Tony Parker, Severin Lüthi ou Yann Sommer font partie des stars qui financent des start-up. Connue aux Etats-Unis, la tendance émerge en Suisse. L’ex-coach de Federer détient notamment des parts dans uniqFEED, active dans la publicité virtuelle dans le sport, tandis que le gardien de la Nati a rejoint l’actionnariat de Movu, plateforme de déménagement. En Suisse romande, Timea Bacsinszky a investi dans la marque de sacs upcyclés Nine June et Joël Dicker est engagé dans la chocolaterie Du Rhône.

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Certains sportifs ou artistes sont carrément devenus entrepreneurs et dirigent une société très éloignée de leur domaine d’activité premier. C’est le cas du hockeyeur retraité de Gottéron et d’Ambrí Michael Ngoy et de la chanteuse et productrice de spectacles pour enfants Sonia Grimm. Le premier a fondé en 2019 NCAcademy, société de formation à la maturité et à divers brevets fédéraux 100% en ligne. La seconde est CEO de la start-up Algaltek, un spin-off de l’EPFL revalorisant les algues, qu’elle a rejointe il y a deux ans. Les contrastes étonnent.

«Le métier de chanteuse sur le marché suisse oblige à être autoentrepreneur. En plus d’interpréter et d’écrire mes spectacles, je les produis, je m’occupe de la billetterie, de la promotion et de gérer près de 400 personnes, dont des bénévoles. Mon travail chez Algaltek n’est finalement pas très différent, avec une équipe beaucoup plus petite. C’est de la gestion de projet. Pour confirmer mes acquis, j’ai passé l’an dernier un double doctorat en Creative Arts & Leadership», observe celle qui se produit parfois devant des milliers de spectateurs, comme à l’Arena de Genève, à Montreux ou lors des Fêtes de Genève. Sonia Grimm fait encore 45 concerts par an, en Suisse et à l’étranger. Elle mène ses deux activités en parallèle et développe en outre des applications pour lutter contre le harcèlement scolaire et les violences en privé ou au travail.

Sonia Grimm

La chanteuse et productrice de spectacles pour enfants Sonia Grimm est CEO de la start-up Algaltek. Il y a deux ans, elle a rejoint ce spin-off de l’EPFL qui revalorise les algues.

© Sandra Pointet

Michael Ngoy travaille avec 20 formateurs en plus de l’équipe dirigeante et administrative. Il est parti de son expérience personnelle pour fonder NCAcademy. «Pendant ma carrière sportive, j’étudiais pour le brevet fédéral en gestion d’entreprise. Lorsque j’ai changé de club, on a mis en place un modèle en ligne. Mon ancien directeur est devenu mon associé et on a lancé la Sàrl. Le covid nous a fait décoller», explique-t-il. Ses premiers clients ont été des sportifs professionnels, dont Julien Sprunger. Aujourd’hui, cependant, 80% de sa clientèle n’a pas ce parcours.

Il confirme l’intérêt des sportifs pour l’entrepreneuriat et leur retenue face aux postes de salariés classiques. «Lorsque vous avez quinze ou vingt ans de carrière dans le sport, faire un 8 h-17 h et recevoir des ordres, c’est impossible pour certains. Alors pourquoi ne pas devenir son propre boss? Par ailleurs, la réalité est que, après une carrière où on a bien gagné sa vie, c’est difficile de trouver une bonne place dans une entreprise», glisse le hockeyeur. La recherche d’adrénaline n’est donc pas la motivation pour devenir entrepreneur. «Lorsque vous avez 15 000 personnes qui chantent votre nom, c’est incomparable. Il y a bien la fierté d’avoir un premier client ou d’autres satisfactions, mais c’est très différent», sourit-il.

Habitués à la pression

Sportifs et artistes font-ils de bons entrepreneurs ou de bons associés? Oui et non. Parmi les avantages cités: leur faculté à se dépasser, une résilience hors pair, ils sont combatifs, disciplinés, déterminés, ont envie de bien faire et d’apprendre. Le hockeyeur et la chanteuse se rejoignent sur un autre point intéressant. «Il n’y a pas de burn-out dans le hockey. On est habitué à la pression et on sait qu’on doit être là», affirme-t-il. Même constat pour Sonia Grimm: «On connaît le coût d’une absence et l’impact d’être malade une semaine. Beaucoup de salariés ne s’en rendent pas forcément compte.»

En revanche, pour Michael Ngoy, l’image de la star qui investit généreusement est un mirage: «Il faut savoir que 95% des sportifs, même ceux qui ont très bien gagné leur vie, n’apporteront pas, ou peu, d’argent dans la société. Ils prêteront plutôt leur image. Un hockeyeur qui a gagné 250 000 francs par an pendant dix ans aura le train de vie qui va avec. On gagne bien, mais on dépense aussi bien.»

Pour Sonia Grimm, la manière de financer les start-up a été un apprentissage à l’encontre de ses habitudes, puisqu’elle s’est toujours autofinancée, tout comme Michael Ngoy. «C’est très différent dans le monde de la recherche. Il y a cette habitude de recourir à des financements extérieurs et ça a été un travail d’adaptation», note-t-elle. L’un de ses premiers mandats chez Algaltek a été de remplir une demande Innosuisse qui a été refusée.

Enfin, la question de l’ego revient également. «Etre une chanteuse qui dirige une biotech, c’est sûr, ça étonne et ça peut me desservir aussi, pointe-t-elle. Mais j’ai un entourage scientifique avec lequel je suis très complémentaire.» Michael Ngoy souligne quant à lui le changement de paradigme: «On est toujours venu vers moi et là, c’est à moi de vendre mon produit et de me faire connaître, notamment auprès de certains étudiants éloignés du monde du hockey. Ce sont eux les stars et plus vous.»