«Tout est parti d’un voyage en Bolivie, à l’occasion d’une mission humanitaire. Le destin a voulu que je croise le chemin d’un prêtre ouvrier, Padre Santiago, qui se battait pour sortir les enfants des mines d’argent et de zinc. J’ai immédiatement perçu que nous étions sur la même longueur d’onde. Pour chaque situation, nous identifiions le même mal et imaginions le même remède. Je suis restée un mois à ses côtés. La suite relève du surréalisme mâtiné de mysticisme. De retour en Suisse, j’apprends avec stupeur que Padre Santiago est décédé subitement, d’un arrêt cardiaque. Et voilà que, quelques jours plus tard, je reçois une grosse enveloppe dans laquelle se trouvaient tous ses projets en cours et à venir. Une sorte de testament en somme. Il l’avait préparé au cas où et avait chargé quelqu’un de me l’envoyer. J’ai répondu oui sans hésiter à cet appel et j’ai créé Voix Libres, la Terre des Enfants, dans le quartier des Grottes, à Genève. Nous étions en 1993. En réalité, l’œuvre du Père Santiago se limitait au soutien de 12 enfants travaillant dans les mines de Potosí, à 4100 m d’altitude. Personnellement, je me rendais compte que les besoins étaient immenses. Pas seulement pour sortir les enfants des mines, mais aussi les femmes et leurs enfants des champs d’ordures dans lesquels ils mangent et vivent ainsi que pour tirer de leur enfer quotidien des femmes qu’on viole, qu’on bat et qu’on assassine en toute impunité.
Au début, ce n’était pas facile. Pour financer les actions, je faisais venir des containers de matériel d’artisanat et du quinoa, que je revendais sur des marchés ou après des conférences. Il faut dire que j’ai tout de suite distribué des microcrédits pour stimuler la créativité des gens et leur rendre un peu de dignité. Le premier, de 10 francs, je l’ai donné à un jeune garçon pour qu’il achète et vende des citrons au lieu de mourir dans une mine. Le deuxième a été accordé à une femme qui voulait cuisiner de l’émincé de poulet. J’avais apporté les filets de poulet mais, au moment de les émincer, j’ai réalisé qu’aucune ne possédait de couteau dans le terrier qui leur servait de maison. C’est à partir de cette misère totale que le microcrédit leur a redonné espoir.
Aujourd’hui, le montant de ces derniers varie entre 100 et 800 dollars. Pour les entreprises de nourriture, les remboursements se font rapidement. En trois mois généralement. Pour les paysans, c’est un peu plus long. Le taux de remboursement est de 95%. Nous perdons le solde lorsque des familles quittent les mines et s’exilent sans laisser d’adresse.
Notre budget annuel varie autour de 1,2 million de francs, financé en grande partie par des dons et des parrainages. Il arrive que nous recevions un don de 100 000 francs. Après trente-deux ans d’activité, les gens et les entreprises qui nous soutiennent savent que l’argent est bien utilisé, qu’il ne part pas en frais d’exploitation. Je pourrais vous abreuver de chiffres, je n’en citerai que trois: en trente-deux ans, nous comptons 3 261 446 bénéficiaires, dont 158 392 de microcrédits, et 465 133 enfants ont été scolarisés. Et avec vous, on peut encore faire plus...»
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2007
Nommée entrepreneuse de l’année par le Club des femmes entrepreneurs de Genève.
2018
Prix international des droits humains.