Ils naviguent généralement dans l’ombre des CEO. Pourtant, les directrices et directeurs des finances (CFO) occupent une place stratégique dans les hautes sphères des organigrammes d’entreprise. Cet anonymat de façade participe à la méconnaissance d’une fonction clé et transversale. Car, au-delà des chiffres et des bilans comptables, les CFO ont une intime connaissance de toute la chaîne de valeur d’une entreprise. Du management aux ressources humaines, en passant par le département IT, ils jouissent d’une vision périphérique. Mais qui se cache derrière cet acronyme? PME, en partenariat avec Romandie Formation et son diplôme fédéral en finance et controlling, dévoile les dessous d’un métier méconnu mais stratégique au travers d’une série de cinq podcasts inédits.

Nicolas Schornoz
Le sparring-partner du CEO

Depuis 2013, Nicolas Schornoz est le CFO de Vestergaard. Basée à Lausanne – avec des antennes au Vietnam et au Kenya –, cette société à but humanitaire est spécialisée dans la fabrication de moustiquaires imprégnées servant à lutter contre la malaria en Asie et en Afrique subsaharienne.

D’entrée de jeu, Nicolas Schornoz fait tomber certains clichés sur son métier: «On imagine le CFO dans une tour d’ivoire alors que, dans ce métier, les éléments humains sont fondamentaux!» Lui se voit davantage comme un chef d’orchestre chapeautant une équipe qui, collectivement, amène des informations pertinentes afin que le CEO de l’entreprise puisse prendre des décisions stratégiques ou faire des choix éclairés de modèles d’affaires grâce à une analyse complète des risques et des opportunités. Un rôle qui ne se cantonne plus au cahier des charges du passé comme la comptabilité et le reporting.

D’expérience, Nicolas Schornoz souligne que la fonction de CFO a considérablement changé ces dernières années sous la pression des nouvelles technologies. Cette évolution, dit-il, donne à ce métier toujours plus d’intérêt et de valeur ajoutée. «Acteur du changement», le CFO de 45 ans a pu démontrer la diversité de son métier tout au long de la crise sanitaire sidérante que nous vivons depuis mars 2020: «En période de pandémie, mon rôle est aussi d’aider mon entreprise à naviguer dans cette crise, rester proactif avec les partenaires, limiter les dommages collatéraux, en restant compétitif. Et préparer la société à l’après-crise.»


Olivier Taburet
Le CFO intérimaire

Olivier Taburet
© DR

«CFO couteau suisse», Olivier Taburet est un ovni dans le monde de la direction financière. Après avoir travaillé de nombreuses années dans le contrôle de gestion, puis dans la direction financière de différentes entreprises, en Suisse et à l’international, le Français d’origine s’est mué en CFO intérimaire il y a une dizaine d’années, à l’âge de 45 ans: «Je suis appelé pour des missions, par exemple de dix-huit mois, pour transformer la logistique dans une dizaine de sites, mener à bien la digitalisation de l’entreprise ou chapeauter une acquisition.» En d’autres termes, Olivier Taburet est appelé à la rescousse par les entreprises pour gérer le plus souvent une mission délicate et très précise.

La fonction de CFO intérimaire est-elle un modèle d’avenir à mesure que les fonctions dirigeantes s’ubérisent? Olivier Taburet en est convaincu. Il estime surtout que ce modèle de missions courtes permet d’apporter une vraie valeur ajoutée à l’entreprise: «Au bout de trois jours, le CFO intérimaire doit se sentir comme chez lui dans l’entreprise et bricoler le moteur de l’avion tout en le pilotant.» Ainsi, il doit mobiliser des compétences très précises. Pour l’entreprise, c’est l’assurance d’avoir une réponse ciblée à ses demandes et besoins. Et côté CFO, ce rythme de travail entre périodes intenses, puis d’autres plus calmes, est «idéal, souligne Olivier Taburet. Il permet de se consacrer à des activités privées.»

Brigitte Rorive Feytmans
A l’aise dans la complexité

Brigitte Rorive Feytmans
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Brigitte Rorive Feytmans est une femme d’action qui n’a pas la langue dans sa poche, ni la langue de bois. A la fin des années 2000, elle quitte sa ville de Liège pour occuper diverses fonctions au sein des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). En 2013, la docteure en stratégie et management des organisations en devient la directrice financière. Brigitte Rorive Feytmans ne s’en cache pas: elle aime la complexité. «Un hôpital, c’est comme une petite ville, avec des entreprises dans une entreprise. Pas moins de 180 métiers différents se côtoient, qui vont du personnel soignant aux professions de l’hôtellerie et de la restauration, en passant par les professions techniques. En tant que CFO, il faut avoir la capacité à appréhender la complexité.» Brigitte Rorive Feytmans est surtout une femme de crise. Car outre la pandémie, le domaine de la santé subit depuis des décennies une hausse des coûts, en moyenne de 4% par an.

