Deux ans après l’arrivée de ChatGPT, l’intelligence artificielle est entrée dans une nouvelle phase de démocratisation et d’accélération, marquée par une rivalité croissante entre les Etats-Unis et la Chine et l’essor des modèles open source. L’incertitude reste de mise, mais de nouvelles opportunités émergent pour les entreprises et les investisseurs. Dans ce contexte, qui saura capter la valeur générée par l’IA? Qui seront les gagnants de demain? Réponse avec Tobias Aellig, Senior Equity Analyst chez LGT Private Banking.

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Deux ans après l’arrivée de ChatGPT, comment évolue l’intelligence artificielle?

L’intelligence artificielle entre dans une nouvelle phase: la technologie accélère et devient plus accessible, marquée par une rivalité croissante entre les Etats-Unis et la Chine. Tandis que les géants de la tech poursuivent leurs investissements massifs dans les infrastructures, des start-up comme DeepSeek bousculent l’ordre établi en développant des modèles très performants à une fraction du coût initial.

Quelles sont les implications pour les différents acteurs économiques?

La baisse des coûts de développement et la montée en puissance des modèles open source rebattent les cartes. De nouvelles opportunités s’ouvrent pour les développeurs de logiciels et les utilisateurs finaux, mais la question centrale demeure: qui saura capter la valeur créée par l’IA?

Comment guidez-vous les investisseurs dans un environnement aussi mouvant?

Chez LGT, nous avons développé le modèle PEARL, un cadre d’analyse permettant d’identifier la chaîne de valeur de l’IA et ses bénéficiaires à long terme. Il distingue cinq types d’entreprises: les Pioneers (développeurs de modèles), les Enablers (fabricants de semi-conducteurs et fournisseurs d’infrastructure), les Accelerators (éditeurs de logiciels et cabinets de conseil) et deux catégories émergentes: les Reformers et les Laggards (retardataires).

Pourquoi DeepSeek marque-t-elle un tournant?

En janvier 2025, cette start-up chinoise a dévoilé un modèle comparable à ceux d’OpenAI pour un coût déclaré de seulement 5,6 millions de dollars américains. Ce montant modeste a surpris bon nombre d’observateurs et remet en cause l’idée que des investissements colossaux sont nécessaires pour entraîner des modèles toujours plus grands. Cela soulève aussi des questions sur le leadership technologique des Etats-Unis, sur l’efficacité des restrictions à l’exportation imposées à la Chine et sur le potentiel de monétisation de tels modèles à long terme.

Est-ce la fin des investissements massifs dans les infrastructures?

Il y aura sans doute une phase de saturation, mais nous ne l’anticipons pas à court terme. Si les gains d’efficacité permettent de réduire les coûts d’entraînement, la demande pourrait se déplacer vers des domaines comme l’inférence, qui exige toujours une puissance de calcul importante. Par ailleurs, certains hyperscalers sont encore limités en capacité, et de nouveaux projets comme Stargate ont été annoncés. Ainsi, les Enablers – en particulier les fabricants de semi-conducteurs – devraient continuer de bénéficier de cette dynamique.

Quels types d’entreprises vous semblent les mieux positionnés?

Nous nous intéressons de plus en plus aux Accelerators (éditeurs de logiciels). L’IA devient plus facile à intégrer, et de nombreuses entreprises cherchent à l’inclure dans leurs outils opérationnels. L’émergence d’«agents IA» plus sophistiqués et capables d’agir de façon autonome ouvre la voie à de nouveaux gains de productivité.

La monétisation de l’IA reste un défi. Quelles tendances identifiez-vous?

L’investissement initial a surtout profité aux fournisseurs de matériel. A mesure que l’IA se diffuse dans l’économie, la valeur devrait se déplacer vers la couche applicative, où les entreprises constatent des bénéfices concrets. Cela favorisera l’émergence de modèles de tarification plus souples et évolutifs pour les logiciels, ce qui devrait favoriser une adoption massive et offrir un meilleur retour sur investissement pour les clients.

Quelle est votre principale recommandation aux investisseurs?

L’attention pourrait progressivement se déplacer des Pioneers vers les Accelerators. Ce sont ces derniers qui font sortir l’IA du laboratoire pour l’amener dans les usages quotidiens. A nos yeux, c’est là que se concentrera une grande partie de la création de valeur dans les années à venir.