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«J’ai moi aussi eu envie de tout arrêter»

Cuisinier-patron reconnu dans le Bas-Valais, François Chomel a perdu son frère et ancien associé en 2022. Début octobre, l’homme a ouvert un nouveau projet salvateur avec la Rôtisserie du Bois-Noir, à Saint-Maurice.

Siméon Calame

Siméon Calame

François Chomel
Louis Dasselborne

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«Je suis arrivé en Suisse en 1998 après une enfance en Isère et des études hôtelières en internat. Cuisinier de formation, je travaillais alors à Verbier, lorsque mon frère Christophe m’a contacté car il cherchait du travail. Comptable de formation, il s’est toutefois tourné vers le service, et je lui ai trouvé une place dans le même établissement que moi. En 2006, nous nous sommes associés pour reprendre le restaurant Les Touristes, à Martigny, Christophe au service, moi en cuisine. Durant dix ans, nous avons œuvré corps et âme, avant de créer notre restaurant Maison Chomel, où nous proposions une cuisine plus simple et plus accessible. Nous avons aussi créé ensemble Swiss Boco, où nous concoctions soupes et veloutés, notamment. Une belle aventure fraternelle et entrepreneuriale!

En 2020, j’ai annoncé à mon frère que je souhaitais arrêter chez Maison Chomel et me lancer ailleurs. Travailleur forcené mais plus suiveur que meneur, Christophe ne l’a pas bien pris. Nos routes se sont donc éloignées. Il n’est jamais facile de quitter quelqu’un, que ce soit dans une relation personnelle ou professionnelle, mais ma décision fut celle qu’elle fut. J’ai ensuite ouvert Côte Rôtie, un restaurant de viande, toujours à Martigny. Avant que le pire n’arrive.

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Un jour d’avril 2022, nous apprenons que mon frère s’est suicidé. Ce fut évidemment un choc. Mon père m’a presque immédiatement asséné que c’était moi qui l’avais tué, à travers le travail, alors qu’il ne savait rien du contexte de ces diverses décisions et chemins entrepreneuriaux. Ce fut une seconde gifle que je me suis prise en pleine figure. Il m’a été difficile de sortir de cette situation, de cette tristesse, de ce choc. Je voyais tous les jours sa maison et le restaurant, c’était dur. Je n’arrivais même plus à y entrer, dans cette Maison Chomel que nous avions créée ensemble. J’ai cependant réussi à tout nettoyer puis à la mettre en vente. Je ne cache pas que j’ai moi aussi eu envie de tout arrêter, d’en finir. Mais une rencontre spéciale m’a offert une bouffée d’oxygène indescriptible.

J’ai rencontré Mirza Telarevic après sa deuxième visite à Côte Rôtie. Nous avons sympathisé et il m’a rapidement proposé une nouvelle aventure: redonner vie à la Rôtisserie du Bois-Noir, à Saint-Maurice. Mirza avait déjà bien lancé les travaux et il souhaitait que je m’occupe de la cuisine. J’ai déménagé, suis petit à petit sorti de Martigny, cité qui m’était en quelque sorte devenue destructrice. Ce nouveau projet m’a permis de revenir à l’essentiel et aux fondamentaux que je souhaite incarner. Il m’a recentré sur moi et ma cuisine, a fait barrage à certaines mauvaises langues, m’a protégé.

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Dans la région, il s’est dit mille et une choses à propos du décès de mon frère, j’ai ensuite vécu diverses mésaventures dans ma vie personnelle, et une partie de ma famille ne me parle plus. Mais aujourd’hui, même si une telle douleur ne s’enfuira certainement jamais, la Rôtisserie du Bois-Noir m’a permis de tourner une page. Avec Mirza, j’ai retrouvé un frère.»

Les dates clés

2006
François Chomel s’associe avec son frère.

2020
Il lui annonce qu’il se lance seul dans un nouveau projet.

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