Améliorer les résultats et l’efficience, par exemple en traquant toutes les sources de gaspillages – ce qui pourrait permettre des économies de l’ordre de 20% selon l’OCDE –, tout en gardant en tête la mission principale des hôpitaux, à savoir prendre soin des patients et des employés, c’est ainsi que cette «gestionnaire de crise» définit son ancien poste de CFO. Ancien, car Brigitte Rorive Feytmans a pris sa retraite des HUG en août 2020. Elle préside désormais le conseil d’établissement de l’Hôpital Riviera--Chablais.

La Belge d’origine est aussi une militante. Elle met à profit sa longue expérience dans des fonctions dirigeantes pour promouvoir les carrières féminines dans les postes de direction: «J’étais
parfois la seule femme à des réunions de CFO d’hôpitaux universitaires ou à d’autres séances de direction, se souvient-elle. Il serait temps que l’on féminise les directions hospitalières, surtout dans les milieux universitaires.»

Christophe Pilet
Le CFO, comme un GPS

Christophe Pilet
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Depuis mars 2020, Christophe Pilet vit un scénario catastrophe. Jamais dans sa carrière le quadragénaire n’aurait imaginé qu’un virus puisse enterrer successivement deux éditions du Paléo Festival. Et pourtant, c’est arrivé. Malgré le choc, Christophe Pilet a dû naviguer à vue: «Mon rôle est de faire en sorte que nous nous en sortions avec le moins de casse financière possible, note-t-il. Pour ce faire, nous avons élaboré de multiples scénarios et simulations afin de pérenniser la manifestation. Si je devais imager le rôle de CFO, je dirais que nous sommes comme le GPS dans une voiture.»

Christophe Pilet est arrivé à la direction financière à 45 ans par une suite de concours de circonstances. Après une année d’apprentissage en tant que mécanicien chez Bobst, il se forme en tant qu’agent fiduciaire. A l’âge de 26 ans, il tombe sur une petite annonce pour un poste de CFO au sein de la PME Paléo Arts & Spectacles, qui emploie aujourd’hui une soixantaine de personnes. Il occupe désormais cette fonction depuis dix-neuf ans et il ne compte pas arrêter. Si Christophe Pilet travaille dans un domaine «sympathique, où il faut aimer la musique, la culture, les gens», l’anticipation reste l’un des éléments clés de sa fonction. En effet, la programmation des artistes nécessite de planifier les budgets une année, voire deux ans à l’avance.

Tania Micki
Assurer la tranquillité d’esprit du CEO

 

Tania Micki
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Tania Micki occupe la fonction de CFO chez Tecan depuis une dizaine d’années. Cette Française d’origine, basée à Zurich, a notamment travaillé pour Sulzer et General Mills et a vécu en Russie, en Pologne, en Angleterre et en Australie: «C’est en travaillant pour une start-up à Moscou que j’ai réalisé que les chiffres, c’est ce que je préfère, raconte-t-elle. Ce domaine permet de toucher à tout: mise en place de systèmes, élaboration de process, recrutement, etc. La finance permet de comprendre tous les métiers de l’entreprise.»

Les instruments de Tecan, qui permettent d’automatiser les process d’analyses cliniques en laboratoire, connaissent un fort engouement en cette période de pandémie. Dans ce contexte, le rôle de la CFO, qui intervient aussi bien dans les domaines de la planification des fournisseurs que dans la gestion des liquidités et des procédures de conformité dans chaque pays où le groupe zurichois est actif, est essentiel. «Le plus important, c’est de pouvoir s’appuyer sur une équipe, la meilleure possible, pour prendre les décisions les plus correctes possible. Le CFO est là pour assurer la tranquillité d’esprit du CEO, qui peut ainsi se concentrer sur la stratégie.»

>> Pour découvrir ou réécouter la série de podcasts, «L’écho des CFO»

La série de podcasts «L’écho des CFO» vous est proposée par Romandie Formation et son Diplôme fédéral en finance et controlling

Martin Auger
Martin Auger