Trop matures pour être considérées comme des start-up, mais encore insuffisamment consolidées pour attirer les fonds de LBO (leveraged buy-out ou rachat avec effet de levier), nombre de PME ambitieuses mais complexes ont longtemps évolué dans une zone intermédiaire du financement. Le Growth Equity – ou capital de croissance – a émergé comme une réponse naturelle à cette problématique. Ni simple apport de capitaux, ni prise de contrôle intrusive, il s’est imposé au cours de la dernière décennie comme un levier stratégique majeur de création de valeur.
Né dans les années 1990 et institutionnalisé dans les années 2010 par des acteurs comme Insight Partners, General Atlantic ou Summit Partners, le Growth Equity cible des entreprises dont le modèle économique est déjà validé par le marché. Il s’agit le plus souvent de sociétés affichant une croissance annuelle supérieure à 30%, avec des revenus établis, une clientèle récurrente et, parfois, une rentabilité. Leur enjeu n’est plus de prouver leur concept, mais de franchir un cap d’accélération: expansion géographique, industrialisation de l’offre, renforcement des fonctions clés. Là où les banques restent prudentes et les fonds de LBO privilégient le contrôle, les investisseurs en Growth Equity apportent une solution flexible et sur mesure.
Ce positionnement hybride repose sur une logique de partenariat actif. Les prises de participation sont généralement minoritaires, sans volonté d’ingérence, mais avec une forte implication stratégique: appui au recrutement, structuration de la gouvernance, ouverture à des réseaux sectoriels, définition de KPI de pilotage. La création de valeur repose davantage sur le levier opérationnel que sur le levier financier.
Et les résultats sont probants. Les entreprises soutenues par le Growth Equity combinent souvent vitesse d’exécution et rigueur stratégique. L’absence de dette ou son usage limité réduit la volatilité des trajectoires et renforce la résilience. Cette dynamique séduit un nombre croissant d’investisseurs: selon Invest Europe, 17 milliards d’euros ont été levés par des fonds de Growth Equity en 2023, un montant en hausse constante, bien que toujours éloigné des 95 milliards captés par les fonds de buy-out. La tendance est néanmoins claire: la classe d’actifs s’affirme.
Longtemps concentré sur les éditeurs de logiciels SaaS, prisés pour la récurrence de leurs revenus et leur faible churn*, le Growth Equity étend désormais son champ d’action. Santé, services B2B, transition énergétique, éducation: tous les secteurs associant scalabilité, différenciation et utilité sociale deviennent des cibles privilégiées.
A titre d’exemple pour des sociétés suisses, Summit Partners a investi en 2024 dans Revizto, une entreprise fournissant une plateforme collaborative pour les secteurs de l’architecture, de l’ingénierie, de la construction et de l’exploitation (AECO). Cet investissement minoritaire visait à soutenir l’expansion de l’équipe, le développement de produits et la croissance mondiale de l’entreprise. En 2023, le gérant avait aussi investi dans Cinerius, une plateforme de gestion de patrimoine indépendante opérant en Suisse et en Allemagne.
Pour les dirigeants, le Growth Equity constitue une solution équilibrée: accélérer sans dilution excessive ni perte de contrôle. Pour les investisseurs, il offre une exposition directe à l’économie réelle, un risque contenu, et un couple rendement-croissance attractif. Dans un monde d’abondance de liquidités en quête de sens, ce capital stratégique trouve une pertinence nouvelle.
Mais la réussite n’a rien d’automatique. La sélectivité est de mise: traction commerciale solide, qualité du management, scalabilité du modèle, barrière à l’entrée... autant de critères examinés avec rigueur. Les fonds les plus performants ne cherchent pas des paris spéculatifs, mais des entreprises capables de devenir les leaders de demain, avec un accompagnement sur mesure.
Le Growth Equity n’est ni une mode ni une niche. Il reflète une évolution structurelle des marchés privés. A mesure que les entreprises gagnent en sophistication, leur besoin d’un capital agile, patient et stratégique devient évident. Ce capital ne remplace pas le venture capital ni le LBO; il s’inscrit entre les deux, comme un trait d’union indispensable. Entre la promesse de la start-up et la solidité de l’ETI (entreprise de taille intermédiaire), il y a un moment clé. C’est là que tout se joue. Et c’est là que le Growth Equity fait la différence.
* Taux de perte de clients et d’abonnés sur une période donnée