la hausse des taux, des craintes concernant les perspectives économiques et de l’inflation, les marchés ont connu une année 2022 pour le moins difficile. Ainsi, la diversification traditionnelle actions-obligations n’est pas parvenue à protéger efficacement les investisseurs. Toutefois, les placements alternatifs ont pu contribuer à atténuer la volatilité et même, dans certains cas, à produire des rendements positifs.
«Ces questions étant susceptibles de rester d’actualité en 2023, les placements alternatifs restent un outil essentiel dans la boîte à outils d’un investisseur, estime Karim Cherif, responsable des placements alternatifs auprès de la Recherche d’UBS. Dans le monde d’aujourd’hui, une approche équilibrée qui utilise l’ensemble des instruments disponibles permet d’obtenir des résultats supérieurs. Et les portefeuilles qui comprennent des placements alternatifs sont bien positionnés à cet égard.»
Hedge funds, private equity, etc.
Mais qu’entend-on exactement par placements alternatifs? Il s’agit d’un terme générique pour les actifs et les stratégies autres que les obligations et les actions. D’une manière générale, les placements alternatifs comprennent les hedge funds, le capital-investissement (private equity), la dette privée, les matières premières, les infrastructures et l’immobilier. Certains investisseurs peuvent également inclure l’art et d’autres objets de collection dans leur portefeuille alternatif.
Ces placements offrent le potentiel de générer des rendements ajustés au risque, ainsi qu’une meilleure diversification dans un portefeuille, étant donné leur moindre sensibilité aux mouvements généraux du marché. Au cours de la dernière décennie, les investisseurs ont manifesté un intérêt considérable pour l’ajout de ces instruments dans leur allocation d’actifs. Selon Karim Cherif, cette tendance devrait se poursuivre.
D’après la société anglaise de données d’investissement Preqin, les actifs sous gestion dans le domaine des placements alternatifs devraient presque doubler d’ici à 2027. Actuellement, ils représentent environ 13 milliards de dollars dans le monde. En ce qui concerne les perspectives de rendements pour 2023, sur un cycle économique complet, on peut s’attendre à ce que les hedge funds génèrent des rendements de 5 à 6%, le capital-investissement entre 10 et 11%, la dette privée entre 8 et 9% et l’immobilier entre 6 et 9%. «Historiquement, les placements alternatifs ont généré de meilleurs rendements ajustés au risque que les investissements traditionnels», ajoute l’expert.
Moins liquides que les titres publics
Toutefois, il faut tenir compte du fait que ces fonds nécessitent généralement des périodes de détention plus longues, allant de quelques mois pour les hedge funds à dix à quinze ans pour les actifs privés, et sont généralement moins liquides que les titres publics. Ainsi, les investisseurs dans ces fonds ne peuvent pas s’attendre à accéder à leur capital ou à recevoir des distributions avec une certaine régularité.
Gianluca Oderda, Head of Unconstrained Multi Asset Solutions chez Credit Suisse Asset Management, mentionne un autre type d’investissements alternatifs comprenant les obligations liées à l’assurance et les cat bonds (qui titrisent les polices de réassurance contre les catastrophes naturelles). Selon lui, ces actifs devraient offrir une prime de risque supplémentaire en raison de leur faible liquidité et des risques d’événements extrêmes qu’ils comportent.
«Selon nous, les hedge funds devraient continuer à profiter de l’environnement de marché actuel, caractérisé par des taux d’intérêt plus élevés.»
«Sur la base de nos hypothèses concernant le marché des capitaux, nous recommandons les hedge funds, puis la dette privée et enfin le private equity, estime Gianluca Oderda. Selon nous, les hedge funds devraient continuer à profiter de l’environnement de marché actuel, caractérisé par des taux d’intérêt plus élevés, une volatilité accrue des marchés financiers et une plus grande dispersion des marchés.»
Pour ce spécialiste, le principal avantage des investissements alternatifs est leur potentiel de diversification par rapport aux investissements traditionnels, ainsi que leur rendement intéressant ajusté au risque: «Etant donné leur faible corrélation avec les classes d’actifs traditionnelles, l’ajout d’investissements alternatifs à un portefeuille multi-asset peut se traduire par un rendement attendu plus élevé pour un niveau de risque attendu identique, voire légèrement inférieur.»
En ce qui concerne les inconvénients, il mentionne leur illiquidité et leur faible degré de transparence: «A titre d’exemple, les fonds de private equity peuvent avoir des périodes de blocage de plusieurs années, tandis que de nombreux hedge funds offrent au mieux des calendriers de souscription/rachat mensuels ou même trimestriels, avec une divulgation limitée de la composition de leur portefeuille sous-jacent.»
Capacité à prendre des risques
Fabio Alessandrini, responsable des investissements quantitatifs et alternatifs à la BCV, rappelle que la performance des placements alternatifs provient notamment de sources de risque différentes des sources de risque classiques que sont la croissance économique et l’inflation. «Les types de placements alternatifs sont donc multiples et très divers, car les sources de risque alternatives sont nombreuses, dit-il. On y inclut habituellement les hedge funds, les matières premières ou le private equity. Plus récemment, les placements en infrastructures ainsi que les portefeuilles de primes de risque ont pris une place croissante dans cette catégorie.»
Le fait que la performance des placements alternatifs provient de sources différentes implique que les rendements seront partiellement indépendants des actions et des obligations. Ils sont donc peu corrélés aux placements traditionnels et offrent un potentiel de diversification important dans les portefeuilles globaux. «Cet effet a été particulièrement spectaculaire en 2022 avec la performance très positive des matières premières et la bonne tenue des hedge funds, dans un contexte de forte baisse pour les actions et obligations», précise-t-il.
Cela étant dit, il rappelle que la part pouvant être allouée aux placements alternatifs dépend des objectifs et de la capacité à prendre des risques: il s’agit plutôt d’un élément de diversification que de l’une des composantes principales d’un portefeuille. De plus, il faut rester attentif au fait que certains placements alternatifs (tels que le private equity) sont moins liquides que les actions et les obligations. En cas de situation de stress des marchés, cela peut rendre plus difficile la vente de parts sans devoir concéder une décote.
Finalement, la performance des placements alternatifs dépend de nombreux éléments spécifiques. «Par exemple, si l’année 2023 connaît une baisse de l’inflation et un ralentissement économique, alors les matières premières n’auront plus le même vent dans le dos que l’année passée, explique le spécialiste. La situation est aussi délicate pour le private equity, où les prix ne s’ajustent que graduellement au contexte du marché et où la liquidité pourrait devenir moins favorable. A contrario, certaines stratégies de hedge funds pourraient continuer à profiter du nouveau contexte de taux plus élevés et des marchés encore très volatils.»
Des frais plus élevés
Les gestionnaires de fonds facturent généralement des frais de gestion de 1 à 2% et des commissions de performance de 15 à 20%. Bien que ces frais soient plus élevés que ceux des gestionnaires traditionnels, les commissions de performance peuvent contribuer à mieux aligner les gestionnaires sur les investisseurs.