"Depuis quelque temps, on sentait qu'une époque de prétendue stabilité touchait à sa fin", a déclaré M. Cassis samedi à Lugano lors de l'assemblée plénière, selon la version écrite de son discours.

"La guerre d'agression brutale menée par une puissance disposant du droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU contre un pays souverain en Europe a accéléré ce changement d'époque. Nous vivons aujourd'hui dans un monde nouveau", a déclaré le ministre des affaires étrangères en faisant allusion à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Cette guerre a fait voler en éclats l'ordre pacifique européen.

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Le droit international n'est pas respecté ou même parfois bafoué. Les puissances émergentes se détournent de l'Occident et propagent des modèles alternatifs de société et de développement, a poursuivi M. Cassis. Et d'ajouter: "Je pense bien sûr avant tout à la Chine". Le pays connaît un développement économique sans précédent, mais qui ne repose ni sur la démocratie ni sur une économie de marché libérale.

La mondialisation est actuellement globalement en recul et l'économie mondiale souffre. La montagne de dettes a atteint des "hauteurs vertigineuses", l'inflation a réduit à néant les progrès du développement et l'explosion des prix des denrées alimentaires et de l'énergie renforce les difficultés de nombreuses personnes. Dans certains pays du Sud, la famine menace et l'Europe lutte pour un approvisionnement énergétique sûr, a encore relevé M. Cassis.

La menace vient aussi de l'intérieur

Il a souligné que "des solutions multilatérales aux grands défis mondiaux sont aujourd'hui plus importantes que jamais". De nombreuses organisations internationales ont cependant des difficultés, car elles ont été créées à une autre époque.

En Europe également, les démocraties libérales sont confrontées à une crise de confiance. Depuis la crise financière de 2008, les courants populistes se sont renforcés et ont bouleversé le paysage des partis nationaux. La démocratie et le progrès libéral sont donc loin d'être garantis, a rappelé le ministre PLR.

Et d'ajouter qu'aujourd'hui les démocraties ne sont pas seulement menacées de l'extérieur mais aussi de l'intérieur. "Des forces illibérales se montrent parfois prêtes à saper les institutions démocratiques auxquelles elles doivent leur mandat et, si nécessaire, à les faire tomber". Pour le Tessinois, il n'est pas exagéré de parler de "changement d'époque".

M. Cassis reste cependant confiant et est "convaincu que les démocraties libérales ont encore quelques atouts dans leur manche dans la concurrence entre les systèmes". Certes, elles produisent régulièrement des erreurs, mais elles peuvent aussi être très performantes, comme elles l'ont montré à maintes reprises.

"Les démocraties libérales en particulier disposent de mécanismes de correction qui permettent de corriger les développements erronés", a noté le président de la Confédération. Et d'ajouter que l'une des plus grandes forces des démocraties libérales est le dialogue critique avec les citoyens.

Démocratie contre autocratie

Les prochaines années seront marquées par la lutte entre les démocraties et les autocraties. Le Conseil fédéral devra en tenir compte dans sa prochaine stratégie de politique extérieure pour les années 2024 à 2027, qui sera adoptée l'année prochaine, selon M. Cassis.

"Pour pouvoir maîtriser nos grands problèmes mondiaux, tous les Etats doivent travailler ensemble. Pour cela, il faut un minimum de confiance - et des bâtisseurs de ponts comme la Suisse", a indiqué le Tessinois.

Regard extérieur

Selon lui, les Suisses de l'étranger jouent un rôle important dans le renforcement de la démocratie. Grâce à leur regard extérieur et à l'expérience de leurs pays d'accueil, ils peuvent souvent apporter de nouvelles connaissances importantes, a affirmé le ministre lors de leur congrès à Lugano. Il se tenait pour la première fois en présentiel depuis la pandémie. M. Cassis y a rencontré une délégation de jeunes de la Cinquième Suisse.

"Aujourd'hui, nous avons vécu en temps réel la signification de la démocratie: échanger et débattre sur toutes les divergences d’opinions, indépendamment que l’on vive en Suisse ou à l’étranger, que l’on soit Suissesse ou Suisse, ou d’une autre nationalité", a estimé Ariane Rustichelli, directrice de l'Organisation des Suisses de l'étranger, cité dans un communiqué de l'organisation.

Une table ronde sur les droits politiques des Suisses de l'étranger a également eu lieu avec des parlementaires de tous bords politiques. Ils partageaient l'avis qu'il faut miser sur des "solutions basées sur la confiance" sur le chemin de l'e-démocratie. L'échec de l'E-ID a montré qu'une innovation souhaitée peut échouer si la confiance dans la solution concrète proposée fait débat.

Le prochain Congrès des Suisses de l'étranger aura lieu du 18 au 20 août 2023 à Saint-Gall. Il aura pour thème la culture suisse.