A l’heure où la place financière suisse souffre d’une crise de confiance à la suite du rachat de Credit Suisse par UBS, Hervé Ordioni est, lui, serein. Le Franco-Italien est chargé de superviser les activités de banque privée pour le groupe Edmond de Rothschild en Suisse, à Monaco, au Royaume-Uni, en Israël et dans les pays du Proche-Orient et d’Asie. Un vaste périmètre. En Suisse, la banque privée, dont le siège est à Genève, dispose en outre de quatre succursales – Fribourg, Lausanne, Zurich et Lugano – et annonce 30 milliards d’actifs sous gestion.

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Hervé Ordioni, vous avez déménagé de Monaco à Genève il y a un an. Quel bilan tirez-vous de vos vingt-six ans à la banque Edmond de Rothschild à Monaco?
En 1996, la banque à Monaco comptait 22 salariés et 500 millions d’actifs sous gestion. A mon départ, nous étions près de 250 collaborateurs, pour 13 milliards d’actifs. Nous avons acquis une reconnaissance énorme et obtenu un siège à l’Association monégasque des activités financières (AMAF). Nous y côtoyons les autorités officielles, y compris Albert de Monaco, une personnalité attachante, soucieuse du monde économique.

Nouveau poste, nouvelle équipe et nouvelle clientèle. Parle-t-on d’argent de la même manière à Monaco qu’en Suisse?
A Genève, les collaborateurs me connaissaient et j’arrivais avec un certain crédit en raison de mon parcours à Monaco. S’il y a des similitudes avec la clientèle internationale de la principauté, la Suisse a une plus grande diversité. C’est une Confédération avec trois manières de parler d’argent. Il faut y maîtriser l’art de la négociation de chaque centime et, en même temps, répondre à des envies d’investir directement dans les sociétés. Cela demande de l’engagement. Nous avons 700 collaborateurs en Suisse, sur cinq entités. Notre objectif est de doubler nos capacités et ce n’est pas un rêve!

Vraiment? C’est un énorme coup d’accélérateur pour le groupe, qui affiche 158 milliards d’actifs sous gestion en 2022.
Nous souhaitons faire évoluer le «front», à savoir le service direct à la clientèle. Nous ne prévoyons pas de nouvelles ouvertures en Suisse dans l’immédiat, mais renforçons les équipes. Nous avons beaucoup travaillé sur nos plateformes informatiques. Il est important à présent de garder un contact humain avec nos clients. Par exemple, pour les entrepreneurs, nous avons mis en place un réseau et accompagnons les investisseurs souhaitant entrer dans le capital d’entreprises. L’histoire de la famille Rothschild est intimement liée à des entrepreneurs, d’abord dans le rail, puis dans des projets aussi variés que le tourisme (Club Med), la publicité, les parfums (Caron), les domaines viticoles et même une fromagerie qui produit le dernier brie de Meaux au monde à base de lait cru. Nous avons aussi développé des fonds de dépollution des sols il y a quinze ans déjà, permettant de construire de nouveaux ouvrages collectifs, des fonds dans l’hôtellerie, dans la foodtech. J’estime que nous sommes légitimes pour parler aux entrepreneurs. Un autre axe prioritaire pour nous est l’expansion au Moyen-Orient, avec l’ouverture d’une filiale au DIFC à Dubaï et le déplacement de notre bureau de représentation à Abu Dhabi.

Le rachat de Credit Suisse n’est pourtant pas là pour rassurer la clientèle.
A chaque fois qu’il y a eu des difficultés, les régulateurs bancaires ont trouvé des solutions, même s’il est vrai qu’on peut critiquer la rapidité avec laquelle la décision a été prise et s’inquiéter des effets collatéraux. En ce qui concerne l’impact sur le groupe Edmond de Rothschild, notre croissance est plus rapide que celle du marché. En 2022, nous avons collecté 4,3 milliards de francs net et la tendance est encore meilleure en 2023.

En tant que membre du comité exécutif du groupe, vous avez un rôle direct auprès des régulateurs bancaires des différents pays. Les clients peuvent-ils encore avoir confiance dans leur banque aujourd’hui?
Les clients se posent la question de la solidité de leur établissement bancaire, une préoccupation d’autant plus pertinente de nos jours. Il est essentiel qu’ils portent une attention particulière à la banque qu’ils choisissent et comment celle-ci investit leur argent. Notre établissement présente un ratio de solvabilité supérieur à 22%, témoignant de la solidité de nos fonds propres qui sont principalement constitués de capitaux durs.

Ariane de Rothschild a repris la direction générale du groupe cette année, coiffant la double casquette opérationnelle et stratégique. A quoi vous attendez-vous?
Lorsqu’elle m’a proposé de venir à Genève, je n’ai pas hésité. Je suis admiratif de la diversité de ses centres d’intérêt et de son dynamisme. La banque Edmond de Rothschild est un groupe indépendant à capital 100% familial. Le modèle est unique dans ce secteur. Nous avons une représentation importante de femmes et mon objectif est d’accroître ce pourcentage, qui s’élève actuellement à 45% pour tous les types de postes. A Monaco, par exemple, nous avons augmenté ce chiffre à 50% de femmes dans les postes seniors.

Vous êtes passionné de rallye automobile. De nouveaux projets  en perspective?
En avril dernier, j’ai terminé ma course 30 mètres en contrebas de la route. Mais le lundi matin, j’étais au bureau. En 2024, nous avons comme objectif de revenir sur le podium avec mon coéquipier Thierry Boutsen, un ex-pilote de formule 1.

TB
Tiphaine Bühler