"Le pont Ambassador est maintenant entièrement ouvert, permettant à nouveau la libre circulation du commerce entre les économies canadienne et américaine", a annoncé dimanche soir sa société exploitante. "Les opérations frontalières normales ont repris au pont Ambassador. Les voyages non essentiels sont déconseillés", ont tweeté les services frontaliers canadiens.

Il a fallu deux journées à la police canadienne pour parvenir à évacuer du pont les manifestants anti-mesures sanitaires depuis la décision de la cour supérieure de l'Ontario ordonnant leur départ. Samedi, la plupart des camions avaient été retirés du pont, mais quelques centaines de manifestants refusaient de quitter les lieux. Entre 25 et 30 protestataires ont été arrêtés.

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25% des échanges transfrontaliers

Washington avait exercé une certaine pression sur le gouvernement canadien en lui demandant la semaine dernière d'employer "les pouvoirs fédéraux" pour mettre fin à un blocage ayant des "conséquences sérieuses" sur l'économie américaine à cause de l'importance des échanges empruntant ce pont.

La fermeture de ce pont a déjà entraîné des perturbations pour l'industrie automobile des deux côtés de la frontière. Plus de 25% des marchandises exportées entre les Etats-Unis et le Canada transitent par ce pont.

Le Canada est secoué depuis deux semaines par une contestation anti-mesures sanitaires: les protestaires occupent les rues du centre de la capitale fédérale Ottawa depuis le 29 janvier et plusieurs axes frontaliers.

"Nous allons laisser tomber les passeports" le 1er mars, a indiqué le Premier ministre Doug Ford lors d'une conférence de presse, expliquant qu'une grande majorité des gens étaient vaccinés et que le pic d'Omicron était passé.

La levée des mesures sanitaires est réclamée par des contestataires qui bloquent la capitale fédérale Ottawa, située en Ontario, depuis plus de deux semaines.

Loi sur les mesures d'urgence

Pour y mettre un terme, le Premier ministre canadien Justin Trudeau serait par ailleurs sur le point d'utiliser la loi sur les mesures d'urgence, indique la chaine canadienne CBC. Celle-ci peut être invoquée en cas de "crise nationale" et donne au gouvernement fédéral davantage de pouvoir pour y mettre fin.

Le Premier ministre devait discuter dans la matinée avec tous les Premiers ministres provinciaux.

Plan de réouverture accéléré

En Ontario, à partir du 17 février, "nous supprimerons toutes les jauges, sauf dans les salles de concert, les théâtres et les événements sportifs, qui seront plafonnées à 50%", a ajouté Doug Ford. "Nous sommes en mesure d'accélérer notre plan de réouverture" grâce à la baisse des hospitalisations et du nombre de cas, a-t-il précisé.

L'Ontario est la province la plus peuplée du Canada et avait réimposé, comme d'autres provinces canadiennes fin décembre, des mesures très strictes, parmi les plus restrictives au monde.

C'est seulement la deuxième fois que cette disposition est activée en temps de paix, la dernière fois remontant à la crise de 1970 quand Pierre Elliott Trudeau, le père de l'actuel Premier ministre était au pouvoir.

"Le gouvernement fédéral invoque la loi sur les mesures d'urgence pour compléter les pouvoirs provinciaux et territoriaux et faire face aux blocages et aux occupations", a-t-il déclaré, précisant que l'armée ne serait pas déployée et que les nouvelles mesures seraient "limitées dans le temps et géographiquement".

Le mouvement de contestation canadien qui a débuté fin janvier est parti de camionneurs protestant contre l'obligation d'être vacciné pour passer la frontière entre le Canada et les Etats-Unis. Mais les revendications se sont étendues à un refus de l'ensemble des mesures sanitaires et, pour de nombreux manifestants, à un rejet du gouvernement de Justin Trudeau.

"Peu de limites"

La loi sur les mesures d'urgence peut être invoquée en cas de "crise nationale" et donne au gouvernement fédéral davantage de pouvoir pour y mettre fin en lui permettant d'autoriser "à titre temporaire des mesures extraordinaires".

Plusieurs Premiers ministres provinciaux ont exprimé avant la prise de parole de Justin Trudeau leur opposition à la mise en place de cette disposition, qui correspond à un état d'urgence national.

En 1970, le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau l'avait invoquée pour envoyer l'armée au Québec et prendre une série de mesures d'urgence, après l'enlèvement par le Front de libération du Québec d'un attaché commercial britannique, James Richard Cross, et d'un ministre québécois, Pierre Laporte.

M. Cross avait été libéré après des négociations, mais le ministre avait été retrouvé mort dans le coffre d'une voiture.

"Avec cette loi, le gouvernement peut réquisitionner des biens, des services, des personnes. Le gouvernement peut dire aux gens où aller, où ne pas aller. Il y a vraiment peu de limites à ce que peut faire le gouvernement", a expliqué Geneviève Tellier, professeure d'études politiques à l'université d'Ottawa.

Plan de réouverture accéléré

Lundi, la police canadienne a saisi des armes et des munitions et arrêté 11 personnes sur le blocage frontalier de Coutts en Alberta (ouest), point de passage avec les Etats-Unis paralysé depuis une semaine. Les autorités ont mis la main sur 13 armes d'épaule, des armes de poing, plusieurs ensembles de gilets pare-balles, et une grande quantité de munitions.

La police était parvenue dimanche soir, après sept jours de blocage, à rouvrir le pont Ambassador, qui relie Windsor en Ontario à la ville américaine de Detroit au Michigan. La paralysie de cet axe frontalier majeur avait poussé Washington, inquiet des conséquences économiques, à intervenir auprès de Justin Trudeau.

Le Premier ministre de l'Ontario - province canadienne la plus peuplée dans laquelle se trouvent les villes d'Ottawa et de Windsor - a annoncé lundi matin la levée prochaine de la quasi-totalité des mesures sanitaires, dont le passeport vaccinal.

Mais à Ottawa, les opposants aux mesures sanitaires occupaient toujours les rues du centre-ville. Quelque 400 camions sont installés appuyés par une organisation bien rodée: tentes pour se réchauffer, feux de camp, stands de nourriture...

Depuis l'instauration de l'état d'urgence vendredi, ils risquent de recevoir une amende pouvant aller jusqu'à 100'000 dollars canadiens (72'600 francs) voire un an d'emprisonnement.

"Très frustrée"

Pendant ce temps, la grogne monte dans la population canadienne devant la lenteur de la réaction des autorités, notamment sur les réseaux sociaux, où l'action de la police est fortement questionnée.

"Au début je les soutenais mais maintenant c'est assez", estime Beatriz Sagastume, une habitante d'Ottawa contrainte de se déplacer à pied pour aller travailler.

Comme plusieurs contre-manifestants ce week-end, elle réclame une sortie de crise et estime que c'est au Premier ministre Justin Trudeau de régler le problème.

Cette mobilisation canadienne inédite continuait lundi de faire des émules ailleurs dans le monde. Après des manifestations similaires en Australie et en Nouvelle-Zélande, des milliers de voitures et de camions en Israël ont rallié Jérusalem depuis plusieurs villes du pays.

En Europe, après avoir convergé vers Paris samedi, une partie des convois d'opposants aux restrictions sanitaires, dits "de la liberté", sont arrivés à Bruxelles, où la manifestation a été interdite.

A
ats