«Il n’est pas nécessaire d’être un professionnel pour investir dans une start-up, mais l’approche doit être structurée», résume Pierre-Jean Wipff, directeur de l’innovation et des partenariats au Biopôle, à Epalinges (VD). En effet, il peut être aisé de se laisser séduire par un pitch accrocheur, d’éprouver de la sympathie pour un porteur de projet ou de se sentir motivé par une cause qui nous tient à cœur. Reste que, avant de se lancer à l’eau, il convient de garder un œil objectif et de tenir compte de plusieurs paramètres.

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Tout d’abord, il faut savoir qu’on ne récupère son argent que si la société est revendue ou si elle entre en bourse. La somme investie, en général plusieurs dizaines de milliers de francs, reste ainsi bloquée longtemps. Cette durée peut être comprise entre dix et quinze ans pour les médicaments, cinq et dix ans pour les dispositifs médicaux, trois et cinq ans dans le domaine numérique.

Par ailleurs, l’argent est souvent dilué. Plus on avance dans les tours, plus le besoin de financement est grand. La part initiale tend à diminuer. Par conséquent, en termes de gouvernance, il peut se révéler intéressant, si l’on souhaite conserver une part de gâteau intéressante, de rajouter de l’argent au fur et à mesure de la croissance de la société. 

Pierre-Jean Wipff recommande de se tourner vers des clubs spécialisés. Ils peuvent fournir des formations, des évaluations et, surtout, un accès à de nombreux projets. On en trouve beaucoup en Suisse, à l’image du Sictic ou de Business Angels Switzerland. Ce dernier organise une dizaine d’événements par an en Suisse romande lors desquels trois start-up sélectionnées peuvent faire un pitch. La majorité provient de l’EPFL, de la Fongit ou des universités de la région. L’association compte 70 membres. Pour la plupart, il s’agit d’indépendants souhaitant diversifier leur portefeuille ou d’entrepreneurs cherchant à transmettre leur expérience.

Cette dernière année, 2,4 millions de francs ont été investis à la suite des événements organisés par Business Angels Switzerland en Suisse. Sur une cinquantaine de start-up ayant effectué leur pitch, huit ont obtenu un financement. «Nous souhaitons rester une association où les gens se connaissent, indique le président, Frédéric Lauchenauer. Grâce à notre réseau, il est plus aisé de comprendre le modèle d’affaires ou les opportunités des différentes start-up dans leurs secteurs respectifs. On peut aussi évaluer s’il est préférable d’effectuer un prêt convertible ou d’entrer directement dans le capital de la société. Par ailleurs, contrairement à des fonds, nous ne prenons pas de commissions. Nos frais sont couverts par les cotisations de nos membres.»

Aller au-delà de l’actionnariat 

De son côté, la Startup Board Academy propose des programmes spécifiques pour les personnes qui souhaitent aller au-delà de l’actionnariat et devenir administrateurs. A noter que, en raison des nombreuses contraintes légales et fiscales, les plateformes de crowdfunding tendent à perdre de la vitesse dans le domaine du financement des start-up et se concentrent sur des secteurs moins risqués, comme l’immobilier, par exemple.

Beaucoup de jeunes sociétés hébergées au Biopôle recourent à des investisseurs indépendants. C’est le cas de Biped, qui développe un appareil de navigation pour les personnes malvoyantes. Pour son cofondateur, Maël Fabien, les avantages de lever des fonds auprès de plusieurs business angels sont multiples: «On s’entoure d’une vraie diversité d’experts sur des sujets variés: régulation, finance, tech ou recrutement. Cela ouvre aussi un accès direct au réseau de ces investisseurs privés qui sont engagés pour le succès de la start-up. En contrepartie, il y a un challenge de synchronisation: les tables de capitalisation s’allongent et les investisseurs peuvent demander des mises à jour fréquentes. La communication devient très importante.» En règle générale, les montants s’élèvent à 10 000 ou 20 000 francs et peuvent aller jusqu’à 150 000 francs dans le cas de Biped.

«Il est très utile de trouver cinq ou six investisseurs privés qui mettent les premières contributions»

 

En principe, les tours de table sont compris entre 500 000 et 1 million de francs. «Il est très utile de trouver cinq ou six investisseurs privés qui mettent les premières contributions, par exemple 20, 30 ou 50% du montant total, et qui permettent ainsi de convaincre de plus gros investisseurs professionnels des chances de succès d’un tour de financement», précise Maël Fabien.

Du côté de l’EPFL, il arrive également que des particuliers investissent dans des jeunes pousses lors des premières phases d’amorçage. «Cela se réalise le plus souvent à travers le réseau personnel des fondateurs, relève Isabel Casado Harrington, coresponsable de l’unité start-up. Toutefois, comme elles se trouvent souvent à un stade précoce, ces investissements peuvent comporter des risques élevés. D’où l’intérêt de diversifier ses placements dans diverses sociétés.»

Investir et transmettre son savoir

A côté de son emploi à 100%, Jean-Fabien Moulin, 52 ans, a investi 40 000 francs dans trois jeunes sociétés de la région lausannoise actives notamment dans la protection de l’environnement. Conscient qu’il s’agit d’investissements à long terme, il souhaite transmettre à ces start-up son expérience dans le back-office, la finance et les ressources humaines: «Souvent, les jeunes entrepreneurs pensent avant tout au financement, mais il est aussi important de construire un squelette administratif qui va leur permettre de croître par la suite.» Cet accompagnement actif et informel ne lui prend pas beaucoup de temps. Il s’agit surtout d’ouvrir son carnet d’adresses et de donner son avis en tant qu’observateur extérieur.

William Türler
William Türler